Depuis quelques années, les synergies radio/TV sont devenues très tendance. Ce phénomène est notamment dû à la concentration des médias au sein de certains groupes, si bien qu’une grande partie des canaux de diffusion TV ou radio appartiennent à des groupes ou actionnaires type Altice (BFM, RMC, BFMTV, RMC Story, RMC Découverte…), Bolloré (Canal, C8, CStar, CNews, Europe 1…), Bertelsmann (M6, W9, 6ter, RTL, Fun Radio…), NRJ Group (NRJ12, Chérie 25, NRJ, Chérie FM, Nostalgie…), etc.
Ce qui n’est franchement pas une bonne nouvelle pour la diversité télévisuelle et audiovisuelle, pour plusieurs raisons. D’une part, les principaux médias se retrouvent détenus par une poignée d’actionnaires, qui influeront beaucoup sur leurs lignes éditoriales. On se souvient des remous provoqués par la mainmise de Bolloré sur le groupe Canal, et l’impact très négatif (pour ne pas dire catastrophique) en termes d’image et de liberté d’expression que ça a pu avoir sur leurs différentes chaînes (et au-delà, les médias papier comme le JDD étant également concernés). D’autre part, pour réaliser des économies, les différents canaux au sein d’un même groupe adorent se passer leurs différents programmes entre eux. Certains en font même leur spécialité, comme le groupe M6 qui squatte la TNT gratuite avec quatre canaux, mais pour lequel seuls deux (trois, pour être gentil…) suffiraient, certains n’étant que des robinets à rediffusions de programmes ayant fait les heures de gloire de la chaîne mère (coucou 6ter, qui en plus de ça se permet d’avoir des publicités très mal placées).
Cela étant, une conséquence un peu plus « positive » de ces effets de regroupement, ce sont les synergies entre les stations de radio et les chaînes TV au sein d’un même groupe. Ainsi, de plus en plus de chaînes meublent leur antenne avec… de la radio filmée, diffusée en simultané sur une station de radio du même groupe. Bon, quand je dis que c’est « positif », c’est surtout parce que ça reste mieux et demande plus d’efforts qu’une série programmée par paquets de 4 ou 5 épisodes et rediffusée pour la millionième fois (c’est si facile comme métier, directeur des programmes d’une chaîne TNT…) ; parce que dans l’absolu, ça fait quand même une même émission partagée par deux canaux différents (c’est juste que l’un s’écoute uniquement, et que l’autre se regarde en plus).
Le cas du service public est légèrement à part, dans la mesure où l’actionnaire de Radio France et de France Télévisions est l’État Français ; mais on y retrouve également ce genre de synergies depuis quelques années, notamment via la chaîne franceinfo: qui est le prolongement télévisuel de la station France Info, ou encore les programmations régionales de France 3 et France Bleu qui ont incité les chaînes à se rapprocher (et à adopter une identité commune plagiée sur ce qu’avait tenté Radio Canada 10 ans plus tôt… et qui avait fait un tollé les faisant rétropédaler. Des génies, le marketing.).
Et l’un des derniers exemples en date concerne l’un des plus anciens jeux radiophoniques : Le jeu des 1000 euros, diffusé sur France Inter depuis 1958. Bon, naturellement, il ne s’appelait pas comme ça à sa création, puisque c’étaient des francs à l’époque ; mais son concept, lui, n’a pas grandement évolué depuis ses débuts.
Ce qui fait que, quand on nous en a annoncé une adaptation télévisuelle hebdomadaire sur France 3 pour la rentrée 2023… j’étais moyennement emballé par l’idée, en raison du simplisme des jeux radiophoniques de façon générale (j’y reviendrai). Mais bon, d’un autre côté, vu la grande frilosité de la part de France TV de proposer de nouveaux formats de jeux TV de day-time depuis quelques années, ainsi que leur diversité se réduisant à peau de chagrin, il faut faire avec ce qu’on a… et puis bon, pour une fois que son animation n’a pas automatiquement été attribuée à Cyril Féraud, c’est devenu suffisamment rare pour le souligner…
Le « problème » des jeux radiophoniques
Mais avant de commencer par parler du Jeu des 1000 euros, parlons d’abord des jeux diffusés à la radio de façon générale.
