Ah, les jeux de la décennie 2020… ce qui est dingue, c’est que j’ai l’impression qu’ils arrivent quasi-systématiquement à me décevoir (à quelques exceptions près, dont j’espère pouvoir parler un jour) ; et ce, souvent pour les mêmes raisons.
En fait, le problème principal que j’ai avec ça, c’est la mentalité des diffuseurs. Depuis plusieurs années, on sent que leurs moyens et leurs ambitions sont redirigés vers les cases les plus lucratives, au détriment des autres. Normal, me direz-vous, les diffuseurs n’ont pas des moyens infinis, et doivent composer avec une concurrence de plus en plus marquée, de même qu’avec des budgets de plus en plus restreints.
En revanche, ce qui m’ennuie profondément avec ça, c’est que les jeux TV de day-time en pâtissent énormément. Leur programmation devient de plus en plus ronronnante et de moins en moins diversifiée ; et les quelques tentatives de nouveauté auxquelles on a droit ne cassent vraiment pas des briques. Le paroxysme de ce manque de moyens, d’ambitions et de créativité étant l’adaptation TV du Jeu des 1000 euros, qui est pour moi l’aveu ultime de renoncement de la part de France TV à ce niveau-là (et qui, de surcroit, n’est même pas fichu de faire un jeu simpliste un tant soit peu correct).
De fait, si je souhaite trouver des concepts plus ambitieux et créatifs, je dois me tourner vers le prime-time, qui, lui, continue à bénéficier de moyens plus conséquents, étant un créneau davantage regardé. Ce qui ne me dérangerait pas… si les jeux qui y étaient destinés étaient réellement conçus pour durer deux heures. Mais comme ce n’est généralement pas le cas, ça a tendance à les saboter quasi-systématiquement… même si le jeu d’aujourd’hui est peut-être l’un de ceux qui pâtissent le moins de cette mentalité (mais qui en pâtit quand même, j’y reviendrai).
Bon, c’est une introduction assez généraliste, que j’aurais pu faire pour quasiment n’importe quel jeu de prime-time des années 2020 ; mais comme je n’avais pas trop d’idées pour introduire The Floor : à la conquête du sol autrement. Sinon, j’aurais encore pu me plaindre du cliché « The mot en anglais pour faire style, mais pas trop compliqué pour ne pas perdre le spectateur lambda : sous-titre en français parce que loi Toubon, mais personne ne prendra la peine de le citer de toute façon parce que ce serait trop long« , parce que les marketeux n’ont aucune imagination ; mais je l’avais déjà fait pour The Wheel.
Sinon, que dire d’autre au sujet de The Floor, à part que c’est arrivé en 2024 sur France 2, présenté par Cyril Féraud, et donc diffusé en prime-time ? Pas grand-chose…
Enfin, si : ce jeu a effectivement une petite spécificité, dans la mesure où il a une programmation feuilletonnante, façon Koh-Lanta ou Pékin Express ; ce qui est fréquent pour les jeux d’aventure (surtout depuis les années 2000), mais ce qui est plus rare pour un jeu de plateau de prime-time, où les formats sont généralement conçus pour être diffusés de façon unitaire. Mais pour le coup, c’était une nécessité, le concept n’étant pas vraiment compatible avec une diffusion unitaire façon Le grand concours ou 100% logique (à moins de réduire ses enjeux, peut-être).
Le concept dans les grandes lignes
Des candidats sont positionnés sur une grille de 10×10 cases, chacun ayant sa case attitrée. Au départ, ils étaient 100 ; à la fin, il n’en restera qu’un ! Aaaaah yé yé yé ya yé ya yé yé yé… mouais, ce gag aurait mieux fonctionné si Koh-Lanta avait eu un générique avec des paroles intelligibles.
L’ordinateur va sélectionner un candidat au hasard parmi les 100. Celui-ci devra alors défier l’un de ses voisins immédiats (horizontalement ou verticalement, mais pas en diagonale), ce qui lancera un duel entre les deux candidats.
