Après avoir traité de long en large le Trivial Pursuit, passons à un autre grand classique des jeux de société pour lequel l’adaptation en jeu TV paraît « évidente » : le Scrabble !
Alors, je dis « évidente », dans la mesure où, tout comme le Trivial Pursuit, ça doit être l’un des concepts auquel j’aurais assez naturellement pensé si je devais adapter un jeu de société… mais en vrai, à ma connaissance, il n’y a jamais eu d’adaptation officielle du Scrabble à la télévision en France. Peut-être parce qu’on avait déjà Des chiffres et des lettres qui était largement bien installé, et que ça aurait fait doublon…
En revanche, dans les pays anglo-saxons, à l’instar du Trivial Pursuit, ça a connu beaucoup d’adaptations, à des époques d’ailleurs assez différentes. On va faire un petit tour d’horizon non exhaustif de celles-ci… mais en un seul article, cette fois, je pense que ce sera suffisant.
Scrabble (1984)
On commence outre-Atlantique avec la première adaptation, qui a commencé en 1984, pour se terminer en 1990 (avec également un revival rapide en 1993). Soit tout de même un total d’environ 7 ans, ce qui n’est pas rien ! … surtout pour l’adaptation que j’ai trouvé la moins convaincante du lot.
Crossword
Le but de cette manche, qui fait s’affronter deux candidats, est double :
- soit déterminer l’adversaire que le champion devra « affronter » juste après ;
- soit déterminer un nouveau champion.
Ah, oui, c’est vrai, il y a un système de champion dans ce jeu… et qui plus est, de champion qui saute directement une manche de par son statut ! 20 ans avant que TLMVPSP n’arrive, comme quoi… ça me fait légèrement revoir à la baisse TLMVPSP sur ce point d’ailleurs, moi qui croyais que le fait d’arriver comme une fleur vers la fin était une idée originale de sa part.
Cela étant, ce n’était pas un système de champion illimité, celui-ci ne pouvant participer que cinq fois consécutives. Donc s’il n’y avait plus de champion, ce sprint n’était pas proposé, et à la place on avait une manche Crossword supplémentaire pour en déterminer un nouveau.
Comme quoi, même avec une mécanique pourtant pensée pour un système illimité, on arrive à se débrouiller sans…
Bref. Décrivons le principe de cette manche.
Un emplacement sur le plateau de jeu (enfin, celui avec les cases) est surligné, et le but des candidats va être de trouver le mot qui va l’occuper, en plaçant les lettres dessus.
Il va falloir trouver un mot qui complète la zone surlignée.
En disant ça, et en connaissant le matériau de base, vous devez vous dire qu’ils vont sans doute devoir résoudre une anagramme. Mais en fait… non.
Une définition « à la Slam » va être donnée, et le candidat qui a la main va devoir piocher deux lettres au hasard. L’animateur dit quelles sont ces lettres, et le candidat va choisir d’en placer une. Si elle est présente dans le mot, elle s’y affiche, et le candidat peut proposer une réponse s’il a une idée ; sinon, il peut aussi choisir de placer l’autre lettre. Si la lettre n’est pas présente dans le mot, la main passe, et une pénalité est notée.
Par ailleurs, les deux lettres piochées peuvent être présentes dans le mot toutes les deux ; et le candidat peut continuer à piocher tant qu’il ne tombe pas sur une lettre non présente.
Si un candidat trouve la bonne réponse, il remporte un point ; puis un nouveau mot est joué sur le même modèle, mais avec le candidat adverse qui prend la main. S’il n’a pas la bonne réponse, la main passe (mais aucune pénalité n’est rajoutée).
En revanche, si on arrive à trois pénalités, les lettres du mot sont dévoilées automatiquement au fur et à mesure, et les candidats jouent à la rapidité pour avoir le point (façon énigme rapide de LRDLF).
Et on répète jusqu’à ce que l’un des candidats ait 3 points… ou jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de temps imparti pour la manche, auquel cas les mots suivants sont joués à la rapidité (comme lorsqu’il y a 3 pénalités) jusqu’à ce qu’un candidat ait 3 points.
Euh… compléter un mot de cette longueur, dans le jeu de base, ça n’aurait pas été possible, étant donné que les joueurs n’ont que sept lettres sur leur chevalet, et que vous en demandez huit.
Vous connaissez un minimum le jeu de base, quand même ?