Je précise toutefois que, même s’il m’arrive d’écouter fréquemment la radio, n’étant pas très fan du blabla, j’écoute surtout des radios musicales (en particulier Fip, qui est une vraie pépite et de loin ma radio préférée) ; donc, n’écoutant pas trop les radios plus généralistes, je suis loin d’être calé à ce sujet.
A ce niveau-là, disons-le franchement : il y a beaucoup moins de diversité parmi les jeux radiophoniques que parmi les jeux TV. Entre les jeux-concours, et les jeux davantage axés divertissement, il n’y a pas tant de jeux comme ceux que j’ai l’habitude de traiter qui passent sur les ondes.
L’explication la plus évidente étant le fait que la radio… ne peut que s’écouter. Donc, avec un support qui limite déjà les possibilités de par sa nature, c’est plus difficile de tenter certaines choses. Imaginez par exemple le premier jeu TV qui vous passe par la tête, et demandez-vous s’il pourrait être diffusable à la radio moyennant quelques adaptations… ça pourrait peut-être marcher pour certaines émissions comme QVGDM ; mais pour un Qui est qui ?, un Slam ou un 5 anneaux d’or, ce n’est même pas la peine d’essayer.
Et puis, de façon générale, le support visuel aide davantage à suivre ce qui se passe ; donc, même pour des concepts qui pourraient être adaptés dans l’absolu, ils deviendraient plus difficiles à suivre uniquement avec un support auditif. Ca reste quand même plus pratique d’avoir sous les yeux les tirages de Des chiffres et des lettres pour pouvoir réfléchir dessus, que de devoir les mémoriser pendant 30 à 40 secondes…
D’où le fait que la plupart des concepts de jeux radiophoniques restent volontairement assez simplistes, pour qu’on puisse les suivre plus facilement.
Néanmoins, les radios généralistes n’étant pas avares d’émissions en direct (contrairement à la télévision), celles-ci jouent assez souvent sur l’interactivité avec le spectateur, ce qui peut donner une impression un peu plus intimiste ; là où un jeu TV est plus souvent mis en boîte et diffusé comme on aurait réchauffé un plat surgelé au micro-ondes, nonobstant quelques rares exceptions comme L’or à l’appel ou… A prendre ou à laisser version Hanouna (bon, en revanche, ça ne rend pas automatiquement le direct pertinent, comme le montre ce dernier exemple). Même si, pour la plupart, on se rapproche quand même pas mal des jeux-concours, où on tente notre chance via un numéro payant en espérant pouvoir être sélectionné… mais bon.
Le jeu des 1000 euros, cependant, n’est pas un jeu en direct, les émissions étant enregistrées quelques jours avant. Mais on ressent tout de même ce côté un peu intimiste commun à d’autres émissions radio.
La version radio
Dans cette version radio, un binôme joue par émission.
Six questions leur sont posées : trois questions faciles (désignées par la couleur bleue), deux questions moyennes (désignées par la couleur blanche) et une question difficile (en rouge). Petite particularité : toutes les questions sont envoyées par les auditeurs, et centralisées par la production, qui les classe selon leur difficulté estimée.
Pour chaque question, les candidats peuvent proposer plusieurs réponses dans le délai de trente secondes. Les questions auxquelles ils n’ont pas donné de réponse correcte leur sont reposées par la suite ; mais ils n’ont plus droit qu’à une réponse par question, dans le délai de quinze secondes.
Les questions bleues valent 15 €, les questions blanches 30 €, et les rouges 45 €. Si les candidats y répondent correctement, ils empochent l’argent ; sinon, ce sont les auditeurs qui remportent l’argent correspondant.
Si les candidats ont répondu à 4 questions ou moins, ils repartent avec les gains qu’ils ont accumulés. S’ils ont fait un sans faute, ils passent à la phase suivante.
S’ils ont donné 5 bonnes réponses, ils doivent tenter une question de rattrapage (la seule qui ne sera pas proposée par un auditeur) à 3 propositions de réponse. Si la réponse est correcte, ils passent à la phase suivante.
La phase suivante est celle du Banco, consistant en une question difficile, que les candidats peuvent accepter de tenter ou non. S’ils ne la tentent pas, ils repartent avec leurs gains accumulés.
Si elle est tentée, la question est posée, et les candidats ont une minute pour donner une seule et unique réponse cette fois-ci.
Si elle est erronée, ils perdent leur argent et repartent avec un lot de consolation (et l’auditeur qui a soumis la question gagne 45 €).
