Ah, Money Drop. Quelque part, c’est un peu le début de la fin d’une ère, chez TF1. Comme vous le savez, la chaîne a depuis plusieurs années remplacé ses jeux TV d’access prime-time par de la fiction, réduisant non seulement la place du genre à l’antenne, mais signant également la fin d’une époque où ce genre était roi sur ce créneau-là.
Et Money Drop, arrivé en 2011 par chez nous, est, selon moi, le dernier jeu lancé par la chaîne à avoir su acquérir une certaine longévité (avec une diffusion par salves jusqu’en 2017, soit 6 ans) accompagnée d’un petit statut culte ; et également l’avant-dernier à avoir meublé la case de 19 heures avant l’arrivée de Demain nous appartient, le chant du cygne du genre revenant à The Wall dont j’ai déjà parlé. Bon, techniquement, on a aussi eu la version confinée de QVGDM en 2020, mais je préfère encore l’oublier…
Mais au-delà de l’access de TF1, c’est aussi l’un des derniers représentants des jeux TV « à suspense », dans la lignée des QVGDM, où on se concentre sur un ou plusieurs candidats qui peuvent tout gagner ou tout perdre à n’importe quel moment. Le genre est malheureusement tombé en désuétude durant les années 2010, et Money Drop a d’ailleurs tenté de minimiser cet aspect-là (d’une mauvaise façon, on en reparlera…), ce qui l’aura permis de survivre encore un peu, mais pas non plus pour très longtemps. Eh oui, depuis le temps, le public s’est lassé de ces ambiances pesantes et de cette façon de gérer les enjeux… et a préféré suivre des systèmes de champion mal branlés à la TLMVPSP. Grrrr. Mais c’est une autre histoire.
Bon, passé ces considérations qui donnent quand même à Money Drop une certaine valeur symbolique, je trouve cependant que ce ne fut pas l’un des meilleurs représentants de son genre. Je comprends tout à fait d’où son succès a pu venir, et je pense que j’en aurais été majoritairement satisfait… s’il n’y avait pas eu un tout petit léger mini détail venu gâcher les jalons que le jeu a su développer. On en reparlera en temps voulu…
Mais pour l’heure, concentrons-nous sur ce que Money Drop a su le mieux réussir selon moi.
Le concept
Un binôme de candidats doit répondre à une série de huit questions ; et, à l’instar de Joker, il est impossible pour eux de s’arrêter de leur plein gré et de repartir avec l’argent déjà « accumulé ».
Et pour cause : Money Drop est original dans la mesure où on donne d’emblée l’argent aux candidats, et qu’ils doivent tout faire pour en perdre le moins possible. Bon, en fait, on avait déjà vu ça dans Tout vu, tout lu ; mais ici, ce n’est pas la concurrence des adversaires qui fera baisser les gains des candidats. Le capital des candidats est de 250 000 € au départ, répartis en 50 liasses indivisibles de 5000 €.
Pour chaque question, on propose deux thèmes aux candidats : ils choisissent celui qui les inspire le plus.
Puis une fois que le thème est choisi, les réponses sont d’abord dévoilées, suivies de la question qui va avec.
Les candidats se concertent pendant quelques secondes ; puis un chronomètre est lancé, de 45 secondes pour les questions 1 à 4, et de 30 secondes pour les questions 5 à 7 (la question 8 ne disposant pas de temps limité, j’y reviendrai).
Durant ce laps de temps, les candidats devront répartir leurs différentes liasses sur les différentes réponses (représentées sous forme de trappes), selon ce qu’ils pensent être les réponses les plus plausibles. S’ils sont sûrs de la bonne réponse, ils peuvent placer l’intégralité de leur argent sur une même trappe ; sinon, ils peuvent le répartir pour mieux assurer leurs arrières. Mais attention : l’argent placé sur les mauvaises réponses est définitivement perdu. Sachant que s’ils n’ont pas laissé d’argent sur la bonne réponse, ils n’auront plus rien et la partie prendra fin immédiatement.
