Le milieu du making est parfois un peu private joke. Parfois, on a l’impression que certaines communautés sont fermées sur elles-mêmes. Et par conséquent, les projets qui peuvent sortir sont parfois des projets humoristiques private joke qu’on aurait du mal à comprendre. Et même parfois, certains préfèrent éviter les jeux humoristiques tout court ou la culture making… vraiment ? Bon, si on cassait un peu cette image avec Star Ocean 0, qui a tout de même de quoi vous faire changer d’avis si vous êtes dans ce cas ?
Ah, au fait, même si vous ne connaissez pas cette licence et que vous vous demandez si ça vaut le coup de jouer à un de ses fan-games… honnêtement, je n’ai jamais joué à un Star Ocean quelconque, et ça ne m’a pas empêché d’adorer. J’aurai tout le loisir d’expliquer pourquoi par la suite…
Auteur : Jyuza le nuage
Année : 2006
Support : RPG Maker 2003
Langue : Français
Présentation et téléchargement
Le jeu possède une base scénaristique : « cette base, c’est l’arrivée sur Gaïa de Gaav, un monstre venu de l’espace, qui recherche 5 armes de lumière qui une fois réunies, lui permettront on ne sait pas exactement quoi. Claude C.Kenni arrive aussi sur Gaïa pour arrêter Gaav. Mais il s’écrase près du village de Jyuza et fait la connaissance de celui-ci. Ensemble, Jyuza et Claude partiront en voyage pour empêcher Gaav d’arriver à ses fins… »
Bon, j’ai déjà un peu vendu la mèche en intro de cet article, mais compte tenu de la dominante humoristique du jeu, ne vous attendez pas trop à ce que le scénario soit pris au sérieux. Mais ça, vous le voyez dès son introduction, qui désacralise déjà quelque peu sa prémisse.
Pour parler sérieusement du scénario pendant une minute quand même : bien que ce jeu le tourne constamment en ridicule, il en a un ! Et c’est d’ailleurs quelque chose qui met ce jeu au-dessus de pas mal de jeux ne consistant qu’en des délires random : il y a bel et bien une progression scénaristique, des liens entre personnages qui se créent et du développement de ceux-ci, des péripéties, des arcs narratifs… bref, le jeu ne se sert pas de son humour comme prétexte pour le négliger. Il adore surtout le malmener, ce qui est bien différent.
On ne ressentirait pas une légère pointe d’ironie dans ce qui est dit ?
Et ce n’est d’ailleurs pas le seul point sur lequel le jeu met un point d’honneur à être plus que correct : en fait, on pourrait en dire de même sur l’ensemble de ses aspects techniques. Hormis ponctuellement pour le gag (la plupart du temps bien fait, on y reviendra), ceux-ci ne pâtissent pour ainsi dire jamais de la vocation humoristique que ce jeu se donne.
Alors qu’on aurait pu se dire que ce jeu n’avait pas besoin de bons graphismes ou aurait pu prétexter de son humour pour ne faire aucun effort dessus, il fait l’effort d’être très bon graphiquement ; et c’est la même idée pour les systèmes de jeu ou la bande son.
Honnêtement, vu comme ça, on pourrait croire que ce jeu est sérieux.
D’ailleurs, ce jeu a l’honneur de posséder une OST spécialement composée pour lui ! Et une très bonne OST, en plus.
Les musiques sont de très bonne qualité, très agréables à entendre et adaptées à l’ambiance des lieux traversés. Le côté m’as-tu-vu des capitales, les passages plus calmes, la tension des combats… assez ironiquement, cette bande-son aurait tout à fait pu convenir à un jeu plus sérieux sans que ça ne fasse tache une seule seconde !
Bref, encore un point qui n’a pas été négligé !
Graphiquement, même si une partie des ressources a été conçue spécialement pour le jeu, les décors sont majoritairement issus de rips (Terranigma, Seiken Densetsu 3 et sans doute d’autres jeux que je n’arrive pas à identifier), qui s’accordent très bien entre eux et qui donnent de très bonnes ambiances dans les différentes maps panoramisées. Il y a également certains décors conçus à la tablette graphique, qui rendent très bien là aussi.
Et en règle générale, quand on tombe sur quelque chose de moche… c’est voulu. Mais ça, on y reviendra.
Ici, les décors ont été réalisés à la tablette graphique.
Au niveau du système de combat, là encore, on a droit à du sur mesure. En fait, il n’y en a pas qu’un seul d’ailleurs.