A l’issue de ce duel, le perdant est éliminé du jeu, et le vainqueur gagne la case occupée par son concurrent : ce qui fait qu’il élargit donc son territoire, et gagne de nouveaux voisins (ceux de la case précédemment occupée par son concurrent).
Il décide alors s’il souhaite défier un autre de ses voisins, ce qui lancera un nouveau duel avec celui-ci ; ou s’il souhaite s’arrêter là pour le moment. Dans ce second cas, il regagne alors sa zone sur la grille, et l’ordinateur sélectionne un nouveau candidat au hasard.
Puis rincez et répétez jusqu’à ce qu’il ne reste plus que deux candidats sur la grille, qui s’affronteront dans un ultime duel pour gagner 100 000 €.
Quelque part, je pourrais plus ou moins comparer ce concept à une sélection géante, façon QLMG… mais avec une structure tout de même plus originale.
Bon, certes, le parallèle avec QLMG n’est pas forcément évident. Car les seuls éléments que ces deux jeux ont en commun, ce sont la grosse quantité de candidats en début d’émission pour ne garder qu’un seul gagnant suite à des éliminations successives ; ainsi que la structure répétitive qui permet de le faire, et qui ne se base que sur un seul et unique type de “questions”. Je reviendrai d’ailleurs plus loin sur la répétitivité de The Floor.
Et j’ai déjà eu l’occasion de dire à plusieurs reprises que ce n’était pas le genre de structure que je trouvais porteuse habituellement, justement à cause de la monotonie et de la répétitivité.
Mais ce qui fait que The Floor fonctionne mieux selon moi tient à deux aspects que QLMG n’a pas.
Les duels
Premier aspect : le format des duels.
Les duellistes vont jouer sur un thème précis (j’y reviendrai). Chaque candidat dispose d’un capital de 45 secondes.
On commence par celui qui a déclenché le duel. Son chronomètre s’enclenche, puis une image en lien avec le thème apparaît ; le candidat doit alors identifier la réponse (par exemple, si on montre un acteur, il faut donner son nom).
Lorsqu’il donne la bonne réponse, son chronomètre s’arrête, et celui de son concurrent démarre, avec pour lui aussi une autre image et une réponse à donner pour que la main repasse au premier, etc.
Notons que les erreurs ne sont pas pénalisées, et qu’un candidat peut donner autant de réponses qu’il le souhaite ; toutefois, s’il ne trouve pas et décide de passer à une autre image, il garde la main mais perd quelques secondes avant que la nouvelle image ne soit affichée.
Si le chronomètre de l’un des candidats arrive à zéro, celui-ci perd alors le duel.
Bon, vu comme ça, le principe n’est pas spécialement innovant. Après tout, le côté “passage de patate chaude”, on l’a déjà vu dans pas mal de jeux jusqu’à présent : dans la demi-finale de Crésus, dans le Coup fatal des 12 coups de midi (pour ceux qui préfèrent ce jeu-là…), dans les duels des Associés (pour nos amis belges), dans la finale de C’est quoi ce jeu ? (pour ceux qui se souviennent que ça a existé…), et sans doute dans d’autres jeux encore que je ne connais pas ou qui ne me viennent pas à l’esprit.
Ce qui va plus ou moins démarquer The Floor des autres, c’est le fait de jouer exclusivement avec des images, et la gestion des erreurs et du passage de question… ce qui reste encore un peu léger vu comme ça.
Cela dit, ça reste une mécanique qui a fait ses preuves, et qui fonctionne à peu près bien. Mais de là à la répéter 99 fois ? Alors que j’avais dit au sujet des Associés que déjà deux fois, ça cassait le rythme ? Eh bien… oui, ça passe quand même. Peut-être est-ce le fait que la mécanique est entièrement basée là-dessus qui donne moins l’impression de casser le rythme.
Mais les thèmes des duels n’y sont pas non plus étrangers.