Ce concept n’est pas sans rappeler Le quatrième duel, dans l’idée de pouvoir donner plusieurs réponses en cas de doute sur une question ; si ce n’est que Money Drop se joue en solo, et qu’on joue donc sur un autre paramètre pour garder le suspense. A vrai dire, si j’ai traité LQD juste avant de parler de Money Drop, c’était parce que je trouvais les concepts relativement similaires, avec l’idée de pouvoir miser sur plusieurs réponses en cas de doute ; et même en prenant en compte le côté importé de Money Drop, son format d’origine britannique (The Million Pound Drop) a été créé en 2010, soit 2 ans après LQD, donc c’est bien ce dernier qui a eu l’idée en premier.
Toutefois, je ne hurle évidemment pas au plagiat, car en dépit d’une idée de base commune, la façon de l’exploiter est très différente d’un jeu à l’autre. En effet, LQD se joue non seulement en duel ; mais, de plus, les « mises » faites sur les réponses ne sont pas aussi malléables, puisque le candidat ne fait qu’utiliser des jetons, sans attribuer de valeur spécifique à chaque réponse. Dans un sens, Money Drop ne fait que pousser le concept plus loin.
Et quelque part, je dirais qu’il n’y a pas que de LQD dont Money Drop s’est inspiré. Même si c’est moins évident, on retrouve un peu une patte QVGDM, dans le fait qu’on se focalise sur un seul binôme de candidats, qui va être confronté à un nombre de questions prédéfini, et qui peut potentiellement perdre à tout moment ; toutefois, c’est du QVGDM « inversé », dans la mesure où on donne directement le gain maximal aux candidats dès le début, et que leur but va être d’en conserver le plus possible. Ce qui est plutôt original dans ce sens-là.
Une règle s’applique lors de la répartition de l’argent : il faut toujours laisser une trappe vide.
Bon, en termes de mise en scène, je trouve que ça la casse légèrement, et que la règle n’était pas particulièrement indispensable. On pourrait certes supposer que dans un cas de figure extrême, les candidats décident à chaque fois de répartir 25% de leur cagnotte sur chaque trappe… mais en huit questions, les 250 000 € de départ seraient fortement dilués en faisant ça (et le montant garanti serait digne des pires boîtes de APOAL…), et de toute façon chaque liasse à répartir vaut 5 000 € et ne peut pas être subdivisée.
Cela étant, je reconnais que ça peut apporter quelque chose d’un peu intéressant si un binôme venait à enfreindre la règle (ce qui est arrivé une fois dans la version française). Dans ce cas de figure, le binôme est alors obligé de choisir une trappe, qui va s’ouvrir d’emblée, faisant perdre l’argent qui se trouve dessus… tout en sachant que ça peut être la bonne réponse, auquel cas le jeu s’arrêterait dans la foulée. Notons toutefois que c’est une spécificité de la VF partagée avec quelques autres versions étrangères, le format d’origine établissant une solution beaucoup plus radicale, qui n’est ni plus ni moins qu’une élimination immédiate des candidats. Ce qui est quand même un peu abusé, je trouve…
Cette façon de gérer les gains va d’ailleurs induire quelque chose d’atypique : la difficulté des questions ne sera pas forcément graduelle.
En effet, la production sera d’autant plus encline à proposer des questions difficiles quand les candidats auront encore un capital assez élevé en leur possession, afin de faire diminuer ce capital. Ce qui fait qu’on se retrouve dans une situation assez paradoxale, où ce seront plus souvent les premières questions qui paraîtront potentiellement plus difficiles que les dernières.
Alors, d’un côté, ça permet de tordre un peu le cou à un défaut récurrent des QVGDM-likes, à savoir le côté planplan des premières questions qui n’offriront que peu ou pas de suspense en raison de leur facilité. Ici, on peut être tenu en haleine dès la première question, ce qui n’est pas rien ! De l’autre, en revanche… on a un peu le défaut inverse : en effet, une fois le capital des candidats bien écrémé, on peut avoir moins d’intérêt à suivre le reste de la partie, si les questions restantes sont simples et l’enjeu beaucoup moins élevé. Bref, on n’a pas encore trouvé la formule parfaite pour ce genre de format.
