Le maillon faible ! Un jeu devenu très rapidement classique ; et ce, à juste titre, selon moi.
Il faut dire que ce jeu a su développer des éléments très iconiques et mémorables… du moins, en ce qui concerne la version de TF1.
Oui, autant le dire tout de suite : je ne vais parler ici que de la version originelle, présentée par Laurence Boccolini, et diffusée par TF1 de 2001 à 2007 ; et non de la version D8, présentée par Julien Courbet de 2014 à 2015. Tout simplement parce que… je ne l’ai pas vue (ou alors très furtivement, à l’occasion d’un bêtisier). En tout cas, sur le papier, elle me donnait beaucoup moins envie, et je n’ai pas spécialement envie de vérifier si mes craintes étaient justifiées…
Mais parlons donc plus en détail de la version culte.
Le concept
Laurence Boccolini vous répétera le principe à chaque émission… et d’ailleurs, je ne vais pas m’embêter, je vais me contenter de la citer :
« Derrière [elle], neuf candidats, ils ne sont pas de la même famille, ils ne sont pas amis, ils ne se connaissent même pas ; et pourtant, ils devront jouer en équipe.
Un seul d’entre eux pourra peut-être remporter la somme de [insérer ici la somme maximale théorique, en francs ou en euros, selon la période durant laquelle vous regardez]. Les autres repartiront sans rien, les mains vides. A chaque manche, l’un d’entre eux sera éliminé par les autres, parce qu’il aura été considéré comme étant le Maillon Faible. »
Bon, je vais détailler un peu quand même.
Chaque manche est composée d’une session de jeu chronométrée (qui sera de plus en plus courte au fur et à mesure de l’émission) durant laquelle les candidats devront répondre tour à tour à des questions posées ; puis d’une phase de vote, où les candidats devront voter pour le Maillon faible, à savoir le candidat qui sera le moins bon selon eux (enfin, en théorie… on y reviendra). Maillon faible qui sera alors éliminé à l’issue de la manche.
Durant la phase chronométrée, les candidats devront le plus possible faire des chaînes de bonnes réponses, afin d’encaisser davantage d’argent ; mais si un candidat donne une mauvaise réponse ou passe, la chaîne est rompue et l’argent est perdu. En revanche, si un candidat dit « Banque ! » avant qu’une question ne lui soit posée, l’argent est sauvé, et il peut redémarrer une nouvelle chaîne de questions.
Neuf bonnes réponses consécutives permettent de remporter le montant maximum mis en jeu pour la manche, et d’y mettre un terme. Idem si ce montant est atteint avec plusieurs « Banque ! ».
A la fin de cette session, l’animatrice fait un point sur la manche écoulée, et demande aux candidats de préparer leurs votes pour désigner le Maillon Faible. Pendant ce temps, on nous explique en voix-off quel est le Maillon faible théorique (celui qui a donné le plus de mauvaises réponses et fait perdre le plus d’argent), mais aussi le Maillon fort (celui qui, au contraire, a été le plus performant et a fait gagner le plus d’argent). Le Maillon faible théorique n’est donné qu’à titre indicatif, mais le Maillon fort aura pour rôle (si nécessaire) de départager les égalités potentielles lors de la phase de vote.
Le candidat suivant peut banquer et rajouter 200 euros dans la cagnotte, ou tenter de répondre à la question suivante… mais s’il se trompe, il fera retomber le compteur à zéro.
La mécanique de ce jeu est très bien trouvée, dans la mesure où elle propose à la fois un côté collaboratif et un côté stratégique, avec un principe basé sur la confiance : est-ce qu’on peut faire confiance au candidat suivant pour espérer faire une chaîne de bonnes réponses et faire monter la cagnotte plus efficacement, ou bien préfèrera-t-on assurer un minimum en « banquant » ? Ce mini-dilemme de chaque instant est plutôt prenant, et rend d’autant plus méritoires les (plutôt rares !) fois où les candidats parviennent à atteindre le montant maximal possible pour une manche.
Toutefois, si je devais émettre un léger reproche à cette mécanique globale, ce serait le fait qu’elle reste assez répétitive, puisqu’on a une succession de huit manches basées sur ce même principe, dont la seule différence (sauf pour la dernière) est le chronomètre revu à la baisse de 10 secondes à chaque nouvelle manche.
Bon, la baisse du chronomètre est logique, puisque les candidats doivent (théoriquement…) éliminer les plus mauvais éléments à chaque manche et se faire davantage confiance au fil du jeu, d’où l’idée d’augmenter progressivement la difficulté d’avoir des gros gains en diminuant le temps alloué aux salves de questions.