Alors, déjà, précisons quelque chose que j’avais volontairement omis tout à l’heure : en effet, chacun des 100 candidats est associé à son thème de prédilection. Lorsqu’un candidat doit choisir un adversaire, on lui dévoile les différents domaines de prédilection de leurs voisins ; ce qui peut donc aiguiller le candidat dans son choix.
Bon, on va quand même avoir un petit problème avec ça : étant donné que la production doit imaginer 100 salves d’images pour chaque thème, on va fatalement avoir quelques redites dans le lot. Ainsi, il n’est pas rare que, par exemple, pour certains thèmes consistant à reconnaître des personnalités, on les sépare en deux, avec par exemple un thème “Animateurs TV” et un thème “Animatrices TV”, et la même chose pour les acteurs/actrices de cinéma. Ou encore un thème “Sports” et un thème “Disciplines sportives”, où on se demande quelle est la différence au premier abord…
En revanche, ce qui va être original, c’est que, même si on joue exclusivement avec des images, on peut avoir de temps en temps autre chose qu’un simple objet ou visage à identifier, et des thèmes qui vont légèrement plus pousser à la réflexion. Par exemple, des répliques à compléter, des intitulés d’événements à compléter, ou encore plusieurs indices menant à une réponse spécifique (qui peuvent également être affichés progressivement au lieu de les montrer d’un seul coup).
Ce qui permet d’ailleurs de différencier certains thèmes a priori très semblables. Ainsi, si le thème “Sports” montrera des images de différents sports à identifier, le thème “Disciplines sportives” partira plutôt sur des noms de sportifs dont il faudra identifier la discipline. Malin !
En outre, on pourrait se demander si, dans ces cas-là, c’est toujours pertinent de tout faire passer par le visuel plutôt que par une formulation orale ; mais la réponse est clairement oui. Étant donné qu’on est sur un format de duel où chaque seconde est précieuse, le fait d’afficher directement les “questions” permet aux candidats de ne pas perdre de temps avant de pouvoir proposer une réponse, et de ne pas dépendre d’une question trop longue à dire en entier, ni du débit de parole de l’animateur. Ah, si seulement la finale de TLMASMAD et le rythme de tortue rhumatisante de son animateur pouvaient s’en inspirer…
Après, même si ce concept de duel reste relativement solide et même efficacement créatif par moments, il n’est pas tout à fait exempt de défauts, même si ceux-ci restent relativement mineurs dans l’ensemble.
Ainsi, imaginons qu’on soit dans un monde parfait, où les duellistes ne commettent aucune erreur et répondent sans trop de délai. Dans ce cas-là, par défaut, c’est le candidat qui lance le duel qui est désavantagé… d’ailleurs, c’est un peu ce qu’on peut craindre à chaque fois qu’un duel est lancé, car les premières images restent souvent très simples durant les vingt premières secondes environ. Mais bon, heureusement, la difficulté monte d’un cran assez vite.
Pour pallier ce problème, ce n’est malheureusement pas très évident, puisque ce genre de mécanique reste asymétrique par nature. Le moyen le plus simple de le minimiser est de proposer des chronomètres plus longs ; mais comme on doit (pour rappel) enchaîner 99 duels, on pouvait difficilement se permettre de le faire, sous peine de faire se terminer l’émission encore plus tard qu’elle ne le devrait… donc bon, 45 secondes, on va dire que ça reste un compromis acceptable.
Et puis, dans un sens, comme le candidat qui lance le duel a eu l’avantage de pouvoir choisir son adversaire, on va dire que l’asymétrie reste justifiée. Et pour une fois qu’elle est en la faveur du “challenger”, je ne vais clairement pas m’en plaindre (insérez ici une pique facile à TLMVPSP) ; même si ça va impacter négativement un autre aspect du jeu. On y reviendra dans la partie suivante.
Sinon, mis à part ce problème assez théorique (qu’on retrouve d’ailleurs dans une certaine mesure dans la plupart des jeux que j’ai cités plus haut, The Floor n’est pas le seul à être concerné), on peut aussi retrouver quelques problèmes dans la mise en pratique.