Après, si les candidats sont d’un très bon niveau, ça peut tout de même donner quelque chose de palpitant tout du long, donc ce n’est pas inintéressant non plus. En fait, je dirais même que, même dans un cas de figure « classique » où la difficulté des questions baisse graduellement, cette mécanique reste intéressante à découvrir pour sa façon dont elle déconstruit le côté QVGDM auquel on est habitués.
Comme on est sur une formule à la QVGDM (enfin… vaguement), je devrais normalement parler de jokers, puisque c’est quelque chose qu’on retrouve dans quasiment tous les formats de ce genre.
Toutefois, ici, même s’il y en a techniquement un, il n’aide pas vraiment à aiguiller les candidats vers la bonne réponse, comme c’est le cas habituellement. En fait, ce rôle est déjà assuré par la répartition de l’argent sur les différentes trappes, qui permet d’éviter d’avoir à ne proposer qu’une seule réponse (même si ça coûte de l’argent aux candidats en contrepartie).
De fait, le seul joker proposé sera un « bonus temps », qui permet aux candidats de disposer de 10 secondes supplémentaires pour modifier la répartition des liasses sur les trappes, avant que la réponse ne soit vérifiée. Comme ils peuvent prendre du temps pour la réflexion avant de l’utiliser, ça permet de réfléchir un peu plus posément à la réponse, en dépendant moins de la pression du chronomètre de la question.
Ce joker est disponible depuis le début de l’émission ; et jusqu’en 2015, les candidats pouvaient bénéficier d’un deuxième bonus temps à partir de la question 5.
Mais alors, ça veut dire que les candidats qui ont joué après cette date se sont fait léser ? Non, à partir de là, ils bénéficient d’un autre avantage en contrepartie.
En effet, en plus des liasses, ils disposent d’un lingot d’or en début de partie, qui doit être placé sur les trappes de la même façon. S’il est placé sur une mauvaise réponse, il est définitivement perdu ; mais si les candidats parviennent à le conserver jusqu’au début de la question 5, il est sanctuarisé, ce qui aura pour effet de doubler les gains potentiels des candidats en fin de partie (le maximum théorique passe alors de 250 000 € à 500 000 €).
C’est une très bonne idée pour renouveler un peu le principe du jeu. Ca permet de rajouter un bonus qui joue sur la spécificité des trappes, permettant aux candidats d’augmenter leurs gains de manière conséquente, tout en n’étant pas évident à conserver.
En outre, Money Drop favorise également la prise de risque des candidats.
En effet, si les candidats décident de miser tout leur capital sur une seule réponse, c’est du « tout ou rien ». Ils risquent en effet de faire s’arrêter la partie immédiatement si celle-ci est mauvaise ; en revanche, si celle-ci est bonne, non seulement ils conservent l’intégralité de leur capital ; mais de plus, ils peuvent sauter la question suivante.
J’apprécie cette façon de récompenser des bonnes performances. Certes, conserver l’intégralité du capital est déjà un but en soi ; mais cette règle supplémentaire peut motiver les candidats à le faire encore davantage.
La mise en scène
Autre point fort de Money Drop : son ambiance et sa mise en scène.
S’il y a bien quelque chose qui me manque dans la plupart des jeux TV sortis après celui-ci, c’est le fait qu’on n’ose plus trop jouer sur des ambiances anxiogènes. Ce qui n’est d’ailleurs pas aidé par le fait que les jeux les plus propices à ce genre d’ambiance (i.e. avec des enjeux plus élevés) ne sont plus monnaie courante depuis un bon moment.
