A l’époque où je fréquentais assidûment certains forums, j’avais eu l’occasion de jouer à un jeu organisé par l’une de ses membres, Atomes crochus (je précise, c’est le nom du jeu, pas de la membre en question, qui se reconnaîtra certainement si d’aventure elle me lit). Un jeu qui est en fait une adaptation d’un jeu TV québécois du même nom créé en 2010, lui-même adaptation d’un jeu TV américain nommé Match Game qui fut créé en 1962 (ce n’était pas tout jeune comme concept, donc).
Mais ce jeu avait lui-même déjà connu une adaptation en France, en 1996 sur France 2, qui s’appelait Les bons génies, et que j’ai découverte un peu par hasard récemment. Vu que j’avais apprécié le jeu sur le forum, ça m’intéressait plutôt de découvrir ce que le PAF en avait fait. Je me suis donc lancé dans le visionnage, en disant que ça pouvait peut-être me plaire…
… et ça ne m’a pas bien plu. Je pourrais quasiment résumer en deux mots ce qui ne va pas dans cette émission : les people. A tel point que je me dis que je dois des mini-excuses à Tout le monde a son mot à dire, qui a un peu le même genre de problème, mais pas au point de ne pas me faire aimer ce jeu foncièrement.
Bon, après, si je me suis quand même décidé à parler de ce jeu en dépit de ses défauts (qui auraient été un peu répétitifs avec d’autres critiques, car ça n’aurait pas été la première fois que j’aurais fustigé une ambiance à base de people qui se la ramènent), c’est parce que j’avais quand même envie de souligner le positif qu’on pouvait tirer de ce genre de concept. Qui n’est donc pas exploité le mieux du monde ici (une fois n’est pas coutume, je pense que je vous partagerai ma vision idéale de celui-ci dans un « Je réécris les règles de… »), mais qui vaut quand même qu’on en parle un peu.
Le concept en question
Le concept pourrait se résumer par l’expression suivante : « Les grands esprits se rencontrent ».
En effet, le but des candidats sera de compléter des phrases ou des expressions données, avec les mots qui leur semblent les plus judicieux… mais qui semblent aussi les plus judicieux pour les « génies ».
Qui sont les « génies » ? Un groupe de 6 people (on y reviendra, mais vous sentez déjà venir mes reproches à ce sujet…) qui complètera de son côté les expressions données, pour ensuite les comparer à celle du candidat.
Je vous présente les… « génies ». Oui, ce terme mérite des guillemets.
La première partie du jeu (soit 90% de celui-ci) alterne entre deux principes.
Le premier est une phrase à compléter : l’animateur donne une phrase à laquelle il manque un mot ou un groupe de mots. Il laisse un délai de réflexion aux génies et au candidat qui doit répondre (c’est individuel, les deux candidats jouent chacun leur tour) ; puis à l’issue de celui-ci, le candidat dévoile sa réponse, suivi par les génies.
Chaque génie qui aura répondu la même chose que le candidat lui fera remporter 10 points.
Par exemple, supposons que la phrase à compléter soit : « Sylvain n’est pas toujours négatif dans ses critiques, parmi les positives, on retient surtout ______ ». (oui, un exemple un peu égocentrique, mais ça fait du bien de temps en temps)
Le candidat peut répondre par exemple : « 8 chances de tout gagner ».
Les 6 génies peuvent répondre de leur côté :
- Pyramide
- Des chiffres et des lettres
- 8 chances de tout gagner
- Tout le monde veut prendre sa place (… oui, ça peut arriver que les génies soient à côté de la plaque)
- 8 chances de tout gagner
- Pyramide
Comme il y a deux génies qui ont répondu la même chose que le candidat, celui-ci remporte 2 x 10 = 20 points.
Une phrase est posée pour chaque candidat, avant de passer au second principe.
… oui oui, je brûle d’envie de casser des briques sur le dos des people pour ce genre de réponse. Patience.
Le second principe présent est celui des expressions à compléter. Cette fois-ci, ce ne seront pas des phrases, mais des expressions ou des locutions ; en outre, il y aura le choix entre deux propositions à chaque fois.
Par exemple, l’expression à compléter peut être « Barbe… », avec les propositions « bleue » et « à papa ».
Chaque candidat (c’est encore en individuel) va choisir l’un des génies (sachant qu’il ne pourra pas choisir les génies qui auront déjà joué en individuel), qui aura 20 secondes pour compléter le plus d’expressions données possible. Pour chaque expression proposée, le candidat indiquera sur son pupitre la réponse qu’il aura choisie, puis le génie dira sa réponse (sans savoir celle du candidat). Si c’est la même, le candidat gagne 10 points.
