Vincent Lagaf a beau avoir une carrière plutôt fournie en matière de jeux télévisés, je reconnais cependant que je n’en ai pas beaucoup parlé jusqu’ici. Et pour cause : j’ai un petit peu de mal avec l’image que me renvoie cet animateur, ou plutôt l’image renvoyée par certains jeux qu’il a animés, ou dans lesquels il a fait une apparition. La pire du lot étant très certainement pour moi l’incarnation d’un certain Mégagaf dans Fort Boyard, dans lequel je crois bien qu’on a redéfini les limites du pathétisme… avant de le refaire deux ans plus tard avec Cyril Féraud et son personnage qui me donne envie de citer tout les synonymes de « navrant » du dictionnaire. Mais on n’est pas là pour casser des briques sur la façon dont FB a évolué dans les années 2010-2020, même si ça ne me déplairait clairement pas de le faire. Parlons plutôt des glorieuses années 90… enfin, pas au sujet de Fort Boyard.
Bref. Vincent Lagaf, donc. Jusqu’à présent, les deux seuls jeux qu’il a animé que j’ai mentionnés n’ont pas été les plus représentatifs de sa carrière : en effet, Crésus est sans doute le jeu qui correspondait le moins à son style, à tel point d’ailleurs que le jeu s’était arrêté en partie car il ne souhaitait plus l’animer ; et Strike, qui aura certes eu ses fans et connu un léger succès, mais beaucoup trop bref pour être devenu un incontournable de sa carrière (mais ça, c’était plutôt la faute de Cyril Hanouna qui ne supportait pas qu’un autre animateur que lui puisse avoir du succès sur sa chaîne…).
Oui, quand on pense à Vincent Lagaf, les premiers jeux qui viennent à l’esprit des gens, ce sont plutôt Le Bigdil, ainsi que sa reprise du Juste Prix fin des années 2000, tous deux restés dans les mémoires pour des raisons compréhensibles. Et que… je ne compte toujours pas traiter, car ce genre de format reposant sur des mini-concepts divertissants n’est pas spécialement ma tasse de thé. D’ailleurs, vous aviez pu le constater quand j’ai parlé de Chéri(e), fais les valises ! (oui, ne me demandez toujours pas pourquoi j’ai voulu faire un article sur ce truc…), où je n’ai pas été spécialement positif à ce sujet, même si c’était bien moins pire que je ne le pensais au premier abord.
Non, à la place, je me suis dit que ce serait plus intéressant de revenir sur un de ses jeux dont on parle moins. Enfin, « dont on parle moins »… ça va, il est quand même assez loin d’être tombé dans l’oubli, et je pense que bien plus de gens s’en souviennent que de jeux dont j’ai déjà parlé comme Parcours d’enfer, Mission 1 million, Défi de famille ou La liste gagnante. C’est juste qu’on n’y pense pas immédiatement comparé aux deux autres.
Bref. L’or à l’appel. Jeu d’access de TF1 diffusé de mars 1996 à juin 1997 (avec une pause estivale) ; et, pour la petite histoire, l’un des derniers projets sur lesquels Guy Lux a travaillé de son vivant (avec Case K.O. la même année d’ailleurs).
En dépit du fait que ce n’est habituellement pas le style de jeu qui me parle le plus (en raison du style d’ambiance recherché notamment), je me suis néanmoins décidé à en parler, par rapport à sa principale originalité.
Car si vous en avez entendu parler, ou l’avez suivi en live à l’époque, vous savez sans doute que ce jeu avait la particularité d’être diffusé… en direct, chose rare pour un jeu d’access prime time ! Et moins glorieusement, c’était également l’un des seuls jeux d’access à compter deux coupures pub au lieu d’une seule, du moins durant une partie de sa diffusion.
Et, pour le coup, le direct a vraiment son intérêt en faisant partie intégrante du concept. Ce n’est pas juste pour se donner un style, comme le faisait la version Hanouna de A prendre ou à laisser où ça n’apportait rien, à part une gestion du rythme particulièrement calamiteuse (introduire des éléments de façon superficielle dans ses émissions, sans comprendre ce qui en fait réellement l’intérêt, ça résume plutôt bien la carrière d’Hanouna, d’ailleurs…).