Déjà, parlons du plateau de jeu, qui fait très « coffre-fort sécurisé », avec des tons froids et métalliques. Et pour appuyer le décor, on a même mis des agents de sécurité un peu partout, pour s’assurer que les candidats ne cherchent pas à s’enfuir avec l’argent ! … bon, je doute que ce soit du vrai, même si la production n’allait pas avouer que les billets étaient imprimés sur du papier Clairefontaine. Disons juste que je ne vois pas trop l’intérêt de faire imprimer autant de vrais billets de vingt euros juste pour un jeu TV. Mais ça reste un détail de mise en scène que j’apprécie particulièrement, et qui rend le jeu plus immersif.
Ensuite : les trappes, évidemment. On aurait tout simplement pu juste afficher des montants, en demandant explicitement aux candidats combien ils allaient mettre sur chaque réponse, et afficher tout ça sur un écran… mais ça n’aurait pas eu autant de force que de montrer de l’argent passer littéralement à la trappe. Ou du moins, ça aurait sans doute été plus oubliable. Le fait de demander aux candidats de déplacer les liasses physiquement rend la chose plus concrète.
Après, je pourrais chipoter sur le fait qu’on peut se demander « Mais qu’est-ce qu’il se passe s’ils n’ont pas mis l’argent sur les trappes à la fin du chrono ? » puisque physiquement rien n’empêche de le faire… mais on peut imaginer que les vigiles vont passer les candidats à tabac s’ils tentent une entourloupe. J’ai un peu trop d’imagination moi…
Le seul point un peu négatif que je peux citer à ce sujet, c’est que la production a parfois tendance à abuser un peu du suspense, à un point où ça devient plus agaçant que suspensif. Les jeux à la QVGDM aiment faire ça, certes, mais pour eux, on ne dévoile pas les mauvaises réponses au compte-gouttes non plus…
Car, oui, pour ménager le suspense, on a souvent tendance à ne pas ouvrir les trappes d’un seul coup, et à les ouvrir une à une. Alors, on tire profit de la mise en scène d’une façon judicieuse, j’en conviens… cependant, l’ouverture des trappes au compte-gouttes, c’est comme les religieuses au café : c’est bon, mais il ne faut pas en abuser.
Cela dit, c’était plutôt durant la première partie de l’existence de cette émission que c’était le cas. Durant la seconde version, la production a en revanche plutôt cherché à améliorer le rythme, ce qui rend ce gimmick moins fréquent. C’est l’un des bons points de cette version, même si en contrepartie celle-ci a fait régresser un autre aspect en lien (on y reviendra).
Enfin, parlons un peu de l’animation : Laurence Boccolini était clairement l’un des meilleurs choix que TF1 pouvait faire.
Bon, c’est clairement lié à son image froide dans Le maillon faible qui est restée dans les mémoires. Après, elle n’est clairement pas aussi froide ici que dans LMF, et ce n’est pas plus mal car ça plomberait l’ambiance. Mais je trouve qu’elle excelle vraiment dans les jeux qui cherchent à avoir une ambiance un peu solennelle, en sachant garder son sérieux quand il le faut ; mais aussi en ayant une bonne répartie avec les candidats et des traits d’humour quand il le faut (là où par exemple un Julien Courbet aurait cherché à détendre l’atmosphère un peu trop intempestivement). Non pas qu’elle doive être cantonnée à ce style-là (après tout, j’ai bien aimé sa prestation dans Le mur infernal, qui est très loin d’être aussi sérieux), mais ça reste un style dans lequel elle est très à l’aise. (Largement mieux que dans TLMVPSP si vous voulez mon avis…)
Ah, et histoire de dire que tout n’est pas parfait non plus, n’oublions pas sur quelle chaîne on est… oui, comme d’habitude, TF1 aime mettre en avant des candidats un peu exubérants, qui peuvent avoir tendance à casser un peu la solennité du concept. Mais bon, ce n’est pas non plus systématique, et ça ne vient pas non plus rendre l’émission imbuvable pour les quelques fois où ça arrive.
Et puis j’avoue que ça me fait parfois rire de voir le contraste qu’il peut y avoir entre des candidats blagueurs et les vigiles qui doivent garder leur sérieux à tout moment. Parfois, je me demande comment ils font pour le rester !
