Il y a quelques temps, j’avais visionné sur YouTube une chronique de Mr Meeea qui porte sur les jeux d’aventure, qui en a fait une rétrospective plutôt exhaustive, en mentionnant un certain nombre de jeux qui n’ont pas connu beaucoup de succès. En règle générale, ces jeux n’ont d’ailleurs pas duré plus d’une saison, voire deux.
Les seules exceptions à la règle étant au nombre de quatre : Fort Boyard, Koh-Lanta, Pékin Express et La carte aux trésors.
Ce dernier cas est un peu particulier d’ailleurs, car même si ce jeu a connu beaucoup de saisons (et une reprise en 2018 après une dizaine d’années d’arrêt de l’émission), certains puristes diront que c’était surtout La Chasse aux Trésors avec le regretté Philippe de Dieuleveult qui était le format iconique, car arrivé en premier, et qui a davantage marqué les mémoires. Bon, n’ayant pas connu cette émission-là, je ne suis pas du même avis, et je trouve que La Carte aux Trésors a su se forger sa propre identité elle aussi.
Mais toujours est-il que le cas de La Carte aux Trésors est plutôt l’exception que la règle. Car si je vous demande de citer un jeu qui consiste en une succession d’épreuves au format unitaire, vous répondrez à 99% Fort Boyard ; si je vous demande un jeu de survie où les candidats restent isolés dans un environnement assez hostile, vous répondrez Koh-Lanta ; et si je vous demande un jeu où les candidats font la course à divers endroits de la planète, ce sera Pékin Express bien sûr.
Mais bon, comment vous en vouloir, vu que ce sont les seuls jeux de leur catégorie à avoir dépassé (de très loin !) le cap des deux premières saisons.
A tel point que la chronique du Meeea avait tiré cette conclusion, comme quoi cela ne servait à rien de développer d’autres marques de jeux d’aventure, car tout ce qu’on développera fera fatalement penser à ce qui existe déjà, et sera boudé par le public pour cette raison-là.
Bon, c’est une conclusion qui me déplaît amèrement, mais avec laquelle je suis d’accord sur deux points :
- Le premier, c’est le fait que quasiment tout nouveau jeu d’aventure évoquera de près ou de loin un jeu qui existera déjà. Je m’étais amusé à faire une classification des jeux d’aventure, et j’arrivais également à la conclusion que la grande majorité des jeux que j’avais classés étaient rattachables soit à Fort Boyard, soit à Koh-Lanta, soit à Pékin Express, soit à La carte aux trésors dans leur principe… à une ou deux exceptions près. Escape, 21 jours pour disparaître ne rentre dans aucune de ces catégories pour moi, de même que Escape Show (… en fait, il faut qu’il y ait Escape dans le titre pour que ça se démarque), si on les considère comme des jeux d’aventure.
- Le second, c’est que sur une logique purement comptable, ça se tient, car le temps passe et montre que toutes les tentatives de lancer de nouvelles marques rattachables à l’existant se sont soldées par des échecs, de surcroît assez coûteux pour les chaînes car ce genre de programme a un coût non négligeable.
De l’utilité de la concurrence et d’une nouvelle vision artistique
Cela étant, même si les chaînes en sont conscientes, ça ne les empêche pas de tenter leurs formats de temps à autre. Comme pour les télé-crochets d’ailleurs : on n’a pas eu que Star Academy, Nouvelle Star et The Voice depuis les années 2000, mais également pas mal d’autres tentatives (Popstars, Sing-off 100% vocal, X-Factor, Rising Star, Together tous avec moi, The Artist…) qui étaient conscientes qu’il y avait déjà un ou deux télé-crochets de référence au moment où elles ont été lancées.
Et j’ai envie de dire : tant mieux qu’elles essaient ! Vraiment ! Même si on a déjà une émission de référence à côté !
Parce que, voyez-vous, tout le monde n’accroche pas forcément aux formats de référence, alors que ce genre d’émission est potentiellement susceptible de les intéresser ; et, surtout, que les formats de référence peuvent aussi se trimbaler leurs casseroles. Oh oui : clairement, je pourrais très, mais alors très facilement citer des saisons de Fort Boyard (je pourrais sans problème vous rédiger un essai de 20 pages pour dire en quoi les saisons de la décennie 2010 sont très loin d’être aussi géniales que beaucoup de monde le prétend…) ou de Pékin Express que j’ai détestées, et pour lesquelles j’ai très largement préféré d’autres programmes du même genre en comparaison.
En fin de compte, c’est aussi à ça que sert la concurrence : stimuler ce qui existe déjà, pour ne pas que l’existant se repose sur ses lauriers et n’impose une version uniformisée de ce qu’il conçoit.
Certes, les autres programmes ne réinventeront pas la roue au niveau des règles globales, mais ils peuvent tout à fait proposer des visions intéressantes du genre dont ils s’inspirent, ou encore proposer des épreuves créatives peu ou pas vues ailleurs. En ce sens, je n’ai certainement pas trouvé Amazing Race ni District Z comme des doublons fades de Pékin Express ou de Fort Boyard, ces jeux ont quand même réussi à proposer leurs propres épreuves, leurs propres règles, en dépit d’une structure globale semblable et de points communs évidents.
Oui, les formats de référence ont une raison de l’être… mais ce n’est pas une raison pour snober le reste.