Honnêtement… je ne suis pas du tout convaincu par cette mécanique. Certes, en soi, ça tient la route comme principe… mais je trouve ça inutilement sophistiqué pour pas grand-chose. J’ai l’impression d’assister à une sorte de mix bizarre entre un Slam et un Un mot peut en cacher un autre… mais en plus élaboré, et qui s’étend un peu trop pour ce que c’est réellement.
Après tout, basiquement, le but reste de trouver un mot qui correspond à la définition donnée ; et même si celle-ci est détournée à la façon d’une définition de Mots croisés force 3 (donc volontairement pas évidente), je trouve qu’on fait quand même pas mal de chichis avec le fait de choisir des lettres, et d’avoir un mini-suspense quant au fait qu’elles vont trouver leur place dans le mot ou non. Là où les exemples que j’ai cités plus haut font ça de façon plus fluide… et dans le même genre, je peux aussi citer LRDLF, où l’affichage ou l’invalidation des lettres est plus rapide.
D’ailleurs, ce processus est tellement lourd que la fin de la manche s’en retrouve bâclée, en jouant les mots restants à la rapidité… ce n’est pas très élégant.
Bon, cela dit, il y a quand même un léger petit intérêt à procéder ainsi : les cases de couleur.
En effet, si un candidat réussit à placer une lettre sur une case colorée et à trouver le mot dans la foulée, il peut gagner une prime de 500 $ pour une case bleue, et 1 000 $ pour une case rose. C’est pour moi la seule règle qui arrive à légèrement justifier ce système « Est-ce que la lettre est présente ou pas ? »… mais bon, ça ne révolutionne pas non plus ce principe.
Et, certes, j’apprécie le clin d’oeil au matériau de base, en valorisant ces cases spéciales ; mais bon, on reste dans un jeu où les jetons lettrés n’ont aucune valeur, on ne fait pas de calculs de type « Mot compte double » ou « Lettre compte triple », donc ça reste là encore très léger.
Notez à la fois le rond rouge, en bas, pour indiquer que l’une des tentatives pour trouver une lettre a été ratée ; et la case rose, sur le mot à la verticale à droite, correspondant à un « Mot compte double » (qui, dans ce jeu TV, permet de rapporter 1000 $ si on trouve la bonne lettre à cet endroit).
Sprint
Avant que le Crossword ne soit joué, le champion va jouer un sprint, où il devra trouver quatre mots.
Des mots vides vont être dévoilés ; le but va être de les compléter.
A chaque passe, deux lettres sont proposées, et le candidat va devoir en citer une pour la placer dans le mot (cette fois-ci, les lettres sont à chaque fois présentes dans le mot, il n’y a pas de piège).
Il continue ainsi, jusqu’à ce qu’il pense avoir une idée du mot à trouver ; auquel cas, il peut slammer buzzer, pour le proposer. S’il est bon, on passe au mot suivant ; si la réponse est incorrecte, 10 secondes sont rajoutées à son chrono.
Ce qui va importer, ce sera le temps qu’il aura mis pour trouver ces quatre mots, qui sera donc enregistré et gardé au chaud pour plus tard.
Une fois le crossword joué, son vainqueur va donc pouvoir « affronter » le champion.
Enfin, « affronter » est un bien grand mot : en fait, il va devoir deviner les mêmes mots que lors de sa « finale intermédiaire » ; mais dans le temps imparti défini par le champion au préalable. Le principe est le même.
Si le challenger arrive à être plus rapide que le champion, il le remplace alors.
Oui, en fait, l’image de gauche dans laquelle on voit le champion ne sert à rien, puisqu’il a déjà joué.
Je vous avoue que j’ai eu beaucoup de mal à comprendre comment cette « finale » fonctionnait au premier abord. En fait, l’espacement entre le moment où le champion joue et celui où le challenger joue est trompeur. Je pense qu’à l’instar de la Même chanson de NOPLP, ça aurait été plus judicieux de jouer les deux à la suite, en isolant le challenger pendant que le champion joue.
Mais au-delà de ça… ce principe passe. Au moins, cette confrontation se fait plus ou moins à armes égales, là où d’autres jeux à champion en auraient profité pour favoriser ce dernier.
Le seul point que j’aurais à reprocher, c’est la légère prépondérance du hasard : certes, les lettres proposées sont bien présentes dans le mot à chaque fois… mais ça peut arriver que même en ayant la quasi-totalité d’entre elles (on ne donne pas la dernière, pour ne pas former le mot en entier), on puisse avoir plusieurs possibilités selon la lettre manquante. Après, c’est à relativiser, on peut se dire aussi que la lettre manquante avait été affichée au préalable sans avoir été placée, auquel cas le candidat doit avoir une bonne mémoire.