La finale qui gâche tout…
Si un binôme parvient à conserver de l’argent jusqu’au bout, il est mis face à la dernière question. Comme pour le reste du jeu, il a le choix entre deux thèmes ; mais à la différence du reste, cette dernière question n’est pas chronométrée, et ne dispose cette fois-ci non pas de quatre propositions, mais seulement deux.
Sachant qu’il faut toujours laisser une trappe libre, ce qui insinue donc que… c’est du tout ou rien obligatoire, et qu’en gros ça revient juste à répondre à un QCM avec deux propositions de réponse.
Cette question finale est très facilement le pire point de ce jeu, à un stade où c’en est même particulièrement frustrant et où ça vient totalement gâcher le concept initial.
Un conseil : quand vous concevez un jeu TV (bon, ok, ce n’est pas le hobby de beaucoup de monde, je l’admets), soignez son final. Car c’est censé être l’apothéose d’un parcours, à l’instar d’un bouquet final qui est censé laisser sur la meilleure impression ; et c’est juste irritant de voir un très bon concept se solder par une finale particulièrement mal régulée.
En fait, ça doit même être le deuxième ou troisième pire concept de finale que j’aie pu voir derrière Pékin Express (pour les saisons appliquant la règle du « Time is money ») et TLMVPSP.
Primo : ce qui fait toute l’originalité et la singularité de Money Drop, c’est son système de répartition, qui permet de donner plusieurs réponses à une question, lorsque les candidats n’ont aucune certitude. Or, cette finale va complètement à l’encontre de ce principe, puisqu’elle force à miser l’intégralité de sa cagnotte sur une seule réponse.
Secundo : en plus de casser l’idée de base, ça rend donc cette finale totalement banale, puisqu’elle se résume à un QCM entre deux réponses. Comment appeler ça un point d’orgue, si la mécanique manque à ce point-là de panache ?
Et tertio, le pire point du lot : tout le parcours des candidats se joue donc sur une seule question, en mode tout ou rien, ce qui fait que la question posée a beaucoup trop d’importance !!!
En règle générale, les jeux TV s’arrangent pour soit laisser une porte de sortie aux candidats, soit leur assurer un minimum de gains, afin que ce soit plus équitable. Mais ici, ce jeu s’en dispense totalement, et force les candidats à jouer en tout ou rien. Là encore, c’était quelque chose que la mécanique de base permettait de faire passer : le fait de répartir l’argent sur plusieurs trappes permettait de s’assurer de pouvoir conserver quelque chose (pas complètement avec la règle de laisser une trappe vide à chaque fois, certes, mais au moins ça restait fair-play pour les candidats).
Donc on peut en théorie tout à fait avoir un binôme qui va réussir à conserver des gros gains jusqu’au bout, pour potentiellement les perdre sur une question du type « Quels animaux ont le plus gros QI : les bulots ou les huîtres ? » sur laquelle ils n’ont pas d’autre choix que de répondre correctement.
Imaginez si, dans QVGDM, on forçait le candidat à répondre à la question à 1 million sans lui laisser la possibilité d’arrêter là et de conserver ses gains… vous trouveriez ça frustrant, non, si on le forçait à répondre à une question au sujet de laquelle il n’a absolument pas la moindre idée, et que tout son beau parcours s’effondrerait à cause d’une règle moisie et forcée ? C’est le sentiment que j’ai avec Money Drop.
Notons au passage qu’en version originale (et quelques autres comme la nord-américaine), le nombre de propositions est réduit progressivement durant la partie, en passant de 4 à 3 puis à 2, tout en obligeant les candidats à laisser une trappe vide.
Ce n’est pas inintéressant dans le principe de réduire les propositions pour souligner la montée des enjeux ; mais ça reste tout aussi frustrant de voir la dernière question réduite à un bête QCM de type Vrai/Faux.