Mais voyons ce que cette émission a à offrir, en plus de cette particularité…
Des enjeux doubles
L’or à l’appel a la particularité d’être un jeu avec un enjeu double.
En effet, on a bien des candidats présents sur le plateau, qui jouent entre autres pour eux ; mais aussi un « candidat », qui sera un téléspectateur qui appellera par téléphone en fin d’émission.
Dit comme ça, ça fait un peu penser à ce que faisait Le Coffre, dont les 3/4 des manches se déroulaient sur le plateau avec les candidats ; et la dernière était la « finale téléspectateur », qui était jouée si les candidats ne parvenaient pas à décrocher l’objectif fixé. Mais dans Le Coffre, cette finale téléspectateur faisait plutôt office de « bonus », relativement décorrélé du reste de la partie, et qui n’intervenait que si les candidats n’avaient pas réussi à remporter la cagnotte. Aussi, on aurait très bien pu la retirer que ça n’aurait pas changé grand-chose au jeu en lui-même.
Tandis que la particularité de LOALA, c’est que le jeu est véritablement pensé pour l’interaction avec le spectateur, avec une mécanique entièrement orientée dans cette optique. Ce qui en fait d’ailleurs à mon sens le meilleur exemple d’interactivité avec le spectateur que j’aie pu voir dans un jeu télévisé.
Pour être plus précis, le jeu va se décomposer en deux grandes parties :
- La première partie consiste en une succession de trois manches, qui impliquent deux équipes de trois candidats chacune (une bleue et une blanche).
Lors de celle-ci, les candidats auront l’occasion de remporter 6 000 F par manche gagnée ; mais aussi de dévoiler l’un des chiffres composant le numéro de téléphone que les téléspectateurs devront appeler en fin d’émission, ce numéro étant inconnu en début d’émission (on sait juste qu’il commence par 36 80, mais les quatre derniers chiffres sont masqués). - La seconde partie va concerner uniquement les spectateurs, qui devront tenter de composer le numéro ainsi dévoilé, totalement ou partiellement. Le téléspectateur qui arrive à joindre le standard de l’émission remporte alors 10 000 F, et peut tenter de décrocher la cagnotte en répondant à une question supplémentaire.
La façon dont ces deux parties s’imbriquent est plutôt fluide. Les candidats ont évidemment intérêt à réussir leurs épreuves, dans la mesure où ça leur permet à la fois de remporter de l’argent ; mais aussi de dévoiler les chiffres du numéro de téléphone.
D’ailleurs, au cas où les candidats ne seraient pas suffisamment doués et que des chiffres manqueraient au numéro, les téléspectateurs peuvent aussi composer un numéro sur minitel pour obtenir des indices permettant de trouver les chiffres manquants. Minitel que j’imagine payant, auquel cas ça devait bien arranger les affaires de TF1… très malin de leur part, ça !
Bon, oui, vu comme ça, ça peut faire un peu « télé-tirelire » sur les bords, puisque le but du jeu est de faire appeler le public via des numéros payants. Eh, TF1 n’est pas une entreprise qui vit d’amour et d’eau fraîche, il faut bien qu’ils se fassent de l’argent pour pouvoir faire tourner la chaîne (et accessoirement satisfaire les actionnaires…).
Mais ce serait une insulte de comparer LOALA à des télé-tirelires du genre de celles qui comblent les matinées à la place du téléachat, tant le dispositif mis en place est nettement plus ambitieux.
Étant donné que le numéro à appeler n’est jamais le même d’une émission à l’autre, il a fallu mettre en place un dispositif inédit en collaboration avec France Télécom ; et même une première mondiale, d’après leurs dires ! D’autant plus que, compte tenu du volume d’appels escompté, il fallait un système robuste. Système qui aura eu ses quelques failles, mais on en reparlera plus loin.
En outre, là où la plupart des jeux de télé-tirelire se contentent de poser des questions faciles pour appâter le chaland, versant souvent dans l’attrape-nigaud, ici il y a un peu plus de réflexion nécessaire.
Par conséquent, vu ce qu’il a fallu mettre en place (ça, plus le direct, dont on reparlera plus loin aussi), je n’en veux évidemment pas du tout à TF1 d’avoir cherché à le rentabiliser.