Et, encore une fois, c’est un peu du détail à ce stade, mais là encore j’ai du mal à voir en quoi on avait besoin d’estampiller ce principe de « finale » en « Scrabble ». A nouveau, on n’est pas tout à fait sur de l’anagrammage, mais plutôt sur un principe de jeu de lettres lambda…
Total : 11/20
Cette version, bien que correcte en soi et appréciable, ne m’a pas particulièrement convaincu.
Intrinsèquement, on a un concept de base à la fois inutilement sophistiqué, simpliste et même un peu hasardeux sur les bords pour que ce soit vraiment prenant, ce qui m’a beaucoup perturbé ; et les manches bonus sont certes plus simples à comprendre, mais pas particulièrement passionnantes à regarder. En outre, ça devient très vite répétitif, chaque partie ne durant que 10 minutes et celles-ci devant s’enchaîner pour meubler la durée de l’émission.
Et encore, je vous ai volontairement simplifié certains détails, notamment les quelques petites évolutions du concept au fil du temps, le nombre de fois que la manche Crossword était jouée selon les années, la formule « mini-tournoi » qui avait été tentée à un moment donné, les trois mois où il était possible de « slammer » en première manche, la façon dont les gains étaient comptés… honnêtement, j’ai été un peu découragé en voyant la longueur de la page Wikipédia consacrée à ce jeu, par rapport à ce que c’était réellement. Pour moi, la majeure partie de ces détails ne réussissait pas vraiment à sauver le concept de façon significative.
Et nonobstant tout ces aspects alambiqués, à presque aucun moment je n’ai réellement eu l’impression de regarder un format dérivé du Scrabble. Hormis les références visuelles au niveau de l’habillage et du plateau, le concept est adapté de façon bien trop libre pour que je puisse le reconnaître, l’anagrammage passant à la trappe au profit d’une dimension « Culture générale/Définitions » certes pas inintéressante, mais finalement sans grand rapport avec le matériau de base. Il a peut-être été une source d’inspiration pour les producteurs, mais ça ne m’aurait pas choqué qu’on appelle ce programme autrement dans l’absolu.
Bref, vous pouvez toujours jeter un œil par curiosité, pour vous faire une opinion dessus, et parce que ça reste intéressant à découvrir ; mais personnellement, j’avoue n’avoir trouvé dans cette version qu’un intérêt principalement archéologique.
Je reconnais que le jeu a essayé de faire quelque chose d’un peu original et qui tient la route, surtout pour une émission des années 80 où la mécanique des jeux TV n’était pas encore aussi élaborée que 20 ans plus tard… mais je pense que cette version, bien que correcte dans l’absolu, est vraiment le reflet de son époque et ne tiendrait plus aussi bien la route aujourd’hui.
En matière de jeux jouant sur la langue et les mots, on a fait largement mieux depuis, avec par exemple Slam, UMPECUA et TLMASMAD ; et en matière d’adaptation du Scrabble aussi… c’est d’ailleurs ce qu’on va voir tout de suite après.
TV Scrabble (2001)
On passe des États-Unis au Royaume-Uni pour suivre cette fois-ci TV Scrabble.
Oui, le nom n’est pas très recherché, et aurait tout aussi bien pu s’appliquer à la version précédente… mais bon, j’imagine que pour les marketeux, c’était un peu le casse-tête pour trouver autant de noms différents pour chaque version. Encore que, à ma connaissance, le Royaume-Uni n’avait pas connu d’adaptation du Scrabble avant celle-ci, donc à la limite, elle aurait peut-être pu reprendre directement le nom du jeu de base. Après, je ne m’en plaindrai pas, au moins ça me permet de distinguer les différentes versions uniquement par leur nom (alors que pour le Trivial Pursuit, même en supposant que je ne parle que de la France, je suis obligé de préciser la période de diffusion à chaque fois…).
Cela dit, je reconnais que celle-ci mérite largement plus son appellation Scrabble que la précédente.
Manche 1 : Duplicate Scrabble
La première manche va se jouer en « duplicate », variante du Scrabble qui est souvent jouée dans les clubs.