Celui qui est majoritairement employé est un CBS (Custom Battle System) assez classique, car il se fait au tour par tour, mais spécialement conçu pour ce jeu. Ce qui le rend original, c’est d’une part le système de limite, et d’autre part, l’hétérogénéité des techniques de combat des différents personnages. Comprenez par là : les personnages ont tous des techniques de combat différentes, et parfois même un système de combat spécifique ! Prenons par exemple Jyuza qui n’a pas d’attaques magiques (contrairement au reste du groupe) mais qui peut charger son revolver de balles très variées, Tifa qui est essentiellement guérisseuse, Elea qui peut invoquer tout et surtout n’importe quoi, Zoï qui est la seule à utiliser la magie élémentale… bref, ça semble hétérogène, et pourtant, on s’y fait, et c’est tout de même assez bien pensé, car du coup, les personnages se complètent plus ou moins. Au final, le système de combat est tout de même très bien réalisé.
Les seules choses que l’on pourrait regretter à ce sujet sont les ripostes ennemies très peu variées (qui consistent soit en une attaque de personnage, soit une attaque collective, toujours représentée de la même façon visuellement), et le fait que les combats de ce genre sont peut-être un peu trop nombreux et peuvent engendrer une légère lassitude, surtout pour le côté levelling.
Admirez ce système de combat sur mesure.
Cela dit, si ce système de combat est prédominant, il est aussi possible de se retrouver confronté à des ennemis à battre dans un style de combat A-RPG, bien réalisé lui aussi, mais à mon grand regret trop peu fréquent par rapport au système au tour par tour…
Par ailleurs, le système de combat n’est pas le seul à être personnalisé. Il y a aussi le menu, qui est un menu tournant à la Seiken Densetsu, ma foi très bien réalisé là encore. Et les magasins sont eux aussi personnalisés.
Et admirez ce beau menu tournant.
En fait, il y a tellement de systèmes personnalisés dans ce jeu que ce serait trop long de tous les lister.
Mais parmi ceux-ci, citons l’immense diversité des énigmes et des mini-jeux qui parsèment cette oeuvre. C’est bien simple, j’aurais très bien pu imaginer un projet dérivé qui ne reprenne que les mini-jeux de Star Ocean 0, celui-ci aurait été à lui seul déjà très gros !
Certains sont indispensables à la progression des héros, d’autres sont optionnels. Parmi ceux qui se démarquent pour leur récurrence ou leur côté fil rouge, citons la longue chaîne d’échanges d’objets, et surtout le jeu de cartes « War of Bouzous », jeu de cartes à collectionner qui vous opposera à différents adversaires. Celui-ci a un principe très simple : chaque carte a plusieurs caractéristiques qui ont chacune plusieurs points, on joue sur l’une des caractéristiques, et celui qui a le plus de points gagne le tour et fait éliminer la carte de l’autre.
Le premier mini-jeu que vous aurez à faire, d’une longue série…
D’ailleurs, tous les systèmes précédemment évoqués contribuent à un autre point fort du jeu : sa durée de vie. Elle est tout simplement impressionnante pour un jeu amateur, et témoigne de tout le travail qui a été fourni pour ce jeu : en effet, je n’ai pas compté le nombre d’heures que j’ai passé à y jouer, mais une chose est sûre, ne comptez pas le boucler rapidement. Minimum 20 heures de jeu je dirais, et encore. Ce qu’on pourrait reprocher de ce côté ? Hmmm… allez, on va dire la linéarité. Elle est cependant voulue et peu gênante la plupart du temps.
Au passage, on pourrait se dire que c’est risqué pour un jeu qui se veut humoristique d’avoir une durée de vie aussi longue, car il risquerait de lasser sur cet aspect-là. Et pourtant…
Dans cette partie de War of Bouzous, sur ce tour-ci, c’est sur la Flashdance qu’on joue (vous avez le choix entre Flashdance, Communisme et Freestyle… ne me demandez surtout pas pourquoi ces noms). Bouzou Jyuza a plus de Flashdance que Bouzou Fantôme ; Bouzou Fantôme est donc éliminé de la partie.
Voilà, vous attendiez que j’en parle depuis le début : parlons de l’humour du jeu ! C’est bien simple : sans exagérer, ce jeu doit être le jeu amateur le plus drôle auquel j’ai eu l’occasion de jouer. Il y a tellement de gags, tellement de moments qui font au minimum sourire, que ça en fait en quelque sorte le « Kuzco, l’empereur mégalo » des jeux RPG Maker.