Si la réponse est correcte, ils gagnent 500 €, qu’ils peuvent décider de remettre en jeu pour répondre à la question Super Banco (s’ils ne le font pas, ils repartent avec 500 €).
La question Super Banco suit les mêmes modalités que la question Banco ; mais si elle est répondue correctement, les candidats repartent cette fois-ci avec les fameux 1 000 € du titre.
Bon, comme vous pouvez le constater, c’est un principe qui ne va pas très loin.
Je pense qu’entre l’époque de la création du concept (où on ne faisait généralement rien de très élaboré), et les limitations inhérentes au format radiophonique, on pouvait de toute façon difficilement faire mieux qu’un jeu de culture générale un peu lambda.
Néanmoins, j’ai beau trouver ce principe très simpliste, ça ne le rend pas pour autant mauvais. Car même si c’est le plus souvent la mécanique d’un jeu qui en conditionne mon intérêt, il ne faut pas non plus en oublier tout le reste.
Déjà, au niveau des questions posées, c’est plutôt appréciable de laisser les spectateurs envoyer leurs questions pour donner un côté plus interactif. Et contrairement à Nous sommes tous des spécialistes, les spectateurs peuvent remporter quelque chose.
En outre, le niveau global des questions reste tout de même assez élevé, on sent qu’on est sur une radio un minimum exigeante en termes de qualité.
Par ailleurs, l’émission organise régulièrement des « spéciales jeunes », ce qui permet d’élargir un peu l’audience de temps en temps.
Et enfin, l’émission se déplace également à travers la France chaque semaine. Bon, malheureusement, ça ne se ressent pas particulièrement avec le support radiophonique, puisqu’hormis le mot de l’animateur à ce sujet en début d’émission, il n’y a pas grand-chose qui permette de le ressentir auditivement parlant (pour le coup, le fait d’avoir du visuel dans Les jeux de 20 heures aidait davantage à l’appuyer). Mais ce nomadisme reste toujours appréciable, pour donner un sentiment de proximité accru.
Bref, même si ce jeu reste simple dans son essence, j’ai tout de même un certain respect pour celui-ci.
D’une part, je comprends tout à fait que les contraintes du format radiophonique ne permettent pas de faire quelque chose d’extrêmement poussé ; et d’autre part, l’émission fait tout de même des efforts notables pour se démarquer et se donner une certaine identité. Ce qui en fait une bonne quinzaine de minutes de divertissement tout à fait acceptable.
Cela étant, si ce format convient très bien pour une émission radiophonique, il va forcément nécessiter certaines adaptations pour le passage à la télévision.
La version télévisuelle
Parlons donc (enfin !) de cette adaptation en jeu TV, puisque ça reste le sujet du blog tout de même, et la principale raison qui m’a poussé à traiter ce jeu. Cependant, je ne pouvais pas faire l’impasse sur la version radio, puisque c’est elle qui a motivé cette version de 2023 ; et qu’elle explique en partie pourquoi ce portage télévisuel est aussi mauvais.
Mais, vraiment : mauvais. Pas juste plat et sans intérêt, comme je m’y attendais au premier abord. Il y a vraiment des choses à son sujet qui m’énervent sincèrement.
En fait, à partir de là, j’ai envie de dire que la critique du jeu, je l’ai déjà plus ou moins faite : c’est celle de Trouvez l’intrus. Car c’est exactement le même genre de jeu, au final : un jeu non seulement inintéressant à un point où il en devient carrément insultant, mais qui n’est même pas fichu d’exploiter correctement un principe de base aussi simple. Il faut croire que ça manquait à France 3 d’avoir ce genre de jeu pour meubler ses fins de samedis après-midis…
Et ce n’était pas mon intention de tirer sur l’ambulance ; mais ce jeu m’a forcé la main…
Une mécanique plate…
Le jeu commence avec une manche de sélection durant laquelle dix binômes sont confrontés. A la fin, il n’en restera qu’un, insérez le générique de Koh-Lanta, etc.
Cette mécanique de sélection va se faire sur un modèle à la… Que le meilleur gagne. Autrement dit, on va poser une série de questions, et dès qu’un binôme répond faux, il est éliminé (du moins pour cette émission, les binômes perdants revenant la semaine prochaine). Quel concept inédit…
Bon, on a quand même une petite originalité que j’apprécie : si tous les binômes ont correctement répondu à une question, on élimine le binôme qui a mis le plus de temps à valider sa réponse. Un twist que je trouve plutôt appréciable dans l’idée, et qui aurait très bien trouvé sa place dans un jeu à la QLMG en comité restreint.