Le principe du duplicate consiste, pour chaque joueur (ici, deux joueurs), à jouer sur un même tirage de lettres ; ils disposent d’un temps défini (ici 20 à 25 secondes, selon la saison) pour proposer un mot, et le placer sur le plateau. Une fois placé, on compte le nombre de points que ça rapporte, qui est rajouté au score du joueur ; puis on compare le nombre de points remporté par chaque joueur. On ne garde que le mot de celui qui en a le plus sur ce tirage, et on le place définitivement sur le plateau, avant de passer à un nouveau tirage.
Cette première manche va donc faire la même chose, si ce n’est qu’à la place d’un plateau de jeu, les candidats jouent via un écran tactile pour placer les lettres dessus.
Dans la mise en scène, ce n’est pas sans rappeler un certain Des chiffres et des lettres, dans la mesure où on a à la fois un jeu basé sur des anagrammes, mais également des moments de silence télévisé (accompagnés d’une musique d’attente) qui font la part belle à la réflexion du candidat et du spectateur.
Avec ici une petite plus-value stratégique, dans la mesure où il ne suffit pas de trouver un mot avec le tirage donné, mais également de le placer sur le plateau pour maximiser le nombre de points à gagner. Ajoutez à ça le fait que les lettres valent (tout comme au Scrabble) un certain nombre de points selon leur fréquence d’utilisation dans la langue courante, et vous avez un concept qui est un cran nettement au-dessus d’un simple Mot le plus long. Personnellement, j’aime beaucoup.
Et c’est d’autant plus remarquable dans la mesure où l’adaptation télévisuelle n’a finalement pas eu besoin de « réinventer » le concept existant, mais juste de le diffuser quasiment tel quel pour que ça passe bien (alors qu’on a vu avec Trivial Pursuit qu’une adaptation brut de décoffrage ne marchait pas). Comme je le disais, le duplicate était déjà une variante officiellement reconnue du Scrabble ; et ici, il a suffi de l’appliquer telle quelle pour avoir quelque chose de pertinent.
D’ailleurs, l’avantage du duplicate par rapport au mode de jeu classique, c’est le fait que tous les candidats sont logés à la même enseigne, étant donné qu’ils jouent à chaque fois avec le même tirage. Bref, je n’ai rien à redire sur cette partie-là de l’émission.
Toutefois, je reconnais qu’avoir une vingtaine de minutes d’émission entièrement basée sur ce concept a de quoi lasser assez rapidement. Après tout, ce n’est pas pour rien qu’on a rajouté des tirages de chiffres puis des duels dans DCDL, pour ponctuer et casser la monotonie du concept initial.
Et ça tombe bien, ce TV Scrabble a également une autre manche à proposer juste après ça.
Manche 2 : Speed Scrabble
Dans cette seconde manche, les deux candidats vont jouer individuellement, chacun leur tour. Ils disposeront chacun de 60 secondes pour placer le plus de mots possible sur leur grille, et marquer le plus de points.
En somme, ils jouent donc au Scrabble classique, mais en version individuelle (ça m’arrivait, parfois, avec le CD-ROM du jeu, de faire des parties à un seul joueur)… et, surtout, avec un certain stress, puisque les candidats doivent jouer rapidement. J’aime bien cet aspect-là, qui complète très bien la première manche.
En revanche, c’est également là qu’on retrouve l’un des défauts du Scrabble classique : le fait que les joueurs ne sont pas logés à la même enseigne.
En effet, dans le jeu de société, les joueurs ne piocheront pas la même chose, et n’auront pas les mêmes opportunités de marquer des points à chaque fois. Je suis sûr que ça vous est déjà arrivé de pester contre un tirage où vous n’aviez que des consonnes, pendant que votre adversaire remportait 50 points avec son 7 lettres aidé par une lettre blanche providentielle… d’ailleurs, c’était très probablement ce côté « chance/malchance des tirages » qui avait incité des clubs à jouer en duplicate, variante qui n’a pas ce problème.
Bon, je ne peux pas dire que cette manche n’est pas fidèle au jeu de base, de facto, puisque le défaut que je soulève vient de celui-ci… mais je pense qu’on aurait pu faire un peu mieux, en isolant par exemple le second candidat pendant que le premier joue, pour qu’il puisse jouer sur le même tirage au départ.
La finale
A l’issue de ces deux manches, le candidat ayant le plus de points remporte la partie ; toutefois, l’émission ne s’arrête pas là.
Car une deuxième partie est jouée, à l’identique, avec deux autres candidats ; et son vainqueur affrontera le gagnant de la première partie pour la finale.