C’est juste que… on aurait peut-être pu pimenter un petit peu plus tout ça. Seule la huitième manche se démarque un peu en proposant un montant en banque triplé et en ne débouchant pas sur un vote (puisqu’elle se joue à deux candidats), mais les six autres ont un scénario quasi-identique. On aurait pu imaginer d’autres variations, comme le fait de modifier l’ordre de passage le temps d’une manche, modifier les échelles des gains, n’imposer qu’un nombre maximal de « Banque »…
Bref, autant la mécanique de jeu tient très bien la route et sa répétition n’est pas trop gênante, autant on aurait pu jouer davantage dessus pour se renouveler un peu.
Avant chaque manche, le montant de la cagnotte est rappelé. Pas bien fameux, les gains accumulés après la première manche…
Un autre reproche que je pourrais faire est le déséquilibre qu’on peut avoir au niveau des questions. Dans leur globalité, elles restent relativement accessibles (on n’a généralement pas de questions qui auraient valu 3 points au 9 points gagnants de Questions pour un champion, par exemple), mais certains candidats peuvent avoir des questions plus faciles que d’autres…
L’ambiance !
Outre la mécanique de collaboration entre candidats, l’un des maillons forts de ce jeu, c’est son ambiance froide.
La disposition du plateau de jeu est juste idéale.
Pas de public, uniquement l’animatrice face aux candidats disposés en arc de cercle, un peu comme une Assemblée solennelle, pour renforcer le côté glacial et oppressant du jeu. Côté glacial également renforcé par les jeux de lumière, l’absence totale de décor autour du plateau de jeu, qui donne l’impression d’être le seul ilot de lumière (lumière froide, par ailleurs) au milieu des ténèbres.
Visuellement, il y a également un bon travail de réalisation dans la façon de « scruter » les candidats, aussi bien lors de leurs phases de vote que de leur présentation. La caméra panote, s’attardant quelques secondes sur chaque candidat mis en lumière, et faisant des mouvements rapides pour passer de l’un à l’autre.
Au passage, un point bonus pour la présentation des candidats, qui s’en retrouve très rapide, nette et concise, en allant droit à l’essentiel (prénom, âge, métier, localisation géographique). Si seulement Tout le monde veut prendre sa place et sa première manche avec les présentations à rallonge avait pu s’en inspirer…
Et musicalement parlant, c’est également un régal.
En général, les jeux dont l’ambiance se veut plutôt pesante ont un point commun : leur bande-son déchire. Car ils sont conscients que c’est un élément contributeur à l’atmosphère que le jeu veut renvoyer, et n’hésitent pas à faire de bonnes musiques d’accompagnement pour accentuer cet aspect-là. Je pense que ce n’est d’ailleurs pas un hasard si dans mon top 10 personnel des meilleurs BO de jeux TV (enfin, si je me décidais à en faire un, un jour peut-être), une bonne part des jeux qui y figureraient seraient des jeux à ambiance plutôt pesante. Et Le Maillon Faible en ferait très certainement partie.
Les phases chronométrées sont accompagnées d’une musique assez discrète au premier abord (passé le jingle de démarrage), mais qui s’intensifie au fur et à mesure, jusqu’à arriver aux dernières secondes où elle se fait la plus présente possible pour accentuer la fin du chronomètre. Et la musique d' »attente » qui vient après parvient elle aussi à rester à la fois discrète et présente, en ajoutant un petit côté interrogatif qui prévient que le vote va arriver.
Très oppressant, comme disposition. J’aime ça.
Et enfin, bien sûr, comment parler de l’ambiance de ce jeu sans mentionner son animatrice ?
Laurence Boccolini a excellé dans ce rôle. A tel point d’ailleurs que c’est une image qui a dû quelque peu lui coller à la peau par la suite, et que pas mal de gens ont dû avoir encore en tête à son sujet.
Très bon sens de la répartie, des formulations de répliques très recherchées, un sérieux gardé à tout moment, un ton haussé quand il le faut, un couteau remué dans la plaie pour rappeler que si les candidats avaient été plus performants ils auraient pu gagner un montant théorique plus élevé… on pouvait difficilement imaginer mieux.
Néanmoins, je reconnais que j’étais un peu gêné quand je regardais ce jeu plus jeune, car je trouvais le ton cassant peut-être un peu trop poussé par moments. Au point même où je me demandais quelle mouche avait pu piquer les candidats pour qu’ils acceptent de participer à un jeu où ils se font humilier de la sorte…
Après… c’était une époque où je saisissais un peu moins le second degré, donc c’était sans doute pour ça que je le prenais un peu trop à cœur. D’ailleurs, l’émission qui se conclut par une Laurence Boccolini souriante, avec un ton soudainement plus détendu dans les dernières secondes et un clin d’œil qui précède le générique le fin… tout cela montrait bien que sa froideur n’était qu’un rôle qu’elle jouait, et que l’émission n’était pas non plus à prendre au premier degré. La production était consciente que tout ça ne restait qu’un jeu, et ne comptait pas faire du drama façon Koh-Lanta.