Bon, de là à mettre deux coupures pub au lieu d’une seule… après, je n’étais pas directeur du service financier de la chaîne à ce moment-là, donc je ne saurais dire si elles avaient mises en place pour faire rentrer l’émission dans leurs frais ou juste par pure gourmandise. Je pense quand même que c’était la première option, évidemment. En outre, j’imagine que ça pouvait permettre de gérer le direct un peu plus facilement, aussi.
Le déroulement des manches
Chaque manche va se dérouler en trois parties distinctes :
- un mini-jeu en duel entre les représentants de chaque équipe (voire les équipes entières), l’équipe qui le remporte joue le reste de la manche ;
- un quiz Vrai/Faux, disputé par l’un des membres de l’équipe victorieuse, dont le but sera de remporter le plus de temps possible pour réussir le mini-jeu suivant ;
- un mini-jeu avec l’un des membres de l’équipe, dont le but sera de révéler un chiffre du numéro à appeler en fin d’émission, et de gagner 6 000 F pour l’équipe. S’il n’est pas remporté, l’équipe ne gagne rien, et le chiffre n’est pas dévoilé.
Dans l’ensemble, j’aime bien cette structure. C’est relativement classique, mais ça reste efficace ; et j’ai toujours un petit faible pour les mécaniques filées, où le résultat d’une manche permet de paramétrer la suivante (même si là encore ça reste assez simple dans l’idée).
Pour le mini-jeu en duel, je ne vais pas détailler la liste des différents mini-jeux qui ont été imaginés à cet effet, car ce serait un peu long.
Mais toujours est-il qu’ils restent assez créatifs la plupart du temps, assez amusants à regarder (on sent la patte intervillesque de Guy Lux à ce niveau-là), et qu’ils n’hésitent pas à faire appel à du matériel un peu sophistiqué, ou même parfois à des membres du public. Certains peuvent avoir le défaut d’être un peu hasardeux, mais ça reste mineur.
En revanche, je vous avoue que j’ai quand même été assez surpris par le côté un peu négligé de la sécurité. En particulier pour le mini-jeu de la première manche, qui est toujours un jeu dit « explosif », impliquant un accessoire qui doit exploser. Par exemple, un jeu de hockey avec un palet explosif, où le but pour les candidats est de faire en sorte que le palet explose sur le terrain de son adversaire. Alors, oui, les candidats sont équipés (et encore, ils ont juste un casque et des protections auditives) ; en revanche, le public, le reste de l’équipe, et les Gafettes qui lancent le palet n’ont pas de protections. Et il est assez simple pour les candidats de faire sortir un palet de la zone de le jeu sans le faire exprès… personnellement, ça ne m’aurait pas beaucoup rassuré d’assister à une émission sur le plateau dans ces circonstances.
Pour le quiz Vrai/Faux, il n’y a pas de subtilité particulière, l’animateur donne sept affirmations, et le candidat doit dire si elles sont vraies ou fasses (duh !). Si le candidat a bon, il rajoute dix secondes au temps imparti par bonne réponse ; et peut donc ajouter jusqu’à 1’10 à l’épreuve suivante s’il fait un sans-faute.
Les seules petites particularités de cette manche, c’est que certains Vrai/Faux sont à thème (par exemple, sept questions concernant des définitions de mots commençant par « Aéro-« ), ce qui est plutôt cool quand ça arrive ; et que certaines questions n’ont pas grand-chose à envier à celles qu’on peut parfois entendre dans Attention à la marche, ce qui est moins cool. Oui, on reste dans un jeu qui se veut majoritairement humoristique, aussi on ne se privera pas de demander si le pénis de la baleine bleue peut s’orienter dans toutes les directions (et si par le plus grand des hasards, ça vous intéresse, c’est vrai), ou d’autres questions avec un humour un peu grivois ou pouet-pouet… ça ne représente heureusement pas la majorité des questions posées, mais quand même.
Pour le troisième mini-jeu, ça dépendra de la manche en question, chaque manche ayant son type de mini-jeu attitré.
Pour la première manche, il s’agit d’une anagramme de six lettres à reconstituer, avec les Gafettes qui portent chacune une lettre, que le candidat doit remettre dans le bon ordre. Si l’anagramme est bonne, les Gafettes se retournent, et laissent apparaître une opération mathématique, dont le résultat correspond au chiffre à trouver. Si l’opération est bonne, l’épreuve est gagnée.