Toutefois, l’intérêt de cette règle est quand même pas mal diminué par le fait qu’on ne posera que 5 questions au maximum durant cette manche, en faisant tout se jouer à la rapidité sur la dernière question. Dans ces circonstances, je ne vois donc pas du tout pourquoi avoir mis des éliminations systématiques à chaque question, si c’est pour bâcler la manche sur la fin comme le font la plupart des QLMG-like…
Pour la deuxième manche, le binôme qui a remporté la manche 1 va affronter le binôme champion. Oui, parce que c’est un énième jeu à champion qui débarque comme une fleur pendant la partie, je me plaindrai à ce sujet plus loin.
Bref, les binômes devront répondre tour à tour à 5 questions, avec à chaque fois deux questions faciles à 100 points, deux moyennes à 200 points, et une difficile à 400 points. A nouveau, c’est un concept qui passe, mais qui reste très bateau.
Soulignons toutefois que là encore, on a une petite originalité, dans la mesure où les binômes peuvent proposer trois réponses différentes durant le temps imparti. C’est mieux que rien, on va dire. C’est toutefois un peu bizarre de ne pas avoir fait comme la version radio, en autorisant autant de réponses que possible durant le temps imparti, tant qu’à faire.
Un petit détail qui a tendance à légèrement m’agacer à ce sujet, cependant, c’est quand les animateurs cherchent à faire un petit suspense « bon ou pas ? » quand les candidats donnent la bonne réponse. Étant donné qu’on est dans un cadre chronométré, évidemment que la réponse est correcte ; autrement, ça ferait juste perdre du temps bêtement aux candidats pour qu’ils puissent donner une autre réponse.
Le binôme qui a le plus de points part en finale et devient champion. Et en cas d’égalité ? … on en reparlera plus loin.
Pour la finale, une question va être posée au binôme champion (la question Banco), et il aura une minute pour y répondre (cette fois-ci, une seule proposition sera acceptée).
Pendant ce temps, on dévoile trois indices pour les spectateurs (comme le fameux « Un indice chez vous » de Questions pour un champion… mais là il y en a trois, donc trois fois plus de plaisir !) ; et les candidats auront droit à un indice, qui sera dévoilé durant le temps de réflexion (mais qui n’influera pas sur le gain final).
Si le binôme n’a pas la réponse, l’émission s’arrête ; sinon, il a le choix entre gagner 500 €, ou tenter la question Super Banco (posée sur le même modèle) qui rapportera 1000 € en cas de victoire, et des prunes en cas de défaite.
Bon, comme vous le savez peut-être, je ne suis franchement pas adepte des finales « tout ou rien » qui se jouent sur une seule question (enfin, ici, deux si on tente le Super Banco)… mais je reconnais que c’était déjà le cas dans la version radiophonique.
Mais ça me dérange moins dans la version radio, dans la mesure où cette finale n’est déjà pas obligatoire, puisque le binôme compétiteur doit d’abord se qualifier pour pouvoir la disputer, et a le choix de le faire ou non (là où elle sera forcément jouée dans cette version TV). Elle y apparaît donc davantage comme un « bonus ». En outre, les candidats accumulent déjà des gains (pas bien élevés certes, mais tout de même) avec les questions précédemment posées, ce qui donne un intérêt un peu plus stratégique aux questions Banco et Super Banco, dans la mesure où ils peuvent les refuser et s’arrêter là. Dans cette version TV, ce n’est le cas que pour la question Super Banco, ce qui est dommage.
Mais indépendamment du support radiophonique, ce qui me gêne plus particulièrement ici, ce sont deux choses.
D’une part : le manque d’aboutissement. A nouveau, je sais dans quel jeu on est, et je sais qu’il n’a clairement pas de grandes ambitions… mais on aurait pu aller un peu plus loin qu’une simple question posée comme ça, avec un indice donné à la volée. On aurait pu rajouter un côté un peu plus stratégique, en monnayant les indices donnés par exemple. Ca n’aurait pas été révolutionnaire, mais ça aurait rendu cette finale un petit peu moins basique (et ça aurait appuyé les indices donnés, en ne les destinant pas qu’au spectateur).