La réponse donnée par le candidat sur son pupitre sera représentée par une flèche qui apparaîtra à l’écran. Plus qu’à espérer pour lui que le génie va répondre la même…
Le jeu va donc alterner entre les phrases à compléter et les expressions à compléter, trois fois, et meubler une petite trentaine de minutes avec ces deux principes. Il y aura une petite différence à la fin, où les points des expressions seront doublés.
Alors, ces principes ne sont pas mauvais en soi… mais le fait de les répéter trois fois de suite rend le jeu très monotone.
Ces concepts ne sont pourtant pas inintéressants, mais pas au point de meubler à eux seuls 90% du temps d’antenne. L’émission paraît très répétitive et peu variée, alors que la finale montre pourtant qu’il y avait moyen de diversifier un peu tout ça (d’ailleurs, cette finale est très sous-exploitée, j’y reviendrai).
En outre, le jeu souffre d’un certain problème de rythme. Si le second principe, avec son chronomètre et ses réponses données du tac au tac, s’en sort bien, c’est beaucoup moins le cas du premier, sur lequel on passe trop de temps. Je pense d’ailleurs que c’est le côté pataud de cette gestion qui renforce cette impression de monotonie et de répétitivité : avec des manches sur lesquelles on passe légèrement trop de temps et qu’on enchaîne avec un certain manque de fluidité, ça donne l’impression que le jeu s’éternise un peu.
Par ailleurs, l’habillage de l’émission fait également un peu vide. Ca manque d’indications visuelles à l’écran, ou de fonds musicaux, qui pourraient meubler un peu plus le visionnage. Même pour les années 90, ça reste très vide.
Mince, j’oserais même dire que je trouve le visionnage d’un numéro de Des chiffres et des lettres datant de la même année plus agrippant, au moins ça reste interactif tout du long, avec les tirages qui restent affichés à l’écran, et il y a des musiques d’attente…
Et puis cette gestion du rythme (vous le sentez venir hein ?), ce n’est évidemment pas aidé par la nature des « génies »…
J’en ai marre des people…
Bon, il fallait bien que j’en parle, hélas… les people rendent le jeu lourdingue. Enfin, ça dépend lesquels, certains étant plus bavards ou… originaux que d’autres, mais on sent que l’émission a tendance à les laisser faire volontiers. Et même si on n’atteint pas le stade des dernières années du Grand concours où leur comportement rend le jeu carrément imbuvable, la façon qu’ont certains de se mettre en avant est suffisamment gavante pour me gâcher le visionnage.
Parce que vous connaissez le refrain : comme ça ne sert à rien de faire venir des people s’ils ne se mettent pas en avant et ne font pas un peu le show, ils se sentent donc obligés de le faire. Mais sérieusement, c’est vraiment quelque chose qui m’énerve avec un bon paquet d’émissions, parce que pour moi, c’est du cache-misère.
Messieurs dames les producteurs, si vous estimez que votre concept n’est pas suffisamment intéressant en soi, retravaillez-le jusqu’à ce qu’il vous paraisse au point, plutôt que de tenter de le compenser par des interventions tierces potentiellement fatigantes pour le téléspectateur. Bon, j’admets, je parle surtout de moi là, car j’imagine que si c’est aussi répandu, c’est que ça doit plaire à un certain nombre de gens. Mais on peut quand même les faire intervenir de façon moins intrusive, pour ceux que ce genre de comportement lasse…
Le jeu ne va pas devenir subitement plus divertissant pour moi parce que Jean-Jacques Devaux va faire un château de cartes en sifflotant pendant que Patrice Laffont dit bonsoir aux téléspectateurs en début d’émission… au contraire, je vais surtout trouver ça particulièrement malpoli de sa part, et ça va m’agacer. Et je m’en moque que ce soit « scénarisé », je ne suis pas en train de regarder une sitcom ou un spectacle d’humoristes, mais un jeu qui a des enjeux, aussi peu importants soient-ils.
Mais là où ça devient encore plus problématique, c’est lorsque ces people sortent des réponses volontairement farfelues, qui n’ont pratiquement aucune chance de correspondre avec celles données par les candidats…
Alors, encore une fois, ça dépend de quels people on parle, certains ayant été un peu plus sérieux dans leurs styles de réponse que d’autres dans l’émission que j’ai pu regarder. Mais il ne fallait pas trop compter sur Jean-Jacques Devaux (encore lui…) pour espérer compléter les phrases avec les mêmes mots que les candidats…
Parce qu’en plus, il en profite pour faire sa promotion au détriment des candidats. Tuez-moi.
Bon, entendons-nous bien : oui, prises indépendamment, certaines réponses qui viennent compléter les phrases peuvent être amusantes, et elles m’auraient certainement fait sourire dans un autre contexte.