Un problème qui peut souvent se poser concerne le degré de précision attendu pour chaque réponse. Par exemple, lorsqu’un candidat doit identifier un moyen de transport, et qu’il a comme image un bus londonien rouge à deux étages, la réponse attendue est “Bus à impériale” ; mais si le candidat répond juste “Bus”, techniquement on ne peut pas dire qu’il a tort… sauf que comme ce n’est pas assez précis, la réponse n’est pas validée, et on reste sur la même image.
Ce qui est frustrant, car non seulement le candidat perd alors un temps précieux à se rendre compte que sa réponse a été invalidée ; mais de plus, il ne sait pas forcément que c’est juste à cause d’un manque de précision sur ce qui est attendu.
Là où un jeu comme QPUC demandera à l’animateur de préciser une réponse si elle est incomplète, The Floor restera en revanche muet et fera perdre du temps au candidat sans que ce ne soit spécialement mérité. Sur le coup, je trouve qu’on aurait pu s’inspirer de QPUC, en indiquant de préciser dans ce genre de cas.
Et enfin, la régie est plutôt molle, et ne semble pas très au taquet lorsqu’il s’agit de valider les réponses vers la fin du chrono. A plusieurs reprises, on s’étonne qu’un candidat soit éliminé, alors qu’il avait clairement donné la bonne réponse sur le fil voire un peu avant, et qu’il restait encore une seconde au compteur… on pourrait faire un effort là-dessus. Certes, quand ça arrive, l’adversaire a généralement encore une réserve de temps a priori suffisamment conséquente pour répondre correctement à la prochaine image, et que ça n’aurait donc pas changé grand-chose à l’issue du duel ; mais quand même.
La stratégie
Second aspect : la stratégie.
On l’aura compris : le but principal pour les candidats, c’est d’être le grand gagnant ; i.e. celui qui contrôlera la totalité du sol à la fin de la partie.
Toutefois, le jeu dispose également de quelques objectifs intermédiaires.
Mais avant d’en parler, vous avez certainement dû vous demander, en me lisant : “Euh, une partie se compose de 99 duels ? Ça ne fait pas un peu beaucoup pour une seule émission ?”. Et je vous rassure ; non, on ne joue pas les 99 duels pendant une seule et même émission. Je sais qu’on adore faire des primes qui se terminent à pas d’heure en France, mais pas à ce point-là non plus.
En fait, une partie est répartie sur quatre émissions différentes, avec 25 duels par émission (sauf la dernière, qui en aura forcément un de moins). D’où le côté feuilletonnant de la diffusion que j’évoquais en introduction.
Et si je le précise, c’est parce que chaque émission dispose de son enjeu spécifique.
A l’issue de chaque épisode (hormis le dernier), le candidat qui contrôle la plus grande zone remporte 5 000 €. Si, à tout hasard, on a des ex aequo, ils se partagent ce gain.
Et… je suis très mitigé sur cet aspect-là.
Parmi les bons points : ça incite les candidats à jouer plus stratégiquement, et à parfois choisir leurs adversaires de sorte de pouvoir contrôler le plus de sol. Surtout quand on n’est pas voisin d’une grande zone, et qu’on doit cibler des candidats intermédiaires afin de pouvoir défier le maître du plus grand territoire.
Par ailleurs, ça incite également les candidats qui viennent de gagner un duel à garder la main plutôt que de la laisser. Enfin, sauf s’ils sont en fin d’épisode et se disent que comme ils viennent de gagner 5 000 €, ils préfèrent ne pas prendre de risque pour la suite. Je reparlerai de ce point-là plus loin.
Et enfin, ça permet aussi de maintenir un peu d’intérêt pour le public, en ne le faisant pas attendre le quatrième épisode pour avoir un enjeu, et en maintenant des enjeux plus épisodiques pour avoir envie de rester devant une émission et ne pas forcément sauter directement à la quatrième.
Mais à côté de ça… ça rend aussi l’obtention de ces 5 000 € très hasardeuse !