Alors, sur le papier, je me suis dit que j’aimais bien l’idée. Parce que, bon, résoudre une simple anagramme, c’est très basique ; mais l’idée que ça permette de dévoiler une seconde phase d’épreuve (avec le calcul) était plutôt maligne. Ca aurait été une fusion du « Mot de passe » et du « Calcul à la suite » de Fort Boyard finement amenée.
Sauf que… en réalité, le candidat n’a besoin de résoudre que l’anagramme durant le chronomètre de la manche. Une fois le chrono terminé, les Gafettes exécutent une petite chorégraphie et se retournent, avec l’opération qui est ainsi dévoilée ; mais le candidat n’a pas besoin de la résoudre. L’animateur dit juste si c’était la bonne opération ou non, et dévoile le chiffre résultat si c’était bien le cas.
Par conséquent, ce mini-jeu, c’est juste un concept basique dont on a dopé la mise en scène avec les Gafettes pour le rendre plus « fun ». Dommage.
Pour la deuxième manche, il s’agit… d’un blind-test. Oui, je sais, ça s’appelle officiellement « La cage aux chansons » ; mais franchement, ce n’est que de la mise en scène un peu superflue, à l’instar de l’anagramme décrit plus haut.
Un candidat est enfermé dans une cage, avec cinq barreaux disposés à l’horizontale ; le but pour lui est d’en sortir, en identifiant les chansons jouées. S’il a le titre de la chanson, un barreau est enlevé ; s’il se trompe de titre, on lui retire 10 secondes au chronomètre ; et s’il ne souhaite pas tenter de réponse, l’extrait musical s’arrête au bout de 10 secondes, et on passe à un autre. Il dispose du temps gagné lors du Vrai/Faux précédent, plus 30 secondes offertes.
Bon, comme je le disais, à part la mise en scène plutôt dispensable (qui est là principalement pour coller à l’état d’esprit du jeu), ce n’est pas un jeu particulièrement original par rapport au reste. Mis à part l’impact du Vrai/Faux qui permet de moduler le temps de l’épreuve, le concept est très classique, puisqu’il s’agit juste de blind-test. Mais bon, ça colle bien à l’état d’esprit du jeu, donc pourquoi pas.
Pour la troisième manche, il s’agit d’un jeu animalier. Les épreuves sont assez diverses, mais impliquent toutes des animaux dressés, et un choix à faire de la part du candidat. Par exemple, le candidat doit choisir entre quatre hamsters dressés à faire la course, sachant que l’un d’eux cache la clé qui permet de dévoiler le numéro. L’animal fait alors son numéro, le candidat récupère la clé une fois le numéro effectué, et tente de déverrouiller l’objectif avec. Si ce n’était pas le bon animal, il peut alors en choisir un autre, puis encore un autre, le tout dans le temps imparti déterminé par le Vrai/Faux qui a précédé.
Et autant être franc : c’est de très loin le mini-jeu le plus inintéressant de tout ce que l’émission a à proposer.
Principalement car c’est celui où le candidat est le plus passif. En effet, la seule chose qu’il fait, c’est miser sur un animal ; mais c’est l’animal qui fait tout le travail. Pourquoi je devrais trouver ça intéressant ? Juste parce que le candidat a du flair en ayant bien choisi son animal au hasard ? C’est ultra décevant comme principe !
Et ça réduit un peu le Vrai/Faux qui précède à un simple paramétrage du nombre de chances que le candidat a de pouvoir faire le bon choix. Je crois bien d’ailleurs que s’il n’y avait pas eu ça, ce mini-jeu aurait été encore plus dénué d’intérêt, en se résumant à du pifomètre total qui aurait juste servi de prétexte à montrer un numéro animalier.
Parce que finalement, j’ai l’impression que c’était surtout pour ça que ce mini-jeu avait été mis en place : faire la démonstration d’un talent animalier. Oui, ça peut être divertissant de voir ces animaux dressés faire des choses ; mais je ne suis pas en train de regarder Le plus grand cabaret du monde ou La France a un incroyable talent, là… personnellement, je ne suis pas forcément contre l’utilisation d’animaux dans les jeux TV (du moment qu’ils sont évidemment bien traités) ; mais il faut que ça ait un intérêt en termes de jeu. Sinon, ça en devient juste un intermède type saynète ou happening.
