Si je vous parle de hasard dans les jeux TV, à quoi pensez-vous en premier ? Sans doute aux jeux entièrement basés dessus, comme A prendre ou à laisser, le Millionnaire ou les jeux Française des Jeux ; ou encore à des éléments générateurs de hasard qui en sont emblématiques, comme la boule noire de Motus, la roue de La roue de la fortune, ou la planche de Galton de The Wall.
Cependant, si on y réfléchit bien, tous les jeux TV sont plus ou moins directement concernés par le hasard ; ou plutôt, dans ce cas-là, la chance. Prenons un exemple tout simple : un jeu de culture générale lambda, dans lequel on pose une question. La part de chance va venir du fait que le thème de la question sera suffisamment parlant pour les candidats : ainsi, si la première question porte sur un film, est-ce que le candidat l’aura vu ou non, est-ce qu’il sera cinéphile, etc.
Et c’est loin de s’appliquer uniquement aux jeux TV, puisque la quasi-totalité des jeux de société ont un fonctionnement semblable. Lancer un dé, piocher une carte…en fait, même si la part de chance reste toujours présente, ce qui va être intéressant, ça va surtout être de voir comment le joueur va résoudre la situation avec ce qu’on lui donne. Ce qui va tout de même nécessiter un travail de réflexion dans l’élaboration des règles, parce qu’à moins d’assumer qu’on fasse un jeu purement basé sur la chance façon loterie ou tombola, se réfugier derrière l’argument “C’est aussi une question de chance” peut sonner parfois un peu trop facile…
Qu’est-ce que le hasard ?
Bon, avant toute chose, je précise que pour des raisons de simplicité, quand je vais parler de « hasard » ou d' »aléatoire », ce sera surtout au sens commun.
Oui, je ne vais pas parler de hasard au sens scientifique, i.e. de phénomènes totalement imprévisibles, pour lesquels on ne peut pas du tout prédire le résultat d’une expérience à l’avance. Car je ne suis pas un expert en physique quantique, et car les jeux TV n’utilisent pas à ma connaissance d’ordinateurs quantiques ou de chats de Schrödinger lors de leur conception ou de leur diffusion.
En fait, tout ça pour dire que, dans notre vie quotidienne, tout ce qui est lié au « hasard » ne l’est pas réellement ; ça dépend surtout de paramètres physiques qu’on ne maîtrise pas. Par exemple, pour un lancer de dé, ce seront tout un tas de paramètres mécaniques sur lesquels on n’aura aucune incidence qui vont déterminer sur quelle face le dé s’arrêtera.
D’ailleurs, informatiquement (quantique mis à part), on ne sait pas réellement générer de l’aléatoire, puisque par définition on ne peut pas générer quelque chose de totalement imprévisible. A la place, on génère alors du « pseudo-aléatoire », en se basant sur un paramètre physique variable (comme le temps), et en employant différents algorithmes pour en faire quelque chose qui puisse paraître imprévisible pour un humain.
Et honnêtement… à notre échelle, c’est amplement suffisant.
Après tout, on reste sur des processus qu’il est très difficile de truquer pour nous, donc on n’a pas spécialement d’intérêt à faire quelque chose de plus sophistiqué.
Un tirage au sort de boules dans une urne, une planche de Galton, un lancer de roue… ça nous suffit largement dans pas mal de cas.
Bon, pour le lancer de roue, je reconnais que ça va aussi pas mal dépendre de la force qu’on mettra dans le lancer, et que ça pourra donc influencer la case sur laquelle on tombera, surtout si la roue est grande. Aussi, dans un jeu comme La roue de la fortune, on peut essayer de doser son lancer pour viser une case précise, ce qui ne sera donc techniquement pas du hasard ; toutefois, je pense que ça doit être suffisamment difficile d’être aussi précis, aussi on garde tout de même une part d’incertitude suffisante pour que je puisse encore définir LRDLF dans la catégorie des jeux basés (partiellement) sur le hasard.
Les jeux entièrement basés sur le hasard
Parlons tout d’abord des jeux entièrement basés sur le hasard, ce qui comprend notamment à peu près l’ensemble des jeux Française des jeux (Millionnaire, Tac-O-Tac), plus quelques-uns comme A prendre ou à laisser ou The colour of money.
Prenons le plus basique du lot : le Millionnaire.
En effet, on peut difficilement faire plus simple : le candidat tourne une roue, et remporte le montant associé au rayon sur lequel la balle s’est arrêtée.
Il y a certes eu la variante Euro Millionnaire, un peu plus élaborée, avec trois roues distinctes et la possibilité de remporter un bonus si la roue faisait au moins trois tours ; cependant, elle ne complexifie pas le processus outre-mesure ni n’ajoute de stratégie (tout au plus, elle nécessite de savoir lancer une roue suffisamment fort pour remporter un bonus, mais bon…).
En termes de mécanique, difficile de trouver ça élaboré, à tel point que je ne vois pas du tout ce que je pourrais dire au sujet de ce jeu si je décidais d’en faire une critique.