Pour cette finale, les joueurs vont jouer sur le même principe que la manche 2, à savoir tour à tour et à la rapidité ; mais ils partageront le même plateau de jeu, et changeront de rôle toutes les 30 secondes. Le candidat qui a le plus haut score à l’issue des deux parties précédentes commence.
On retrouve malheureusement un peu les mêmes défauts que pour cette seconde manche, à savoir le côté « aléatoire » du tirage. Mais également le même côté stressant, dû à cette nouvelle façon de partager le temps de jeu des deux concurrents.
Sinon, j’aimerais bien dire qu’il y a aussi un côté légèrement stratégique, dans la mesure où il vaut mieux éviter de laisser à son adversaire l’occasion d’utiliser des cases type « Mot compte triple »… mais ça m’étonnerait grandement que les candidats aient pu jouer comme ça, étant donné le rythme très soutenu de la partie. En seulement 30 secondes à chaque fois, vous serez plus concentré sur le fait de former des mots le plus vite possible, et vous n’aurez pas le temps de vous poser la question de si cette ouverture ne risque pas d’avantager votre adversaire…
Par ailleurs, les points remportés lors de cette finale viennent se rajouter à ceux déjà gagnés lors des manches précédentes ; et c’est donc le candidat qui a le plus de points au cumulé qui remporte le jeu.
Je suis moyennement fan de cette idée. Encore une fois, on compare un peu des choux et des carottes, dans la mesure où les joueurs n’ont pas forcément disputé les manches 1 et 2 dans les mêmes circonstances, et que l’un d’entre eux aurait tout à fait pu avoir des tirages plus favorables.
Personnellement, se contenter des points remportés durant la finale aurait suffi pour moi.
Sinon, à l’instar d’Only connect, ce jeu avait beaucoup poussé son côté « tournoi », puisqu’en plus de ce « mini-tournoi » quotidien, les émissions du vendredi faisaient s’affronter les vainqueurs des quatre autres jours de la semaine. Et ce n’est pas tout, puisque les gagnants du vendredi avaient également une chance de s’affronter pour la fin de saison, afin de déterminer un vainqueur global. Le niveau devait promettre !
Enfin, glissons un mot sur le rythme, qui est particulièrement soutenu pour un jeu de ce genre.
Si on compare ce TV Scrabble à DCDL durant la même période de diffusion (début des années 2000 donc), on peut être assez surpris de voir qu’il était bien plus rythmé que le jeu ayant la meilleure longévité du PAF. Oui, j’ai beau avoir un énorme respect pour DCDL, je reconnais qu’il était resté dans son jus pendant pas mal de temps, et que ses problèmes de rythme n’ont réellement été corrigés qu’à partir des années 2010.
Franchement, j’avais un peu peur de m’ennuyer lors de mon visionnage, en sachant que c’était l’adaptation la plus « austère » du lot… mais non. Les manches sont fluides, ça s’enchaîne bien, il n’y a aucun temps mort ; bref, le jeu fait vraiment du bon boulot à ce niveau-là.
Total : 14/20
Ce TV Scrabble est pour moi une adaptation bien plus convaincante du matériau de base. Elle s’en démarque certes moins que la précédente ; mais, d’une part, elle ne le fait pas oublier ; et, d’autre part, elle joue davantage sur la diversité permise par le concept, avec trois façons différentes de jouer dessus.
Même si cette diversité ne vaut pas la version 2016 de DCDL, elle reste toutefois assez plaisante, et mise en scène d’une façon suffisamment rythmée pour ne pas que le concept paraisse ennuyeux.
Toutefois, si vous n’êtes pas particulièrement fan de DCDL (ou des jeux d’anagrammes en général), je pense que vous ne trouverez malheureusement pas beaucoup d’intérêt dans cette adaptation-là, qui est dans un même état d’esprit, reste d’une certaine façon assez académique, et met en avant les mêmes moments de réflexion silencieuse. Cela dit, je pense que dans ce cas-là, le jeu de société lui-même ne devait déjà pas être votre tasse de thé, puisque lui aussi repose sur ce genre d’ambiance studieuse.
Cela étant, si vous cherchez quelque chose de plus « fun », moins austère et plus accessible, l’adaptation suivante vous parlera peut-être davantage…
Scrabble Showdown (2011)
Terminons par un retour aux US avec Scrabble Showdown, qui elle aussi va proposer quelque chose de très différent de ce qu’on a vu jusqu’ici.