Une façon rapide de nous faire comprendre que tout ce qu’on vient de voir était à prendre au second degré.
Et en parlant de Koh-Lanta, d’ailleurs…
Le système d’élimination entre candidats… mouais.
Evidemment, le système d’élimination entre candidats fait partie intégrante de la mécanique du jeu, et fait partie des éléments qui ont marqué le public, notamment la réplique devenue célèbre « Vous êtes le maillon faible, au revoir ».
Et… je vous avoue que c’est pour moi le point du jeu qui me gêne le plus. Un peu pour les mêmes raisons que dans Koh-Lanta… et puisque j’en parlais un peu plus tôt, je vais me permettre de parler de ce jeu-là un peu plus en détail pour illustrer mon propos.
Dans Koh-Lanta, le fait de laisser le choix du candidat à éliminer à l’ensemble des candidats présents est clairement l’une des principales raisons qui m’ont fait arrêter de regarder ce programme.
Si j’aimais bien le regarder à une époque, c’était principalement pour son côté « aventure », avec les épreuves et la survie ; mais les éliminations me laissaient de marbre. Néanmoins, comme j’avais découvert ce programme à une période où le jeu était davantage focalisé sur le côté « aventure » et moins sur le côté « stratégie » (les saisons 6 à 8 et la première All-stars), ça ne me gênait pas trop. C’est en revanche à partir de la saison 9, et ses éliminations plus stratégiques, que je me suis rendu compte que ce système m’insupportait (et certains twists rajoutés par la production n’arrangeaient rien…), et que j’ai même décidé d’arrêter le visionnage en cours de route, pour finalement me désintéresser quasi-totalement de Koh-Lanta par la suite.
Après, c’est difficile de considérer ça comme un véritable défaut, puisque ça reste quand même une règle comme une autre, et que dans le cas de Koh-Lanta on prévoit un système d’immunité pour se prémunir contre une élimination potentielle (ce que Le Maillon Faible n’a pas, d’ailleurs…) ; mais c’est moralement que cet aspect-là me dérange, et m’a de plus en plus dérangé au fil du temps.
Puisque l’élimination au Conseil devenait surtout soit un prétexte soit pour éliminer les membres restants de la tribu en minorité, soit pour faire preuve de stratégie au détriment du mérite. Certains diront que cet aspect stratégique a toujours fait partie de Koh-Lanta, et que ce jeu n’a jamais été basé uniquement sur le mérite et les performances… et je respecte totalement leur point de vue.
Et par conséquent, je comprends que je ne fais clairement pas partie du public cible de ce jeu… donc, je ne peux certes pas dire que ce système de jeu est mauvais ; en revanche, ça ne m’empêchera pas de penser qu’il reste très discutable en matière de morale sous-jacente.
Au moins, Le Maillon Faible n’a pas un cérémonial aussi poussé, et peut être pris un peu plus au second degré sur ce point-là.
Bon, arrêtons-là la digression sur Koh-Lanta (ça m’a quand même fait du bien de parler de l’un des aspects qui m’a toujours dérangé dans ce jeu…) et revenons au Maillon Faible.
Cela dit, je ne vais pas avoir grand-chose à développer de plus puisque le problème reste le même pour moi : dans un monde idéal, si le système de vote servait à éliminer le réel maillon faible, ça ne me ferait pas tiquer.
Mais forcément, en laissant le vote aux candidats, ça laisse la porte ouverte à des stratégies comme celle d’éliminer le candidat le plus dangereux à un certain moment du jeu… encore une fois, ça se tient stratégiquement parlant ; mais moralement parlant, c’est dérangeant.
Et ne parlons pas de certains arguments bidon avancés par les candidats du genre « Ben maintenant untel est plus éloigné sur le plateau de jeu, et je veux vous éviter un torticolis » ou « Je vote machin pour qu’on puisse rester entre filles »… quand ce n’est pas juste pour éliminer quelqu’un gratuitement.
De toute façon, à quelques rares exceptions près, c’est toujours un problème que j’ai avec les jeux où on laisse les candidats se départager entre eux, puisque rien ne les empêche de recourir à des raisons fallacieuses. Ca me rappelle d’ailleurs Tout le monde veut prendre sa place, où Nagui ironisait sur le fait que les femmes étaient plus souvent repêchées par les champions, car si le champion était un homme, il allait se montrer galant, et si c’était une championne, elle allait faire jouer la solidarité féminine (oui, j’avais envie de tacler TLMVPSP une seconde fois, ça vous dérange ?).