L’ambiance et l’animation
Bon, ça, on va en parler assez rapidement, parce que vous connaissez mon refrain à ce niveau-là. Quoique, je serai peut-être plus nuancé par rapport à d’habitude.
Oui, vous le savez, je ne suis généralement pas fan de ce genre d’ambiance, dont je trouve l’humour souvent très touché-coulé, voire un peu daté par moments.
J’ai beau être nostalgique des années 90, je reconnais volontiers que tout n’était pas génial non plus ; et que même si le côté « Tout est permis » laisse une marque et permet des ambiances très fun, je suis quand même content qu’on ne parte plus trop en roue libre 30 ans plus tard, avec des blagues un peu sexistes ou grossophobes (j’insiste sur le « un peu »…) qui sortent spontanément, ou avec des figures féminines qui servent principalement à ambiancer.
Cela dit, je n’appellerais certainement pas à la censure pour ça, tout comme je n’irais clairement pas boycotter Pyramide pour les blagues jugées racistes que ça pouvait faire, ni Fort Boyard pour les épreuves préférées de ces messieurs (si vous voyez ce que je veux dire). Autre temps, autres moeurs, je suis content qu’on en ait pris conscience et qu’on ne cherche plus trop à tabler là-dessus aujourd’hui ; et pointer ces programmes-là pour ce genre de défauts, ce serait vraiment dommage, dans la mesure où ils ont nettement plus à offrir que ça ; et que même si on en retirait les côtés polémiques, ils resteraient tout aussi intéressants.
Après, je fais un mini-laïus là-dessus, mais honnêtement, c’était loin d’être la majorité de l’humour et de l’ambiance de LOALA. Tout ça reposait surtout sur Vincent Lagaf, dont l’humour et la façon d’ambiancer restent toujours un peu touché/coulé pour moi. Donc, oui, si on n’est pas très fan de son style d’animation habituel, on peut trouver le jeu assez ennuyeux à la longue, avec toutes ses interventions.
Cependant, je trouve que Vincent Lagaf reste quasiment parfait dans ce rôle-là, pour deux raisons principales.
La première étant qu’on est dans une émission en direct ; et qu’à ce titre, l’exercice d’animation s’en retrouve plus difficile, dans la mesure où il faut être capable de meubler, d’improviser, et de bien gérer le temps d’antenne (là où une émission enregistrée permet de couper tout ce qui ne va pas). Et à ce niveau-là, je trouve que Vincent Lagaf s’en sort vraiment très bien. J’ai beau ne pas toujours le trouver drôle ni parvenir à rentrer dans ses délires, je reconnais qu’il a quand même une très bonne répartie, qu’il sait très bien gérer le temps qui passe, et qu’on n’a quasiment aucun temps mort avec lui. Je pense clairement que très peu d’animateurs arriveraient à faire ce qu’il a réussi à faire, de surcroît en quotidienne.
La seconde étant que, vers la fin, il doit raconter une histoire drôle. Au départ, je me suis dit : « Bon, il y a encore du temps d’antenne à meubler, visiblement, et c’est tout ce que l’émission a trouvé pour le faire… » ; sauf que non. Cette histoire drôle a bel et bien un intérêt dans la mécanique globale du jeu, comme on va le voir tout de suite.
L’énigme et l’appel spectateur
Revenons au déroulement de la partie. Une fois les trois premières manches passées, on oublie les candidats, qui ne servent plus à rien à ce stade, et qui ont déjà gagné leur propre argent.
Si les trois premiers chiffres du numéro ont été dévoilés (ou non), il en manque cependant encore un pour que les téléspectateurs puissent appeler. Ce dernier chiffre va être obtenu via « l’énigme », qui va être une manche exclusivement destinée aux téléspectateurs.
Cette énigme va consister en une histoire drôle que va raconter Vincent Lagaf. Celle-ci va durer plus d’une minute ; mais va surtout comporter la réponse attendue. En effet, à la fin de l’histoire, l’animateur va indiquer à quel élément de son histoire correspond le chiffre manquant (par exemple, le nombre de personnages, une heure donnée, etc.).