Et pourtant, ça a plu (et ça plaît sans doute encore à certains, même si le jeu est à présent arrêté depuis une dizaine d’années). Ce qui est imputable à la fois au côté un peu « talk-show » de la plupart des versions ; mais aussi à la simplicité du processus lui-même, qui est finalement un bon générateur de suspense. Car ça a un côté assez amusant de suivre cette balle qui rebondit dans la roue, jusqu’à s’arrêter sur un rayon avec une petite incertitude liée aux derniers ricochets qu’elle réalise.
Comme quoi, pas besoin de faire compliqué pour susciter de l’intérêt…
… mais bon, heureusement quand même que tous les jeux TV ne ressemblent pas à ce modèle-là, sinon ce serait non seulement très redondant, mais aussi décourageant car ça dissuaderait de faire de la créativité, s’il suffit juste de suivre un élément générateur de hasard comme ça.
Aussi, parmi ce genre de jeu, le Millionnaire est plutôt l’exception que la règle ; et si le candidat y est particulièrement passif, les autres jeux vont en revanche lui donner davantage de pouvoirs de décision pour susciter de l’intérêt.
Et ces pouvoirs de décision peuvent prendre différentes formes : choisir une case dans Tac-O-Tac, choisir une boîte et accepter ou décliner les offres du banquier dans APOAL, choisir une machine et dire « Stop ! » au moment le plus opportun dans The colour of money…
Car à la différence du Millionnaire où à tous les coups on gagne, dans ces jeux-là, il est possible de perdre ; aussi, pour ne pas que ça se solde en une simple loterie, il faut donner des pouvoirs de décision au candidat.
Mais généralement, ces décisions peuvent se classer en deux catégories :
- D’une part, les décisions pour lesquelles le candidat n’a pas de maîtrise sur ce qu’il va se passer : par exemple, dans APOAL, il peut choisir la boîte qu’il va ouvrir ; en revanche, comme il n’a aucune idée des montants cachés dans les boîtes, son choix ne sera pas basé sur un critère solide de décision. Tout au plus, il pourra motiver son choix de boîte par superstition, mais ça ne reste pas un critère plus solide que s’il l’avait fait par tirage au sort…
- D’autre part, celles pour lesquelles le candidat pourra activement être maître de son destin : par exemple, toujours dans APOAL, accepter une proposition du banquier ; ou pour Tac-O-Tac gagnant à vie, choisir entre une clé qui permettra de maximiser ses chances de gagner si on va en finale, ou un gain/une période de temps qui permet d’assurer quelque chose si on ne va pas en finale ou qu’on la perd.
Idéalement, un bon jeu basé sur le hasard devrait pouvoir jouer sur ces deux tableaux. Car il faut, d’une part, pouvoir proposer du suspense lié à l’incertitude ; mais d’autre part, ne pas faire en sorte que le candidat subisse complètement la mécanique.
D’ailleurs, pour certains jeux comme APOAL ou TCOM, on pourrait réfléchir sur les probabilités afin de motiver ses décisions ; que ce soit accepter une offre du banquier/échanger une boîte dans le premier cas, ou déterminer le moment opportun pour dire « STOP ! » dans le second.
Toutefois, en pratique, ça m’étonnerait beaucoup que les candidats se fassent ce genre de réflexions en pleine partie… tout simplement parce que le commun des mortels n’est pas composé d’experts en calcul de probabilités, et qu’il est encore moins capable de faire tous ces calculs de tête pendant un tournage sur plateau.
Sinon… que dire de plus au sujet de ces jeux, à part de ne pas être injuste envers le joueur ?
Oui, la moindre des choses, c’est aussi de ne pas avoir de probabilités trop défavorables pour le joueur non plus ; car, encore une fois, s’il ne fait que subir la mécanique, ça devient davantage frustrant qu’intéressant.
D’ailleurs, même si ces jeux sont basés sur le hasard sur le papier, ça n’empêchera néanmoins pas le fait de potentiellement pouvoir les truquer selon les cas. N’oublions pas qu’il y a toujours des producteurs derrière, et qu’à l’instar des casinos, s’ils souhaitent être rentables, ils ne peuvent pas non plus se permettre de faire gagner des gains trop juteux à chaque fois…
Cependant, ne crions pas à la théorie du complot à tout va. En fait, les trucages réussis sont justement les trucages dont on ne se rend pas compte… mais ces trucages peuvent paradoxalement donner de l’intérêt au jeu dans certains cas s’ils sont utilisés à bon escient.
Dans APOAL, par exemple, les offres de la banque ne sont évidemment jamais proposées de façon complètement hasardeuse, puisque le banquier connaît le contenu des boîtes, et va composer son offre en fonction de celui-ci. Ce qui va permettre de modeler un peu plus le suspense au cours de la partie.
En revanche, il peut aussi en profiter pour s’assurer que le candidat ne gagnera pas le gain maximal, et là ça devient problématique… à nouveau, la version Hanouna de APOAL soulève de fortes suspicions à ce niveau-là.