En fait, j’aurais peut-être un peu plus minoré cet aspect si le jeu avait prévu un système d' »immunité », qu’on aurait tout à fait pu mettre en place en désignant le Maillon Fort juste avant les votes, et en précisant qu’il est impossible de voter contre lui.
Certes, j’apprécie le fait que le Maillon Fort serve tout de même à quelque chose en départageant les égalités (ce qui lui permet même parfois de sauver sa peau quand il est pris dans l’égalité), mais on aurait pu aller un peu plus loin que ça.
Les votes sont ouverts.
Bon, après, même si la mécanique du jeu incite quelque peu à faire dégager les maillons forts pour que les moins bons aient une chance de gagner, le fait de garder des maillons forts a quand même un peu son importance… tout simplement pour que la cagnotte ne stagne pas à un niveau trop bas. C’est d’ailleurs un peu l’idée de la dernière manche avant la finale, sans élimination derrière, où les gains comptent triple : si les candidats restants ont un niveau trop faible, c’est une occasion davantage manquée de faire grossir la cagnotte.
Mais ça reste malheureusement un peu trop léger pour rééquilibrer le système de vote. En fin de compte, ce seront surtout les motivations personnelles des candidats qui vont primer…
Un candidat a été désigné, il est le maillon faible, au revoir.
La finale
Une fois toutes les manches « classiques » passées, il va être temps pour les deux candidats restants de se départager.
Evidemment, comme ça n’a plus d’intérêt de voter pour éliminer quelqu’un à ce stade, la mécanique du jeu va redevenir plus classique. En fait, les producteurs ont dû regarder un match de football, puisque la mécanique pour départager les candidats est exactement celle employée pour départager deux équipes à égalité, avec une séquence de tirs au but et une séquence de mort subite si ça ne suffit pas.
En effet, les deux candidats restants devront répondre, chacun leur tour, à cinq questions ; et celui qui remportera le plus de points remportera également la partie ainsi que la cagnotte accumulée. En cas d’égalité, l’animatrice continue de poser des questions, jusqu’à ce qu’un candidat se trompe.
Cette manche est un peu moins intéressante et dénote légèrement avec tout ce qu’on a vu jusqu’ici ; toutefois, elle reste traitée avec le même souci de solennité que le reste, et conclut le jeu d’une façon très satisfaisante.
J’apprécie d’ailleurs beaucoup le fait que cette finale prenne un peu le contrepied des manches précédentes, en laissant cette fois-ci aux candidats un temps de réflexion illimité pour répondre, afin d’appuyer l’importance de l’enjeu. La musique aussi est plus posée (et toujours aussi poignante) pour souligner ce ralentissement de rythme.
C’est plutôt bien parti pour Rémi.
Total : 14/20
Le Maillon Faible est un jeu que j’aime beaucoup, mais qui me laisse légèrement mitigé sur les bords.
D’une part, j’adore ses points positifs : sa formule rôdée, l’idée de faire des chaînes de réponses et de banquer à tout moment pour assurer les gains, et surtout son ambiance froide, avec un plateau ténébreux et une bande son excellente qui lui confèrent un caractère très spécial, appuyée par une animatrice cinglante avec une excellente répartie.
Mais d’autre part, je reste vraiment gêné par la façon d’éliminer les candidats, qui est un peu la porte ouverte à tous les excès, et qui renvoie une morale sous-jacente particulièrement discutable. Certes, « ce n’est qu’un jeu » ; mais dès qu’on introduit des enjeux monétaires, ça devient un peu plus que ça… ce qui me laisse toujours un arrière-goût un peu amer au visionnage.
Néanmoins, en dépit de ce problème que j’ai personnellement avec ce jeu, celui-ci arrive à contrebalancer cet aspect-là avec ce qu’il réussit le mieux, et constitue un jeu au final bien plus que « correct », pour paraphraser Laurence Boccolini.
Et c’est d’ailleurs par rapport aux accomplissements de la version TF1 que j’ai préféré rester sur cette image-là du jeu, et ne pas m’intéresser à la version D8.
Bien que je ne l’aie pas vue, j’ai le sentiment que j’aurais été bien moins positif à son sujet d’après les échos que j’en ai eus, notamment à cause de la « désacralisation » de l’ambiance de base pour faire quelque chose de plus léger.
Et quand j’ai vu ce que ça a donné pour Qui veut gagner des millions ? et Le grand concours durant les années 2010-début 2020, je n’ai pas eu envie de prendre le risque de voir la même chose arriver au Maillon Faible…
La prochaine fois, on verra un jeu tout aussi culte, mais beaucoup plus feel good…