Et je trouve ça particulièrement astucieux. Oui, cette histoire drôle n’est pas là juste pour amuser la galerie et meubler du temps d’antenne, mais a un réel intérêt, donc c’est très loin d’être de l’humour intrusif. Mais le plus brillant, c’est qu’elle nécessite également d’être très attentif, puisque la réponse va se trouver dans un détail de l’histoire, qu’il faudra donc retenir.
C’est, sincèrement, avec le Burger de la Mort de Burger Quiz, l’un des meilleurs exemples d’humour qui est mis à disposition d’une épreuve que j’aie pu voir dans un jeu TV.
A présent que les spectateurs ont tous les éléments en leur possession pour déterminer le numéro de téléphone à appeler (s’il manque des numéros non trouvés par les candidats, il est toujours possible de passer par le minitel), un chronomètre est lancé.
Si un téléspectateur a trouvé le bon numéro, et a réussi à appeler, il doit alors redire le numéro qu’il a composé (afin de s’assurer qu’il n’a pas validé un numéro au hasard, et qu’il a bien trouvé le dernier chiffre). Si c’est le bon numéro, il remporte 10 000 F.
Mais ce n’est pas encore fini : il peut tenter de remporter la cagnotte, en répondant à une ultime question. Question qui est tirée au sort parmi 6 couleurs différentes (le téléspectateur devra en choisir une), représentant chacune un thème.
La question est alors posée, le spectateur dispose de 10 secondes pour proposer une réponse (une seule), et si elle est correcte, il remporte la cagnotte en jeu.
Je n’ai pas grand-chose à rajouter. Il s’agit de la conclusion logique du programme, qui en constitue d’ailleurs l’apothéose, puisque le but est de donner envie aux spectateurs d’appeler ; et là, on a le suspense de savoir qui va décrocher le téléphone (et même de savoir si le téléphone va être décroché, mais sauf pépin technique – on y reviendra – il devrait tout de même y avoir suffisamment de gens pour appeler).
A partir de là, il n’y avait plus trop besoin de rajouter encore davantage d’enjeu ; aussi, le fait que ça se solde juste par une question, c’est plutôt satisfaisant. D’ailleurs, cette question peut être considérée comme du bonus, dans la mesure où le simple fait de décrocher le combiné permet de remporter 10 000 F.
Le direct, son charme et ses aléas…
Avant de conclure, parlons donc plus en détail de la gestion du direct.
On aura compris que l’intérêt du direct, c’était de pouvoir rendre le jeu interactif, de sorte que les téléspectateurs puissent appeler et tenter de gagner le gros lot ; et comme je le disais plus haut, en parlant de l’animation, c’est un aspect qui est très bien géré par l’émission. Le jeu reste rythmé, sans temps morts notables, on ne s’ennuie pas.
Cependant, vous imaginez bien que cette gestion du direct n’était pas sans couacs, et que tout ne s’est pas toujours passé comme prévu.
A ce niveau-là, on peut citer quelques coupures ça et là, comme une coupure d’électricité dans les studios qui a interrompu l’émission, ou une intervention impromptue du Président de la République ou toute autre actualité nécessitant un flash spécial. Bon, ça peut arriver à toutes les émissions (et c’est d’ailleurs très amusant quand TLMVPSP est interrompu en pleine diffusion de la chanson Je suis venu te dire que je m’en vais pour annoncer le décès de Jacques Chirac…) ; mais là, j’imagine que pour l’animateur, les candidats, le public, les intermittents etc. ça doit être très frustrant, car ça revient soit à devoir carrément annuler l’émission (et à renoncer à l’appel spectateur), soit à l’adapter en catastrophe si la coupure dure trop longtemps.
Mais les couacs les plus notables restent ceux venant de la gestion du réseau téléphonique.
Ils n’ont pas été très nombreux, et ont eu lieu à deux reprises début mai 1996, alors que la cagnotte en jeu était très élevée. Forcément, le jeu devenait victime de son succès, et la structure mise en place ne s’avérait finalement pas assez robuste pour pouvoir gérer autant d’appels.
Ce qui n’arrange forcément pas l’émission, dans la mesure où l’animateur doit alors expliquer en direct, à la toute fin, qu’il n’est pas possible de sélectionner un téléspectateur, faisant alors se terminer l’émission à l’arrache. On a ainsi eu droit à quelques reprises à une émission se terminant sous les huées du public… pas terrible et même plutôt malaisant pour un jeu qui se veut ambiancé.