En particulier lors du premier numéro, où au moins la moitié des candidats n’a pas l’occasion de pouvoir jouer. Également un peu pour les numéros suivants, même si ça tend à s’estomper. Mais bon, dans tous les cas, je plains les candidats qui n’ont pas la chance de pouvoir jouer pour tenter de remporter ces gains intermédiaires.
Et ça rend également les cas d’opportunisme assez présents.
D’ailleurs, je pense qu’on tient là le second problème principal de ce jeu (on reparlera du premier plus loin) : les victoires potentielles par opportunisme.
Alors, oui, ça fait bien évidemment partie du jeu de devoir céder son territoire à l’adversaire en cas de défaite. Mais quand même… est-ce que ce n’est pas un peu injuste qu’un candidat, qui aurait élargi son territoire par ses propres efforts de sorte à occuper une dizaine de cases, et qui aurait donc fait “tout le boulot”, se le fasse chiper par un candidat qui n’aurait qu’une seule case ?
Bien que je doute que ça puisse arriver, imaginez un tel exemple pris à l’extrême, avec un duel final entre un candidat qui aurait le contrôle de 99 cases et un adversaire qui n’aurait que la sienne. Vous n’auriez pas un peu un sale arrière-goût si le candidat qui n’avait rien fait jusqu’alors gagnerait ? Même sans aller jusque-là, si le ratio de cases contrôlées reste assez faible, ce genre de scénario n’en demeurerait pas moins frustrant.
En fait, le problème vient à mon sens de la façon de récompenser les candidats, en se focalisant trop sur la taille des zones contrôlées, et pas assez sur les performances globales.
Même si je comprends qu’on cherche à donner de l’importance à l’argument de vente du programme, je trouve qu’on aurait quand même gagné à proposer des récompenses intermédiaires selon le nombre de victoires des candidats. Ce que le jeu fait quand même très légèrement (mais pas sous forme monétaire, j’en reparle juste après), mais pas suffisamment à mon goût.
De fait, j’ai parfois tendance à trouver l’enchaînement de duels entre différents candidats un peu disparate, sans ce liant qui aurait pu inciter les candidats à davantage jouer sur la performance.
Mais bon, parlons tout de même de ce qui a été mis en place pour inciter un tant soit peu les candidats à jouer sur la performance.
En parlant de la mécanique des duels, on a vu que le fait de lancer un duel était plutôt désavantageux pour le lanceur, qui est donc soit un candidat désigné aléatoirement par ordinateur, soit celui qui vient de remporter le duel précédent et d’élargir sa zone. Outre le fait qu’il doit commencer, il joue également avec un thème qui est censé être celui sur lequel son adversaire s’y connaît a priori.
Dans ces circonstances, ça n’incite donc pas vraiment les candidats à vouloir enchaîner des duels. Ils se disent alors qu’au lieu de chercher à éliminer tout le monde un à un avec les risques que ça comporte, on va préférer laisser les autres s’entretuer en attendant bien sagement d’être défié une fois que le reste aura été bien nettoyé…
Pour pallier ce problème, deux règles ont été mises en place.
La première, on en a parlé plus haut, c’est le gain intermédiaire de 5 000 € par émission, qui peut davantage inciter les candidats à jouer sur le court terme pour pouvoir gagner quelque chose. Sans ça, je ne doute pas que la stratégie “on laisse les autres s’entretuer” aurait eu encore plus le vent en poupe qu’elle ne l’a actuellement…
Et la seconde, c’est le fait qu’au bout de trois duels consécutifs remportés, le candidat remporte un bonus de 5 secondes, utilisable sur n’importe quel duel. Bonne idée.
Toutefois, si ces deux règles restent appréciables, elles demeurent malheureusement insuffisantes pour vraiment inciter les candidats à jouer la stratégie et à enchaîner les duels.