C’est le genre d’oeuvre où on a un peu envie de citer tous les gags tellement il y en a, et tellement leur humour repose sur des ressorts différents. Mais ça ne rendrait pas justice à ce jeu de tous les citer (sans compter que ce serait beaucoup trop long), donc décortiquons les ressorts humoristiques principalement employés.
Premièrement : la personnalité des personnages. L’équipe que l’on contrôle s’étoffe petit à petit, et compte parmi elle des personnages très mémorables et hilarants pour la moitié d’entre eux. A commencer par l’inénarrable Jyuza, du genre plutôt blasé et sarcastique dont les répliques, les réactions et les interactions avec les autres personnages sont un pur régal. Claude est le pervers du groupe, Tifa le garçon manqué, Gaï le preux chevalier jusqu’à l’excès… ce groupe est complété par les plus discrètes Zoï, Elea et Yuna, qui aident par leur présence à étoffer l’alchimie entre les personnages.
Côté méchants, ceux-ci sont également assez marquants, et se démarquent d’une façon assez particulière : tous (ou presque) utilisent des moyens différents pour communiquer ! On a droit à du voice acting pour notre Seigneur des Ténèbres-like, des infobulles pour son sidekick… le tout sans raison apparente, juste pour le fun d’avoir plusieurs systèmes différents.
On a également le binôme de rivaux Alex et Nori qui intervient de temps à autre au cours du jeu, ainsi que le personnage de Newman qui vous rappellera sans doute Kenny de South Park pour une raison assez évidente.
Deuxièmement : le côté parodique. Je l’ai évoqué brièvement en parlant du scénario : ce jeu n’hésite pas à le malmener pour cette raison, et à soulever pas mal de clichés qu’on a dans les RPG habituellement, tout en jouant assez habilement avec les attentes du joueur. C’est efficace.
On a même par moments du cassage de quatrième mur !
Il y a des articles vraiment intéressants dans ce magasin d’armures et d’accessoires ! … mais les héros n’y achèteront rien du tout, par pur plaisir de détourner la formule RPG.
Troisièmement : l’utilisation spécifique de certains graphismes et de musiques.
J’ai certes dit que le jeu était très appliqué à ce sujet la plupart du temps ; mais il n’hésite pas non plus à employer ses aspects techniques pour faire rire de temps à autre. On est parfois surpris du mapping d’un lieu ou de la musique qui l’accompagne, du style graphique employé pour une cinématique… pour montrer une certaine diversité, mais également au nom de l’humour, bien sûr ! Comme je le disais, les moments où le jeu se veut plus laid sont volontaires, et sont l’occasion de faire du bon gag le plus souvent.
Quatrièmement : les références. Très nombreuses, là encore. Et si vous ne les connaissez pas : ce n’est pas grave. On ne peut pas tout connaître non plus, et ce jeu a de l’humour suffisamment varié pour ne pas être frustré par une référence que l’on n’aurait pas compris.
Ce qui est notamment le cas des références type « private joke », c’est-à-dire celles qui ont été introduites par l’auteur du jeu et qui seront compréhensibles surtout par ses connaissances (notamment issues des forums de making). Je ne vais certainement pas blâmer ce point, d’une part parce que j’ai déjà conçu un jeu orienté private joke lui aussi, et d’autre part parce que ces références plus pointues pourraient presque passer inaperçues, tant il y a à boire et à manger parmi tout le reste.
Croyez-le ou non, mais ce système de combat (utilisé ponctuellement hein, bien sûr que ce ne sera pas le cas tout le temps dans ce jeu) est une référence pointue à une saga de jeux RPG Maker nommée « Les Aventures d’un Avatar ».
Mais il n’y a pas besoin de comprendre la référence pour en rire… surtout si vous choisissez de perdre…
Bref, c’est possible que j’aie oublié de parler d’autres ressorts humoristiques, mais à ce stade, j’espère vous avoir convaincu de découvrir le jeu par vous-mêmes pour découvrir ce que j’aurais oublié de mentionner à ce niveau-là. Si vous n’avez pas ri au moins une fois, je ne peux rien faire pour vous…
Conclusion
Si vous me permettez l’expression : ce jeu, c’est le pied.
Il a fallu 5 ans pour le développer, et on en ressent totalement l’aboutissement sur tous les aspects. En plus d’avoir pour principal atout son humour, ce jeu fait également très plaisir à jouer pour ses aspects techniques, qui montrent que ce jeu n’a pas uniquement compté sur ses gags, et qu’en plus d’être un excellent jeu drôle, il est un excellent jeu avant tout.