D’autre part : les enjeux. Là encore, je sais bien que les ambitions ne sont pas le point fort de ce programme, et que le budget des jeux de France 3 est ce qu’il est… mais ce n’est pas un point que je trouve spécialement gênant d’habitude. Après tout, la finale de Slam ne permettait de remporter que 1000 € maximum jusqu’en 2014, celle de Des chiffres et des lettres encore moins de 2016 à 2022… et pourtant, ces deux derniers exemples sont davantage prenants à mon goût, parce qu’on y sent une certaine montée en puissance potentielle, due à leur principe. Dans celles-ci, ce n’est pas du « tout ou rien », chaque performance du candidat compte, et ça rend d’autant plus exaltant le fait d’avoir un sans-faute complet ; donc que chaque bonne réponse y rapporte 100 ou 1000 euros, ça ne change pas grand-chose pour moi concernant mon intérêt de visionnage. Même la finale très basique de Trouvez l’intrus arrive à proposer une meilleure montée en puissance que celle de LJDME (c’est dire !), tout simplement parce qu’elle propose un petit peu plus de questions.
Bref, là où je veux en venir concernant les enjeux de la finale de LJDME, c’est qu’ils n’ont rien de très prenant en fin de compte. Soit les candidats gagnent 1000 €, soit ils en gagnent 500, soit ils ne gagnent rien ; et le tout, en ayant à répondre à seulement une ou deux questions. C’est très léger, trop pour que je puisse ressentir la montée d’adrénaline potentielle d’une finale de Slam ou de DCDL. Le seul intérêt provient alors du fait qu’on est dans un jeu avec un système de champion illimité, et donc de voir jusqu’où peut aller un binôme champion… et comme vous le savez, les records des jeux à champion, je m’en tamponne royalement le coquillard. Si j’ai besoin de suivre un jeu de façon feuilletonnante pour y trouver de l’intérêt, c’est qu’il a une formule de base qui n’est pas convaincante et qui ne se suffit pas à elle-même.
Ce qui fait qu’en fin de compte, cette finale me fait juste… ni chaud ni froid. On aurait tout aussi bien pu terminer l’émission sur la fin de la manche 2 en donnant un gain fixe aux candidats, que mon appréciation n’aurait pas grandement évolué à son sujet…
Et en parlant du système de champion…
Un système de champion moisi…
Bon, j’y ai rapidement fait allusion dans mon paragraphe précédent, mais ce jeu a (évidemment…) un système de champion illimité.
Ce qui m’agace déjà pas mal, parce qu’indépendamment de ce jeu lui-même, c’est une tendance dont je ne peux plus depuis maintenant des années ; et que, visiblement, France 3 ne semble désormais plus capable de meubler ses fins d’après-midi de week-end qu’avec des variantes à super champion de jeux quotidiens (et de DCDL, aussi, mais ça c’est parce que la chaîne cherche juste à diffuser ce jeu-là le moins possible…).
Donc même le principal élément distinctif de la version radio censé donner son intérêt à la version TV, c’est un système de champion qui est devenu tellement fréquent que c’en est lui-même devenu un cliché simpliste. Quel format innovant, décidément vous me gâtez…
Et encore, s’il n’y avait que ça… car qu’y a-t-il de pire qu’un système de champion illimité ? Un système de champion illimité qui favorise le champion de façon abusive ! Revenons donc sur la façon dont les égalités potentielles en fin de manche 2 sont départagées…
Bon, je reconnais tout de même un bon point à LJDME à ce niveau-là, par rapport à un jeu comme Trouvez l’intrus. Je reconnais que si Trouvez l’intrus ne s’est absolument pas emmerdé en désignant le champion comme vainqueur par défaut en cas d’égalité, LJDME a au moins eu la décence de rajouter une « manche » additionnelle quand ce cas de figure se présente. Cette « manche » consiste en une sorte de système de « mort subite », comme au Maillon Faible : tour à tour, on va poser des questions à chaque binôme. Sauf que si dans Le maillon faible, les questions vont toujours par paire, afin de ne pas désavantager un candidat par rapport à l’autre ; ce n’est pas du tout le cas ici.
Ici, on pose une première question au binôme champion ; et s’il n’a pas la réponse, le binôme adverse peut tenter sa chance et se qualifier s’il répond correctement. En revanche, si le binôme champion répond correctement… il est qualifié. Donc sans que le binôme adverse n’ait eu son mot à dire. Sans qu’il n’ait pu avoir sa chance.