Pour une raison toute simple, évoquée plus haut : déclencher un duel met en situation défavorable celui qui le déclenche. Ce qui évite certes de conquérir des territoires trop facilement, mais qui a de quoi refroidir si le jeu ne propose pas des objectifs à long terme suffisamment attractifs pour inciter à le faire ; et, surtout, s’il propose des alternatives plus confortables, comme attendre que les autres fassent tout le boulot.
Bref, on peut dire que le jeu n’en vaut pas vraiment la chandelle.
Enfin, je ne savais pas trop où en parler, mais la disposition du plateau de jeu a naturellement tendance à ne pas loger tous les candidats à la même enseigne. En effet, ceux qui sont au centre du plateau ont un avantage, dans la mesure où ils disposent de davantage de choix pour défier leur voisinage ; là où les candidats qui occupent les bords (ou pire, les coins) en ont moins.
Je pense que la meilleure solution aurait été de faire un plateau façon Pac-man, où le fait de toucher le bord aurait renvoyé de l’autre côté du plateau. Ainsi, quelqu’un situé sur le bord gauche aurait pu défier son voisin du haut, celui du bas, celui de droite, mais également la personne située à l’opposé horizontalement, sur la même ligne que lui. Idem pour les autres bords.
Bon, je suis conscient que ça aurait rendu le jeu légèrement moins intuitif… mais on aurait pu profiter des possibilités offertes par l’affichage sur le sol pour l’indiquer d’une façon plus claire.
Le prime-time à la française… pas pire que la version originale ?
Bon… vous connaissez le refrain : qui dit concept étranger adapté dans les années 2020, dit étirement de la durée sur deux heures pour coller à un prime-time à la française. The Floor n’échappe pas à la règle.
Toutefois, je ne serai peut-être pas aussi catégorique que les autres fois où j’ai tendance à m’en plaindre.
Déjà, je n’ai pour le moment pas mis l’emphase là-dessus, mais vous devez vous en douter : le concept de The Floor est, par nature, très répétitif. Forcément, on ne fait qu’enchaîner des duels sur un même format, en les entrecoupant des décisions des candidats victorieux ; donc à ce niveau-là, on peut trouver ça lassant à la longue, puisqu’il y aura 98 duels qui vont se jouer sur le même modèle, sans variantes ni éléments perturbateurs.
Toutefois, et à ma grande surprise, je n’ai pas trouvé ça aussi gênant que ça ne le paraissait au premier abord. En effet, le format des duels est plutôt prenant, la gestion du rythme permet de minimiser l’ennui qu’on pourrait ressentir, le fait d’avoir des thèmes un peu plus créatifs dans leur exécution de temps en temps fait plaisir ; et, mine de rien, le jeu n’a beau être plus ou moins qu’une sélection géante, on la rend plus créative et moins rébarbative qu’un format à la QLMG, en créant au passage un petit peu plus d’attache aux candidats (là où dans QLMG, on se foutait surtout de leur gueule…).
De fait, je me suis surpris à ne pas m’ennuyer au bout d’une demi-heure, là où QLMG m’avait déjà gonflé en trois fois moins de temps.
En revanche… jusqu’à quel point on peut enchaîner les duels, sans ressentir un certain ennui au bout d’un moment ? Ca dépendra de chacun.
Aux États-Unis, par exemple (faute de pouvoir parler de la VO, qui est néerlandaise, et que je n’ai pas pu rattraper), une saison de The Floor s’étend sur 10 épisodes, d’une durée globale d’environ 45 minutes. Notons également que cette version a la particularité d’être jouée avec une grille de 9×9 cases, pour un total de 81 candidats (donc 80 duels). De fait, pour chaque émission, on a droit à 8 duels.
En France, une saison de The Floor s’étend seulement sur 4 épisodes, avec 100 participants au total ; ce qui fait que, pour chaque émission, on a 24 à 25 duels joués. Ce qui est clairement impossible à faire tenir sur une émission de moins d’une heure ; aussi, par chez nous, chaque épisode dure évidemment deux heures.
Et… en fait, mine de rien, on y gagne globalement au change.