Mais là, il y a quand même un enjeu pour les candidats, et même s’ils sont là pour le plaisir, ce serait quand même bien de jouer un peu mieux le jeu, non ?
La finale
Après une structure de jeu très répétitive, la finale vient enfin proposer quelque chose d’un peu différent. Dommage qu’elle ne dure que 3 minutes, et qu’on n’exploite pas davantage les deux mécaniques qu’elle fait cohabiter… oui, deux mécaniques. En seulement 3 minutes. Alors qu’on a consacré plus de 25 minutes à des mécaniques plus répétitives. Vous le sentez, le gâchis de potentiel ?
Pour la première partie de cette finale : un prénom est donné au candidat, et il devra trouver la personnalité qui le porte la plus citée par un panel de 100 personnes. Oui, là, ça devient totalement un plagiat de Une famille en or… quoique, je ne sais pas si outre-Atlantique, Match Game faisait figurer ce principe dans son jeu avant que Family Feud n’arrive ; mais toutefois, ça n’est clairement pas sans rappeler Une famille en or, vu que c’est le même principe et que ça sort légèrement de nulle part par rapport au reste du jeu.
Enfin, « même principe », pas tout à fait, puisque les « génies » (il faut bien qu’ils servent à quelque chose, quand même…) vont donner des réponses de leur côté, et le candidat pourra en choisir une… ou y aller de son propre avis.
Bref, les « génies » n’ont a priori qu’un avis consultatif ici, ce qui est un peu dommage. Même si je reconnais que ça aurait posé sans doute plus de problèmes de faire choisir impérativement au candidat l’une de leurs propositions, si d’aventure aucune de celles-ci n’avait été citée en top réponse par le panel.
Même pas fichus d’écrire « Leymergie » correctement. Pour un animateur qui travaillait sur la même chaîne à l’époque, c’est un peu la honte…
(Bon, pour être honnête, le nom avait été écrit par l’une des « génies » qui ne connaissait pas son orthographe. Mais quand même, ils auraient pu en profiter pour la corriger…)
Pour la seconde partie : une roue est tournée (mais non, cette fois, ce ne sera pas pour plagier La roue de la fortune), afin de déterminer avec lequel des six génies le candidat va jouer.
A partir de là, le principe sera extrêmement simple : le candidat devra compléter une locution donnée avec le mot de son choix (à l’instar des expressions de la première partie du jeu, mais sans choix proposés), et espérer que le génie ait pensé à la même chose. Voilà.
Ce format de finale est particulièrement squelettique, à tel point qu’il fait très bâclé sur les bords… n’avoir qu’un seul nom à citer pour la première partie, puis un seul mot à dire pour la seconde, c’est hyper léger, en plus de peu ou mal jouer avec la diversité des génies présents.
En outre, je n’en ai pas parlé, mais ces deux parties de finale n’ont aucune influence l’une sur l’autre, elles permettent juste de remporter des cadeaux indépendamment.
Je ne comprends pas pourquoi ne pas avoir cherché à développer un peu plus les idées mises en œuvre pour cette finale. On aurait dit que la production ne savait pas trop comment conclure son émission d’une façon intéressante, et a bricolé un concept à la va-vite qu’elle a enrobé de décors et d’accessoires grandiloquents histoire d’y mettre un peu les formes (un peu comme Trouvez l’intrus, en fait).
Je ne sais pas à quel point c’est imputable au format originel (pour lequel ça ne m’étonnerait pas trop qu’il n’ait pas cherché à faire quelque chose de particulièrement recherché non plus, le jeu datant d’une époque où on ne cherchait pas forcément à faire des règles très élaborées), mais c’est une occasion manquée de ne pas avoir cherché à davantage aller plus loin.
Total : 7,5/20
Les bons génies est un jeu qui est malheureusement loin d’être génial pour moi. Si la base de concept est intéressante et plutôt fun, le fait de vouloir forcer encore davantage l’ambiance a paradoxalement tendance à plus me gonfler qu’autre chose.
Avec des interventions de people qui ont pour certains du mal à prendre le jeu au sérieux et qui ont tendance à alourdir le rythme de l’émission, déjà plombé par une mécanique un peu trop répétitive durant les 90% de celle-ci, je ne prends finalement que très peu de plaisir à suivre ce qui se passe, et quasiment tout au long de mon visionnage, je ne peux pas m’empêcher de trouver l’exécution du concept particulièrement mal gérée.
C’est dommage, car il y avait clairement quelque chose à tirer de ce format ; mais en l’état, je ne suis pas du tout surpris que ce jeu n’ait finalement pas fait long feu par chez nous, et qu’il soit tombé dans l’oubli.
Cette dernière phrase résume d’ailleurs un peu le jeu que je vais traiter la prochaine fois…