Avant de commencer, précisons que cette version-là se voulait néanmoins plus familiale, en faisant s’affronter deux binômes composés respectivement d’un adulte et d’un de leurs enfants ; aussi, le niveau était volontairement moins élevé.
Bon, pour ma part, je trouve ça légèrement frustrant, dans la mesure où j’ai trouvé le jeu un peu trop facile dans l’ensemble, même en n’ayant pas l’anglais comme langue maternelle. Etant donné que plusieurs manches ne jouent qu’avec des anagrammes allant de 3 à 5 lettres, ça limite pas mal les possibilités ; et ça fait d’autant plus bizarre quand c’est au tour de l’adulte de jouer, et qu’il peut quand même lui arriver de bloquer dessus…
Mais je suis conscient qu’il faut aussi des jeux plus accessibles, et ça peut être d’ailleurs une bonne chose si ça peut initier un jeune public à ce genre de jeux d’esprit.
En outre, une bonne partie de la mécanique a justement été pensée pour être accessible aux plus jeunes (seule la finale ayant un niveau légèrement plus élevé), donc je n’ai pas vraiment l’impression de voir du potentiel gâché.
Les manches 1 et 2
Les deux premières manches vont consister à puiser dans deux des cinq mini-jeux (le cinquième n’est cependant apparu que dans une seule émission) que je vais décrire ci-dessous.
Le Scrabble Babble : pour ce mini-jeu, c’est… la manche 1 d’un Time’s up, si ce n’est qu’on a retiré une lettre au mot à faire deviner, et que le parent qui fait deviner le mot à son enfant doit déduire la lettre manquante. Ca peut d’ailleurs lui laisser le choix de temps en temps entre deux ou plusieurs mots : par exemple, si le mot à faire deviner est « _OULE », il peut tout aussi bien faire deviner « POULE » que « MOULE ». A noter toutefois que si un mot « interdit » est prononcé (à savoir le mot à faire deviner ou un dérivé), la manche s’arrête net pour le binôme.
C’est… simpliste, malgré cette petite originalité avec la lettre manquante. Ca convient certes au contexte, mais ce n’est pas particulièrement créatif.
Le Scrabble Slam : pour ce mini-jeu, les quatre joueurs jouent à tour de rôle. Un mot de quatre lettres est donné, ainsi qu’une lettre : le joueur dont c’est le tour doit dire quelle lettre du mot remplacer par la lettre donnée, pour en former un nouveau. Tant que la bonne lettre n’est pas donnée, la main ne passe pas. Et il ne faut surtout pas avoir la main au moment où le chronomètre atteint zéro, sinon l’élimination est directe. Et si un binôme voit ses deux membres être éliminés, ce sont ses adversaires qui remportent la manche.
Euh… bof. Bon, je précise tout de même que le temps imparti avant de commencer est déterminé au hasard, et que les candidats n’ont pas le chronomètre sous les yeux ; donc impossible de volontairement bloquer sur un mot jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’une seule seconde au compteur avant de passer la main, histoire de ne laisser aucune chance à l’adversaire de rester en lice. Mais sinon… c’est trop hasardeux à mon goût. Je suis d’accord sur le fait que ce principe encourage à jouer le plus vite possible pour minimiser le risque de se faire éliminer, mais c’est le genre de mini-jeu qui passe mieux dans un Mario Party avec des enjeux moins élevés.
Le Scrabble Knockout : pour ce mini-jeu, un thème est donné, et des mots en rapport avec le thème vont s’afficher… mais avec des lettres en trop, que les candidats devront éliminer. L’adulte indiquera à l’enfant les lettres à enlever, l’enfant devra les toucher sur l’écran tactile (s’il touche une mauvaise lettre, il faudra appuyer sur un buzzer pour continuer, ce qui fera perdre du temps). Puis dès qu’un mot est « nettoyé », il faut le répéter pour passer au mot suivant. Chaque binôme joue à tour de rôle, celui qui a le plus de points gagne la manche.
Autant le concept est bon, autant je suis moins fan de la partie où il faut se déplacer, qui passerait très bien dans un In ze boîte ou un Bigdil, mais qui le fait moins dans ce qui est censé être une adaptation du Scrabble… parce qu’à moins que vous ne jouiez couramment à une variante du Scrabble où vous avez besoin de vous déplacer le plus vite possible en une minute, ce n’est pas franchement le genre de qualité requise pour ce genre de jeu.
En outre, le côté « binôme » est peut-être un peu trop forcé ici, dans la mesure où un seul candidat aurait pu faire le boulot à lui seul.