Donc au final, nonobstant l’effort supplémentaire fourni par LJDME pour ne pas faire la même connerie que Trouvez l’intrus, le résultat est plus ou moins le même, de même que le sentiment de consternation que j’ai pu avoir en voyant ça. Sérieusement, comment est-ce possible qu’avec une mécanique globale pourtant aussi plate et dénuée d’intérêt, la production arrive quand même à laisser passer un problème aussi grossier et irréfléchi que celui-là ? Ca ne DEVRAIT PAS être un défaut dans un jeu « strict minimum » qui se respecte !!!
D’autant plus que c’était largement envisageable de se passer de ce problème ! A l’instar du Maillon faible, il fallait poser les questions par paire, et ne qualifier un binôme que s’il avait répondu correctement à sa question ET que l’adversaire n’y avait pas répondu ! Vous n’avez vraiment aucune excuse à ce niveau-là !
Bref, non seulement le seul élément qui donne un tant soit peu d’intérêt à cette adaptation TV est convenu au possible ; mais en plus de ça, vous arrivez quand même à le rater. Je vous tire mon chapeau.
Une adaptation nécessaire ?
Mais au final, j’ai l’impression que la majeure partie de ces problèmes (hormis le côté foireux du système de champion sur lequel je viens de m’énerver…) reste assez symptomatique du vrai problème qu’on a depuis le départ : on part d’un matériau de base qui n’est finalement pas très judicieux pour l’adapter au format télévisuel.
Et si j’arrive à pardonner très facilement le côté simpliste de la version radiophonique, c’est parce qu’elle a l’excuse d’être diffusée sur un support qui permet difficilement d’en faire davantage ; excuse que n’a pas la version TV.
Alors, oui, je reste conscient des efforts que fait cette version TV pour se démarquer de son support de base, en particulier l’ajout d’une confrontation entre plusieurs binômes et d’une manche de sélection. Des efforts qui restaient de toute façon nécessaires pour avoir un format un minimum consistant, si on souhaitait le faire durer une trentaine de minutes.
Mais ils ne viennent pas particulièrement rehausser l’intérêt du visionnage pour moi. Hormis quelques micro-idées intéressantes ça et là, ils viennent surtout confirmer le manque d’originalité de la mécanique. Et même en se basant délibérément sur le plus ancien jeu radiophonique du PAF, pour un jeu TV créé en 2023, ça me donne surtout l’impression d’un manque de créativité et de prise de risque, justifiés parce qu’on se réfugie derrière un jeu pré-existant et volontairement simpliste. Oui, j’ai beau ne pas être fan de Chacun son tour apparu un an plus tôt, mais je ne peux pas nier que ce jeu-là a au moins essayé quelque chose.
Alors que là… franchement, hormis l’habillage et le système de champion illimité so 2010’s-2020’s, ce jeu aurait limite pu sortir tel quel dans les années 70-80. C’est bien beau de critiquer Des chiffres et des lettres pour son ancienneté et son besoin constant de se renouveler, France 3, mais vous ne faites pas mieux du tout avec cette adaptation de LJDME. Pire que ça, vous vous enorgueillez d’accueillir l’adaptation du plus ancien jeu du PAF (radio comprise) encore en exposition… pendant qu’en parallèle, vous savonnez la planche de DCDL en trouvant tous les prétextes possibles pour en réduire l’exposition, sous prétexte que le format vieillit. Une belle définition de l’hypocrisie.
Et puis, surtout… en réalité, cette adaptation avait déjà plus ou moins existé !
En effet, en 1972 (et jusqu’en 1982), la première chaîne de l’ORTF (puis TF1) diffuse l’émission Réponse à tout. Émission qui avait non seulement un principe très similaire au Jeu des 1000 euros ; mais également plusieurs visages en commun.
Car Réponse à tout est une création d’Henri Kubnick, tout comme Le jeu des 1000 Francs ; et il a été présenté entre autres par Lucien Jeunesse et Louis Bozon, qui ont également officié dans l’émission radiophonique.
Et, conceptuellement, l’intérêt vient là encore du fait que les questions sont posées par des spectateurs. En profitant cette fois-ci du support visuel, puisque l’on montre les téléspectateurs poser les questions eux-mêmes (largement avant Nous sommes tous des spécialistes donc…).