Entendons-nous bien : je comprends tout à fait pourquoi le triptyque Fort Boyard/Koh-Lanta/Pékin Express est iconique et sert de référence à pas mal de monde.
Je reconnais tout à fait que, lors de leurs meilleures saisons, ces formats étaient quasi-parfaitement rôdés sur beaucoup d’aspects (gestion des règles, gestion du rythme, gestion des émotions, casting etc.) ; et que les gens ayant généralement tendance à retenir le meilleur d’une œuvre, c’est le meilleur du triptyque Fort Boyard/Koh-Lanta/Pékin Express que les gens ont retenu.
Mais, comme je le disais, ce n’est en aucun cas un gage de constance dans la qualité. Et c’est normal : sur de telles longévités, aucun programme ne peut être parfait de bout en bout. Il y aura forcément des moments qui décevront, des nouveautés pas au point ou peu glorieuses, un sentiment de lassitude par rapport à l’utilisation de certains ressorts que ces programmes adorent employer…
Donc en plus de 10 saisons de Pékin Express, plus de 20 saisons de Koh-Lanta et plus de 30 saisons de Fort Boyard, il y aura forcément des moins bonnes notes. Ce n’est pas déshonorant, c’est parfaitement naturel. Toutefois, c’est quelque chose que le public doit reconnaître, pour ne pas agir en fanboys/fangirls en prétendant que « Mais c’est Fort Boyard, c’est forcément génial, et ça ne sert à rien de faire d’autres programmes du même genre parce qu’ils feront forcément moins bien ».
En fait, c’est cette mentalité qui me gave profondément.
Je m’en suis particulièrement aperçu lors du lancement de District Z : ce programme a reçu un mauvais accueil, ce que j’ai trouvé compréhensible sur certains points (j’y reviendrai), mais très abusif sur d’autres, notamment ceux qui cassaient des briques dessus en insinuant que c’était de la merde (je comprends tout à fait qu’on n’aime pas ce programme, mais de là à dire que c’est de la merde en revanche, je trouve ça particulièrement injustifié car ça reste très correct).
Et parmi ceux qui crachaient dessus… on retrouvait beaucoup de fanboys/fangirls de Fort Boyard, qui en auraient dit du mal de toute façon parce que District Z a une formule similaire qu’il a eu l’outrecuidance de reprendre d’un jeu lancé plus de 30 ans auparavant. D’ailleurs, même la production de Fort Boyard semblait disposée à porter plainte pour plagiat…
Je trouve cette attitude mais alors tellement mesquine… agir comme ça, c’est totalement annihiler l’esprit critique de la part des fanboys/fangirls, et vouloir dissuader les tentatives de créativité en imposant son monopole de la part de la production. Production qui ne s’est d’ailleurs pas gênée pour décliner elle-même sa marque phare avec Boyard Land un an plus tôt… pour lequel j’ai au passage été ravi du flop, comme quoi la marque ne suffit pas toujours à appâter le chaland.
A nouveau, entendons-nous bien : oui, vous avez totalement le droit de ne pas accrocher à un programme et d’en préférer un autre. J’ai moi-même beaucoup aimé Amazing Race et je suis tout à fait disposé à défendre District Z, mais je vois ce qui a pu déplaire dans ces marques, et je comprends que pour certains leurs défauts aient été rédhibitoires. Ca en fait des bonnes raisons pour ne pas aimer ces émissions ; ça n’en fait en revanche pas des raisons suffisantes pour dire tout de go que c’est de la merde, parce que d’autres programmes ont mieux géré ces aspects-là.
Les programmes de référence ne sont pas parfaits !
D’ailleurs, on a déjà eu des preuves de failles de ces programmes de référence…
Après tout, si Pékin Express a connu une pause de plusieurs années entre ses saisons 10 et 11, c’était car les saisons 9 et 10 avaient déçu, jugées comme en en faisant trop dans le cas de la saison 9 et pas assez dans le cas de la saison 10.
Quant à Fort Boyard, on pourrait citer le cas de la saison 2010 (vous savez, celle où les équipes s’affrontaient en duel et que tout le monde a oubliée…) ou 2002 (la dernière présentée par Jean-Pierre Castaldi, et que pas mal ont fustigée pour son côté trop enfantin… que, bizarrement, on ne reproche pas à la décennie 2010 qui a fait bien pire) ; mais même la saison 1990, la toute première, n’avait pas été un succès immédiat.
Eh oui, à l’époque, ce n’était pas intuitif, un format de jeu où le plateau TV était un monument contraignant d’accès, avec tout un univers et une mécanique de jeu à définir. La saison 1990 a essuyé pas mal de plâtres, avec des ajustements au détriment de certaines figures comme Marie Talon qui en a été évincée, et ce n’est qu’à partir de l’année suivante que les ajustements ont commencé à porter leurs fruits avec une base de jeu rôdée. Et il aura encore fallu attendre quelques années avant d’entrer dans l’âge d’or du jeu pour certains…
D’ailleurs, pour Koh-Lanta et Pékin Express aussi, c’est surtout à partir de la saison 2 que les programmes ont commencé à vraiment devenir emblématiques, à avoir incorporé des éléments iconiques (ce ne sera qu’en saison 2 de Koh-Lanta qu’apparaîtront Denis Brogniart et l’épreuve des poteaux) et à être mis davantage en valeur par leurs diffuseurs.
Alors… pourquoi si le public a laissé une chance à ces programmes-là, tous les autres n’y auraient pas droit ?