Mises bout à bout, les émissions US durent effectivement 7h30, vs. 8h pour les émissions françaises une fois concaténées ; en revanche, pour rappel, les États-Unis ont droit à environ 20% de duels en moins que nous. De fait, s’ils avaient joué avec 100 candidats, ils nous auraient dépassé en gardant le même ratio duels/durée d’émission.
Et c’est sans compter les publicités qui se répètent à chaque épisode pour le public outre-Atlantique, là où la VF nous les épargne (merci l’interdiction pour le service public d’interrompre ses primes avec de la réclame) ; ainsi que le blabla d’introduction habituel pour présenter le jeu et résumer la situation à chaque début d’épisode.
Donc, pour une fois, la VF n’est pas victime de rembourrage inutile, au contraire !
En outre, le pari de condenser les confrontations sur un nombre d’épisodes plus restreint peut être une bonne idée, pour maintenir l’implication du spectateur.
Ainsi, avec une diffusion qui ne dépasse pas un mois, c’est plus simple de garder en tête ce qui s’est passé dans l’émission, et de rester impliqué dans le visionnage. Là où en version américaine, pas sûr que je me sente aussi impliqué 10 semaines plus tard, avec à chaque fois le besoin de me remettre dans le bain.
Bon, cependant, je ne cache pas non plus qu’enchaîner deux heures de programme avec 25 duels, ça devient assez rébarbatif au bout d’un moment. Et c’est très clairement le principal problème de cette VF.
Car je reconnais qu’on n’a effectivement pas de rembourrage inutile (pour une fois !) qui rallonge l’émission de façon totalement artificielle ; en revanche, ça n’empêche pas le concept de rester répétitif.
Je pense qu’une solution de compromis aurait été de maintenir une diffusion sur 4 ou 5 épisodes, mais de jouer avec seulement 81 candidats, afin de pouvoir réduire un peu la durée de chaque épisode, et ne pas dépasser 20 duels pour chacun d’entre eux.
Ah, et enfin, à l’instar du The Wheel de TF1, on sent que France 2 profite également du passage forcé en prime-time pour faire des économies là où elle le peut…
En effet, dans les versions étrangères aussi, le candidat qui contrôle le plus de cases à la fin de chaque épisode remporte une certaine somme. Seulement, comme les versions étrangères ont davantage d’épisodes, ainsi que des épisodes plus courts, ça leur fait donc mettre plus souvent la main au porte-monnaie ; là où pour France 2, elle n’a besoin de le faire que quatre fois au total…
Mais bon, ça me dérange largement moins que pour l’adaptation française de The Wheel, où la façon que TF1 avait trouvée pour faire des économies était bien plus honteuse, tout en enfonçant encore davantage le côté profondément aléatoire de la mécanique.
Total : 12/20
Honnêtement, j’avoue que The Floor est un concept qui m’a assez agréablement surpris… pour du prime-time à la française. Je reconnais que, parmi tous les formats qu’on étire sur deux heures pour tenir sur le créneau, c’est peut-être l’un de ceux qui pouvaient le mieux s’y prêter.
La mécanique semble plutôt bien tenir la route dans l’ensemble, nonobstant le fait que je ne suis pas fan du côté aléatoire des 5 000 € gagnés en fin d’émission (et des 100 000 € gagnés en fin de partie…) ; même s’il n’est à mon avis pas exploité à son plein potentiel et comporte des défauts, le côté stratégique prend correctement ; la gestion du rythme passe pas trop mal, avec un bon compromis sur les présentations de candidats ni trop expéditives ni trop longues, même si je me serais bien passé de certains délires musicaux un peu trop récurrents de la part de la régie ; les thèmes sont plutôt variés et parfois exploités de façon très créative ; et en dépit de la répétitivité du concept, il y a quand même un petit quelque chose qui pousse à vouloir regarder toute la “saison”, pour voir ce qui se cache derrière les thèmes non joués et pour savoir qui va gagner.
Bref, on a une base assez correcte, qui demande à être peaufinée.
Il nous restera encore un dernier concept où tout se joue au sol pour la prochaine fois…