En fait, je suppose que l’idée derrière cette finale était de faire un « grand suspense » de fin de session, avec un enjeu plus élevé, où on sait que les candidats repartiront soit avec quelque chose, soit avec rien du tout. Mais au final, ce « grand suspense » a un côté beaucoup trop forcé et contre-productif pour qu’il puisse être mérité. Au contraire, il tire considérablement la note de ce jeu vers le bas pour moi.
Et c’est dommage, car il y avait très certainement de meilleurs moyens de conclure le jeu que celui-ci : proposer une question avec davantage de trappes (par exemple 6 au lieu de 4), proposer une question avec deux propositions correctes au lieu d’une mais forçant cette fois-ci à répartir l’argent, proposer aux candidats de faire un choix entre tenter une réponse et s’arrêter là mais en ne gardant qu’un certain pourcentage de la cagnotte…
D’ailleurs, même une « banale » question à 4 propositions à l’instar du reste du jeu aurait été plus satisfaisante. Certes, l’originalité aurait été moindre, mais l’intérêt accru.
Les quelques failles dans l’exploitation du concept
Pour terminer la critique, revenons sur deux points indépendants du concept, mais qui ont pu avoir une certaine influence sur le ressenti de visionnage.
Premièrement : ce jeu a été accusé de trucages par le magazine VSD. D’une part, en faisant exprès de choisir des candidats qui ne soient pas trop performants, et en dégainant des questions qui peuvent les faire dépenser plus ou moins leur capital, en connaissant leurs forces et leurs faiblesses, le tout dans l’optique que TF1 puisse maîtriser ses budgets, en ne dépensant en moyenne que 18 000 euros par émission.
Bon, je ne suis pas journaliste, je ne fais pas d’investigations, donc je n’accuserai personne ; cela étant, je ne serais effectivement pas surpris qu’il y ait quelques tractations en interne pour que la production puisse arriver à ses fins. Après tout, ce n’est pas le seul jeu « truqué » qu’il m’ait été donné de voir. Mais le fait est qu’un trucage réussi est un trucage qui ne se voit pas… et Money Drop n’est pas particulièrement le plus subtil à ce niveau-là (même s’il s’en sort un peu mieux que Les 12 coups de midi, Still standing ou APOAL version Hanouna).
En fait, même sans parler de forces et de faiblesses des candidats, j’ai remarqué qu’on n’hésitait pas à recourir de temps à autre à des questions de type « statistiques » ou « faits divers », pour lesquelles la réponse est loin d’être intuitive, et qui forcent la main pour répartir l’argent sur plusieurs trappes. Alors, oui, c’est le concept du jeu ; mais tout de même, j’aurais préféré qu’on reste sur des questions où il est possible de faire un « tout ou rien » en restant à peu près sûr de soi, histoire de prouver que le gain maximal peut être obtenu. Au lieu de ça, on a en effet davantage l’impression que la production ne tient pas trop à se faire saigner, et cherche à contrôler la performance des candidats d’une certaine façon. Un peu comme Joker qui aimait poser des questions du même genre un peu sorties de nulle part, et dont le but inavoué semblait d’écrémer les jokers des candidats.
J’aurais même été jusqu’à dire que la finale « tout ou rien » allait également dans le sens de faire faire des économies à la production (c’est bien pratique de contraindre les candidats de potentiellement passer de 100 000 € à 0 € sans pouvoir leur laisser d’alternative…) ; mais comme je le disais, la VO a également ce problème.
Enfin, parlons du remontage des émissions qui a eu lieu au bout de quelques années.