Donc, à ce niveau-là… est-ce que la version TV du Jeu des 1000 euros peut vraiment se vanter de quoi que ce soit ? Alors, oui, officiellement, on n’avait pas encore adapté le jeu « officiellement », en gardant le même nom ; en revanche, spirituellement parlant, ça avait déjà été fait. Donc ça réduit encore plus l’intérêt de l’existence de cette version TV, et rend la communication autour de l’arrivée du programme encore plus mensongère.
D’ailleurs, je trouve même que l’héritage radiophonique ne passe pas particulièrement bien sur un ou deux points.
Celui qui m’a le plus dérangé étant l’usage du glockenspiel pour scander le temps de réflexion, dont on sent qu’il n’est là que pour rappeler le matériau de base. A la radio, ça passe, car on n’a pas d’autre moyen de se rendre compte du chronométrage ; mais à la TV, ça devient vite gavant, d’autant plus qu’on y pose davantage de questions qu’à la radio, et qu’on l’entend donc plus souvent. En outre, c’est d’autant plus superflu qu’on a déjà une nappe musicale discrète durant ces temps de réflexion, par-dessus laquelle il vient se rajouter, alors qu’elle se suffisait à elle-même…
En fait, je pense que le point repris le plus « réussi », c’est le fait que les questions posées sont envoyées par les spectateurs, et ce sans en faire des caisses façon Nous sommes tous des spécialistes. Mais bon, pas de quoi pavoiser non plus.
En revanche, s’il y a un point de la version radio qu’il est dommage de ne pas retrouver dans la version TV, c’est le nomadisme.
Alors, sur un aspect technique, je comprends que ça aurait été plus compliqué de déménager un plateau de jeu, de devoir gérer les sessions de tournage, ainsi que les déplacements de binômes qui viennent d’horizons plus divers et variés dans ce contexte, étant tous d’anciens candidats.
Mais tout de même, ça reste une perte. Et même une occasion manquée. Quelque part, je suis un peu frustré que le format radio ne puisse pas montrer la diversité de ses lieux d’enregistrement, d’autant plus que certaines émissions avaient été enregistrées en Outre-mer, à New-York, au Portugal, et même à bord d’un porte-avion et d’un sous-marin ! La version TV aurait été parfaite pour montrer la diversité des lieux visités. Surtout sur France 3, qui est la chaîne des régions, pour rappel…
Quelques pensées vagabondes avant de conclure
Avant de terminer, parlons rapidement de deux ou trois points (au sujet de la version TV) que je ne savais pas trop ou caser.
Concernant l’animation… mouais. Bon, je n’ai pas grand-chose à dire au sujet de Nicolas Stoufflet et de Carinne Teyssandier en eux-mêmes, vu qu’ils font bien le job ; en revanche, j’ai trouvé que la dynamique de duo n’était pas indispensable.
J’imagine qu’elle a été mise en place afin que Nicolas Stoufflet, surtout habitué au format radiophonique, ne soit pas propulsé directement aux commandes d’un format télévisuel auquel il est moins habitué, d’où l’adjonction de Carinne Teyssandier qui a déjà de l’expérience dans le domaine (vive 8 chances de tout gagner !)… mais au-delà de ça, ce jeu n’est pas particulièrement propice à avoir un duo d’animateurs. Ils n’ont pas de rôles pré-établis, et on a un peu de mal à visualiser qui fait quoi au premier abord.
Et enfin, ce programme a un jeu audiotel. Ce qui n’est pas du tout une nouveauté, puisque l’écrasante majorité des jeux en ont un, certes.
Malheureusement, à l’instar de l’écrasante majorité des jeux là encore, c’est plus un attrape-nigaud qu’autre chose, dans la mesure où on ne cherche pas à vraiment challenger le spectateur, mais plutôt à l’appâter avec une question facile (ou dont la réponse a déjà été donnée) pour être sûr qu’il appelle et fasse gagner des sous à la production (le SMS n’étant évidemment pas gratuit).
Là où je veux en venir, en revanche, c’est que ce jeu doit proposer l’un des systèmes les plus insultants envers l’intelligence du spectateur que je n’aie jamais vus à ce niveau-là. Car le jeu audiotel consiste en une question… qui vient tout juste d’être posée aux candidats, et à laquelle la réponse vient juste d’être donnée !!! Sincèrement, vous insinuez que vos spectateurs ont une mémoire de deux secondes ?! Je croyais que la marque Le jeu des 1000 euros était censée avoir un certain standing ; mais vu comme ça, on ne le dirait pas !