Le Scrabble Scream : pour ce mini-jeu, les anagrammes de deux mots de 3 ou 4 lettres sont donnés, et chaque membre du binôme devra dire l’anagramme dont il est responsable. Puis le second membre devra concaténer les deux mots (pas d’anagrammage cependant, il suffit juste de dire les deux mots à la suite) pour gagner un point et passer à la suite. Par exemple, « WOC » et « YOB » forment respectivement les mots « COW » et « BOY », et les deux ensemble forment « COWBOY ».
Bon, au moins, je reconnais que ce mini-jeu est sans doute celui qui se rapproche le plus du Scrabble, ne serait-ce que parce que c’est l’un des seuls à vraiment jouer sur le concept d’anagrammes (même si là encore, des anagrammes de 3 ou 4 lettres, ça n’a rien de bien incroyable…). Au-delà de ça… mouais. On a également un petit peu le même problème que pour le précédent, dans la mesure où les membres du binôme doivent échanger leur place physiquement entre chaque mot trouvé.
Et histoire de parler rapidement du cinquième et très éphémère mini-jeu (le Scrabble Speedword) : c’est aussi de l’anagramme (avec des mots de seulement 3 lettres…), mais mêlé à une sorte de mini-taquin.
A nouveau, on sollicite une qualité hors sujet par rapport au matériau de base ; mais je reconnais que la réflexion logico-spatiale à avoir pour placer les lettres dans le bon ordre n’est pas inintéressante…
Bref, tous ces mini-jeux me donnent davantage l’impression de voir une espèce de UMPECUA junior qu’une adaptation du Scrabble. A l’instar de la première adaptation, on joue avec les mots d’une façon trop généraliste pour qu’on ait vraiment l’impression d’assister à du Scrabble.
Après, pour le public cible visé, ça reste correct et ludique.
La manche 3
La manche 3 va consister en un mini-jeu cette fois-ci pleinement récurrent, qui va demander à chaque binôme de constituer le plus de mots possible en une minute, à partir d’un tirage de 5 lettres. Chaque mot trouvé rapportera autant de points que de lettres qui le constituent (donc de 3 à 5 points). Les deux binômes joueront sur le même tirage (point positif pour l’équité), donc l’un des deux sera isolé le temps que l’autre joue.
Ca glisse.
Je ne vais pas dire que ça casse des briques ; mais au moins, là, on commence un peu plus à se rapprocher du concept du Scrabble, en faisant la part belle à l’anagrammage. Certes, avec un tirage simplifié, et sans valeurs spécifiques pour les différentes lettres ; mais par rapport aux deux manches précédentes, y a du progrès.
Bon, à nouveau, je pourrais chipoter sur le fait qu’au lieu de dire les mots à voix haute, il faille les reconstituer en faisant glisser des cubes, ce qui a de quoi faire perdre du temps un peu stupidement… mais ça reste mineur.
La finale
Avant de démarrer la finale, détaillons l’enjeu de chaque manche disputée précédemment.
Chaque manche permet au binôme qui l’a remportée de gagner un cadeau sponsorisé, ainsi que deux « lettres » pour la finale.
En fait, ces « lettres » consistent en un tirage au sort, qui permet de remporter des points avant de commencer (les scores des précédentes manches ne comptent plus).
A l’instar de la finale de TLMASMAD, l’idée est donc d’avoir un nombre de points préalable pour démarrer la finale plus confortablement, basé sur les manches remportées précédemment ; si ce n’est qu’ici, le nombre de points est déterminé avec un peu plus d’aléatoire dans la balance.
Seize lettres sont affichées à l’écran, et vont clignoter par intermittence (autant de lettres que le binôme a remporté) ; le binôme doit alors buzzer au moment de son choix, pour que les lettres se figent, et qu’ils remportent autant de points.
Bon, comme j’ai un mal de chien à l’expliquer textuellement, une image vaudra bien mille mots :
Ici, le binôme a buzzé au moment où les lettres H, X, D et C étaient en surbrillance. Ils remportent donc la somme de la valeur des lettres en question, c’est-à-dire 4+8+2+3 points.
A présent qu’on voit des jetons lettrés avec un nombre de points en bas à droite, j’ai envie de dire que le jeu fait (enfin !) référence au vrai Scrabble… mais ici, c’est plus un clin d’œil qu’autre chose, puisque ce sont uniquement les scores des lettres qui vont être pris en compte. Les lettres elles-mêmes, en revanche, c’est juste de la décoration, elles ne serviront à rien.