Le jeu ayant décliné en audiences, TF1 avait décidé de remonter les émissions à la dernière minute, afin de les rendre plus rythmées et de faire en sorte de ne plus avoir à suivre l’émission du lendemain pour connaître la fin du parcours d’un binôme. Ce qui avait d’ailleurs pu se remarquer particulièrement dans la première salve d’émissions remontées en catastrophe, avec parfois certains binômes qui changeaient de tenue au sein d’une même émission, preuve qu’à la base leur parcours n’avait pas vocation à être diffusé sur une seule…
En tout cas, ça a quand même fonctionné pour TF1 sur ce coup-là, permettant à Money Drop de remonter la barre et de rester à l’antenne encore un peu, jusqu’à ce que la chaîne ne mette à la trappe les jeux TV pour l’access, se lançant alors dans le pari d’un soap, plus fédérateur en ménagères, cible qui était bien moins séduite par Money Drop (et après, on se demande pourquoi la TV ne fédère plus autant qu’avant… pas étonnant, avec un modèle économique aussi segmentant. Mais je m’égare.).
Pourtant, si cette stratégie de remontage pour supprimer le côté « feuilletonnant » du format a pu marcher pendant un temps, ça reste quand même finalement une mauvaise idée vis-à-vis du concept.
Alors, certes, ça épargne de devoir allumer sa TV le lendemain pour voir combien un binôme va finalement empocher… mais d’un autre côté, ça casse aussi pas mal l’intérêt de suivre un parcours, qui peut théoriquement s’arrêter à tout moment.
Car Money Drop fait partie des formats de jeux dont le principe n’a pas vocation à faire aligner une session de jeu sur une case horaire prédéfinie. En d’autres termes, une session de jeu peut tout aussi bien durer 45 minutes (avec un binôme qui va jusqu’au bout) que 10 minutes (avec un binôme qui perd tout dès la première question). C’est comme pour QVGDM : on suit le parcours de différents candidats, mais ceux-ci ne vont évidemment pas s’arrêter à chaque fois au même stade. On peut très bien avoir des candidats qui ratent la question 6, et qui quitteront le jeu largement plus tôt que d’autres qui s’arrêteront à la question 12… ce qui rend compliqué le fait de faire coïncider le parcours d’un candidat précisément avec un créneau horaire fixe.
Et pourtant, Money Drop l’a fait… mais par conséquent, le suspense du suivi du parcours a, par la même occasion, beaucoup baissé. En gros, deux cas de figure peuvent se produire : soit le binôme qu’on suit va arriver jusqu’au bout, soit il va échouer avant ; et dans le second cas, pour meubler le reste de l’émission, on va diffuser le parcours d’un autre binôme qui va lui aussi se planter, puisqu’on ne peut pas suivre un même binôme sur deux émissions différentes. Ce serait l’équivalent pour QVGDM de deux émissions consécutives où on saurait que le second candidat à passer n’arriverait pas à atteindre le second palier, tout comme le premier…
Total : 12/20
Bon, vous l’aurez compris, si je n’ai pas été autant emballé par Money Drop que je n’aurais dû l’être, c’est clairement à cause de l’une des tares que je déteste le plus dans les jeux TV, à savoir la question « tout ou rien », qui est pour moi très facilement le pire point de ce jeu, venant conclure d’une façon assez amère un jeu qui est par ailleurs bien plus intéressant.
Car je suis pris par le concept et l’ambiance que ça a su développer (quand ça n’en abuse pas trop, du moins), qui, eux, sont dignes d’un jeu culte du genre. On y retrouve le côté immersif, le suspense, la gestion des enjeux… et même une évolution bienvenue avec l’arrivée du lingot d’or en cours de route. Sincèrement, si ça s’était terminé par une note mieux maîtrisée, j’aurais trouvé ce jeu très bon.
Mais à la place… je ne l’ai finalement trouvé que correct. A l’instar du système de maestro de NOPLP, je trouve frustrant qu’un seul point en particulier puisse me faire dévaluer le jeu en entier à ce point-là… mais heureusement, pas non plus au point de me le faire considérer comme mauvais. Et comme avant-dernier représentant du genre « suspense » chez TF1, on aurait pu avoir largement pire, je le reconnais (par exemple, Hot Seat, qui fut un temps dans les cartons pour remettre QVGDM au goût du jour).
La prochaine fois, on va rester sur TF1, avec un autre jeu qui promet de gros gains… mais définitivement pas dans le même genre d’ambiance.