Même TLMVPSP (à partir de la version Boccolini), où la question du jeu audiotel était une question déjà posée au préalable, on attendait la fin de la manche avant de la poser, merde ! Vous vous rendez compte que vous me faites dire du « bien » du jeu audiotel de TLMVPSP ? Ca devient vraiment grave, là !
Bon, on va s’arrêter là (sinon je vais devenir encore plus grossier…) et passer à la conclusion.
Total : 5,5/20
Comme le disait si bien Dewey dans la série Malcolm : je ne m’attendais à rien… mais je suis quand même déçu. Sincèrement, je ne pensais pas autant défoncer un jeu pourtant inoffensif au premier abord ; mais plus j’y réfléchis, et plus il m’a m’agacé, aussi bien de par la façon dont il est arrivé à l’antenne que dont il a été exploité. En fait, je me suis rendu compte que cette critique, je l’avais déjà plus ou moins faite, puisque ce jeu n’a pas grand-chose à envier à Trouvez l’intrus.
Hormis quelques micro-idées un peu intéressantes ça et là, Le jeu des 1000 euros version TV est un jeu plat et sans intérêt, si ce n’est de se pavaner en disant « Regardez, on a adapté le plus ancien jeu du paysage audiovisuel français à la télévision ! »… sachant que d’une part, ça avait déjà été plus ou moins fait avec Réponse à tout, et que d’autre part, honnêtement, ça n’aurait pas changé grand-chose intrinsèquement si on l’avait appelé autrement, vu que le matériau de base était déjà très simpliste.
Mais c’était malheureusement inévitable, compte tenu de ce qu’on essayait d’adapter. Si j’ai du respect pour la version radiophonique, c’est parce qu’elle doit composer avec les contraintes liées à son format de diffusion, et qu’elle le fait très bien. En revanche, la version télévisuelle n’a pas cette excuse, et en ressort juste comme un jeu daté qu’on aurait pu voir presque tel quel dans les années 70-80, et qui ne doit son ancrage aux années 2020 qu’à son système de champion illimité.
Système de champion illimité qui ne fait d’ailleurs qu’enfoncer le clou, en mettant en avant l’une des pires tares qu’un jeu TV puisse avoir à mes yeux, à savoir l’égalité départagée par défaut en faveur du champion. Ca a beau avoir été proposé d’une façon un chouïa plus élaborée et réfléchie qu’un Trouvez l’intrus, mais ça reste un échec bien trop grossier pour que je puisse le pardonner.
Bref, alors que cette émission était partie pour être juste passable sur le papier, elle réussit l’exploit d’en devenir finalement mauvaise. Entre ça et Trouvez l’intrus, est-ce que c’est la case du samedi après-midi de France 3 qui est maudite, pour que l’histoire se répète ?
Mais le pire dans tout ça, c’est que je trouve que LJDME version télévisuelle échoue à susciter l’intérêt pour la version radiophonique, et ne lui rend finalement pas service.
Personnellement, j’avoue que je n’avais jamais écouté l’émission radio avant que la version TV n’arrive. Je l’ai écoutée en vue de préparer ma critique, afin de faire la comparaison ; et heureusement, je l’ai appréciée en tant que telle.
En revanche, je pense que si je n’avais pas été dans l’optique de préparer une critique du jeu, et si je m’étais contenté de suivre la version TV sans trop réfléchir, celle-ci ne m’aurait pas donné envie de m’intéresser à la version radiophonique. Parce que je me serais dit que le concept aurait été beaucoup trop simpliste pour que ça puisse valoir la peine de le suivre sous un format différent. Est-ce que, dans les faits, cette adaptation télévisuelle aura tout de même réussi à donner un coup de boost aux audiences de la version radio ? Si c’est le cas, je n’y comprends rien.
Et, franchement, quitte à montrer ce format à la télévision, une simple version filmée du jeu radio aurait pu suffire, à l’instar de la plupart des synergies radio/TV qu’on voit ailleurs sur le PAF. Je pense que ça aurait été davantage en adéquation avec les ambitions du projet, et que j’aurais été beaucoup moins exigeant envers elle si elle l’avait fait. LJDME en version télévisuelle aurait plutôt gagné à ne rester qu’un jeu « pastille » de 15 minutes, plutôt qu’un jeu « complet » finalement trop peu inspiré pour valoir le coup.
D’autant plus qu’on verra la prochaine fois qu’un jeu « pastille » peut être intéressant…