Le programme a d’ailleurs dû s’”excuser » d’une certaine manière, le 13 mai 1996, en faisant intervenir un haut cadre de France Télécom en début d’émission, pour expliquer les raisons de la panne.
Ce qui aura eu une incidence sur la mécanique du jeu par la suite, puisque, une semaine plus tard, une nouvelle règle de sélection est introduite, afin de limiter le nombre d’appels. Qui fait d’ailleurs pas mal penser aux règles de circulation différenciée lors des pics de pollution.
Ainsi, après l’énigme, l’animateur lance un dé ; si le chiffre révélé est pair, seuls les spectateurs avec un numéro pair pourront appeler ; de même pour les chiffres impairs. En réalité, tout le monde peut continuer à appeler, mais les « fraudeurs » qui ne respectent pas la règle ne gagneront rien.
Bon, on sent que c’était une mesure d' »urgence », qui pouvait s’avérer assez frustrante, dans la mesure où les spectateurs qui étaient impliqués dans la mécanique depuis le début et étaient tout fiers d’avoir le numéro à composer en entier ont dû se sentir blousés d’apprendre à la toute fin que, finalement, leurs efforts n’auront servi à rien… surtout s’ils sont allés sur le minitel pour aller chercher des chiffres manquants.
Après, si c’était le prix à payer pour que l’émission puisse continuer et ne soit plus dépendante des couacs de ce genre, ça reste mieux que rien. On aurait juste pu minimiser ce désagrément en lançant le dé en début d’émission, et en rappelant régulièrement durant le programme que seuls les numéros pairs ou impairs peuvent appeler à la fin.
Mais bon, j’ai envie de dire : quel serait l’intérêt du direct si on n’avait jamais droit à ses aléas ? Après tout, c’est aussi ce qui en fait le charme.
Cela dit, même sans cet aspect-là, on a bien vu que la mécanique impliquait d’avoir un jeu en direct quoi qu’il arrive, pour pouvoir gérer les appels spectateurs.
Ce qui n’a cependant pas toujours été le cas : ainsi, il y a parfois eu quelques numéros de l’émission qui ont été simplement enregistrés, et pour lesquels ce n’était pas un téléspectateur qui répondait à la question finale, mais un membre du public. Et ça n’a pas vraiment le même charme, je trouve…
Total : 15/20
L’or à l’appel est une émission pour laquelle j’ai beaucoup de respect ; toutefois, c’est très majoritairement dû à ses ambitions et aux moyens qu’elle s’est donnée, plutôt que par rapport à son divertissement.
A nouveau, ce genre de divertissement à base d’épreuves loufoques et d’humour un peu beauf sur les bords n’est pas spécialement ma tasse de thé ; mais en dépit de quelques éléments so 90’s qui vieillissent assez mal, ça pouvait aller.
Mais à côté de ça, j’ai beaucoup de positif à souligner. Les épreuves sont un peu inégales, mais souvent très créatives et parfois très fun ; la structure des manches est plutôt bien pensée ; la gestion du direct est non seulement audacieuse pour un programme de ce genre, mais également très bien maîtrisée ; et puis, surtout, l’objectif du jeu est très original, en proposant une façon inédite de faire interagir le spectateur avec le programme, qui n’a à ma connaissance plus jamais été revue depuis. Tous ces éléments font que ce jeu mérite qu’on s’en souvienne.
Cela dit, je ne suis malheureusement pas étonné que sa durée de vie fût relativement courte, dans la mesure où le projet était particulièrement ambitieux, mais aussi sans doute un peu trop contraignant pour TF1 et ses intervenants. A ce titre, je comprends que le diffuseur ait préféré se rabattre sur un format qui soit plus facilement gérable, tout en préservant une partie de ce qui faisait le charme de LOALA : en fait, pas mal de choses, sauf la gestion du direct et l’interactivité avec le spectateur…
Bref, ce format, vous le connaissez, c’est Le Bigdil ; et même si je ne compte toujours pas le traiter, je reconnais qu’il en reste un successeur très digne.
On restera toutefois dans l’ambiance de la fin des glorieuses années 90 pour la prochaine fois, puisque France 2 aussi avait quelque chose de très fun à proposer en face…