Cela étant, le reste de la finale va davantage évoquer le Scrabble d’une façon plus concrète.
Un plateau de Scrabble simplifié va s’afficher à l’écran (simplifié, car il ne comporte ni « Lettre compte double » ni « Lettre compte triple »).
Pour chaque « question », un emplacement sur le plateau va être surligné, et des lettres vont s’afficher dans le désordre. L’animateur va alors donner une définition « à la Slam » (décidément, les américains adorent confondre le Scrabble avec les mots croisés…), et le candidat qui pense avoir l’anagramme qui correspond à la réponse buzze. S’il a bon, il remporte les points du mot ; sinon, son adversaire peut tenter une réponse pour avoir les points.
Les membres de chaque binôme vont jouer à tour de rôle, afin qu’il n’y ait à chaque fois que deux candidats qui s’affrontent.
Le comptage des points s’effectue comme au vrai Scrabble, avec pour chaque lettre sa valeur faciale, et éventuellement un mot compte double ou un mot compte triple si le mot en question se trouvait sur l’une de ces cases.
Le premier binôme arrivant à 100 points remporte la partie.
Trouver un anagramme de HOCIR qui puisse tenir sur cette ligne-là.
J’ai envie de dire que cette finale arrive à plutôt bien rattraper le reste du jeu ; en effet, outre son principe efficace (bien qu’un peu aléatoire selon le nombre de points rapportés par chaque mot), cette fois-ci, on a véritablement affaire à du Scrabble-like. Certes pas tout à fait, dans la mesure où chaque mot à trouver a une définition donnée ; mais suffisamment, dans la mesure où on joue avec des anagrammes, un plateau de jeu, des jetons lettrés avec des points, et des mots qui peuvent rapporter davantage selon leur emplacement.
Ce n’est certes pas aussi poussé que ce que faisait TV Scrabble, qui laissait davantage de liberté aux candidats et se passait complètement de « questions » ; mais ça reste une façon d’adapter le concept très satisfaisante.
Total : 11,5/20
En soi, Scrabble Showdown est une émission assez divertissante, qui met plutôt bien en avant la langue anglaise (bien que le niveau soit globalement facile, mais l’émission assume son côté familial). J’ai déjà vu mieux dans le même genre, mais j’ai déjà vu pire.
En revanche, en tant qu’adaptation du Scrabble, c’est… à moitié raté. A l’instar de la première « adaptation » dont j’ai parlé, les deux premières manches auraient pu s’intégrer à merveille dans un concept comme TLMASMAD ou UMPECUA (nonobstant quelques détails mineurs) ; quant à la troisième, même si elle ressemble un peu plus à du Scrabble avec l’idée de former des mots assez librement, ça reste encore un peu trop simpliste.
Mais ça reste à moitié réussi, dans la mesure où le concept d’anagramme reste présent dans une bonne partie de ces manches ; et que la finale rattrape bien le reste, en proposant une façon pertinente d’adapter le jeu de base à son support télévisuel. Si le reste du jeu avait eu la même créativité à ce sujet, je pense qu’on aurait eu une adaptation pleinement convaincante.
Conclusion
Une adaptation plutôt manquée, une adaptation réussie, et une adaptation entre les deux… le Scrabble en version télévisuelle s’en sort plutôt bien. Les producteurs n’étaient pas à court d’idées durant leurs brainstormings pour porter le jeu de société sur petit écran, et ont donné dans l’ensemble des programmes assez variés.
En outre, en dépit du degré de fidélité au matériau de base, ces trois jeux se complètent finalement assez bien : Scrabble Showdown se voulant familiale et facile d’accès notamment pour un jeune public, TV Scrabble étant au contraire plus sérieuse et avec un niveau de jeu plus élevé, et Scrabble se situant entre les deux. Je reconnais d’ailleurs au passage que, bien que je n’aie pas été très généreux avec cette version-là, elle avait tout de même l’avantage d’être un bon compromis question ambiance et accessibilité.
On va encore parler d’adaptations de jeux de société pendant un moment (oui, c’est un très gros morceau) ; mais je vous rassure, les suivants n’ont pas eu droit à 36 adaptations comme le Scrabble ou le Trivial Pursuit. A partir de maintenant, promis, on ne parlera que d’une seule adaptation à chaque fois.
Et après avoir traité tout de même cinq jeux anglophones d’affilée, on va également revenir en France, sur ce qui est probablement la chaîne la plus franchouillarde du PAF…