A nouveau : les 250 000 € étaient plus là pour faire joli qu’autre chose, dans cette version du jeu…
Les jeux partiellement basés sur le hasard
Parlons à présent de jeux qui incluent un élément générateur de hasard, tout en mettant en avant une autre mécanique.
A ce niveau, on peut citer pêle-mêle : Motus, Mastermind verbal entrecoupé de tirages de boules ; Dingbats, alternant tirage de levier et résolution de dingbats ; Hold-up, où on doit répondre à des questions pour savoir combien de cases on pourra ouvrir en fin de partie ; The Wall, jeu de culture générale et de confiance avec une planche de Galton géante ; Spin the wheel, qui fait du The Wall avec une roue à la place de la planche de Galton ; La roue de la fortune, où l’on joue au Pendu avec des enjeux déterminés par un lancer de roue ; The wheel (oui, de toute façon, dès qu’il y a le mot « roue » dans son titre, il y a de fortes chances que le jeu tombe dans cette catégorie…), où on se fait aider par un people tiré au sort… ou encore les adaptations de jeux de société type Case K.O. ou Mokshû Patamû où on a introduit des éléments de quiz plus typiques des jeux TV pour aller au-delà du simple jeu de hasard constituant le matériau de base.
Dans une moindre mesure, on peut aussi citer The Exit List, où le labyrinthe est parsemé de Panic Rooms placées au hasard, ou Still standing où les gains associés aux différents candidats sont eux aussi attribués au hasard. Et dans une encore moindre mesure, le 50/50 de QVGDM… mais bon, là, ça deviendrait un peu trop pointu quand même.
Oui, j’ai toujours trouvé ce joker un peu frustrant, de par son côté un peu hasardeux, qui fait qu’on a parfois voire souvent les deux réponses les moins évidentes qui sont retirées.
Bref, on a des cas de figure assez variés, qu’il peut être intéressant de traiter individuellement… mais ça a déjà été fait pour la plupart, et je compte le faire pour d’autres ; donc si vous voulez plus de détails, je vous encourage à lire les critiques des jeux en question.
Cependant, ce qui va selon moi déterminer si l’incorporation du hasard va fonctionner ou non, ce sera l’adéquation avec les enjeux du programme.
En effet, pour un jeu entièrement basé là-dessus, c’est facile d’être en adéquation avec les enjeux, puisque ceux-ci sont entièrement liés au hasard (et potentiellement un peu de stratégie).
Mais pour un jeu qui requiert d’autres qualités, à quel moment atteint-on le bon équilibre entre hasard et réflexion (ou autre capacité requise) ; et à quel moment a-t-il tendance à devenir potentiellement intrusif ?
Pour des jeux comme Case K.O. ou Mokshû Patamû, c’est adapté, étant donné qu’il s’agit de jeux adaptés de jeux de société déjà basés sur du hasard (respectivement la Bataille Navale et les Serpents et échelles), pour lesquels on a ajusté certaines règles par rapport au matériau de base : en particulier, au lieu de jouer tour à tour, on joue une question de rapidité pour prendre la main à chaque tour.
A ce niveau, c’est donc plutôt du bonus par rapport au matériau de base, dont l’intérêt repose toujours un peu sur l’incertitude ; et même si ça apporte une plus-value aux adaptations télévisuelles, on les regardera surtout pour le côté divertissant davantage que pour le côté intellectuel. Donc l’incertitude ne gâte pas grand-chose dans ces cas de figure.
Dans cette manche-là, impossible de savoir si la case qu’on a choisie va dévoiler une torpille ou non… mais bon, la Bataille Navale n’est pas non plus un jeu auquel on joue pour des qualités spécialement plus méritoires que la chance.
Pour des jeux comme The Wall ou Spin the wheel… c’est un peu plus borderline.
Ici, le hasard est pris en tant qu’élément générateur de suspense pour déterminer les gains des candidats ; toutefois, il est légèrement modulé par les décisions des candidats (par exemple, sur la façon de placer la boule en haut de la planche de Galton en fonction de son degré de confiance sur la question), décisions prises en fonction de l’aspect « culture générale ». Et c’est cette modulation qui rend le concept intéressant selon moi.
En revanche, ces deux jeux ont également tendance à avoir des phases de hasard « pur » où le côté « culture générale » n’est pas présent (les boules gratuites qui rajoutent des gains puis en retirent dans The Wall, la finale de Spin the wheel en mode « Stop ou encore »). Et, selon moi, celles-ci gâchent un peu ce qui fait l’intérêt du concept de base, car elles se focalisent uniquement sur le côté « hasard », et pas assez sur le côté « culture générale », alors que c’était celui-ci qui rendait la part de hasard intéressante.
Je pense que j’aurais davantage apprécié ce jeu sans les boules rouges, même si on on n’avait pas forcément mis les boules vertes.
Notons toutefois que Hold-up n’a pas ce problème par rapport à The Wall/Spin the wheel, dans la mesure où la phase « culture générale » et la phase « hasard » sont bien distinctes, que l’emphase est vraiment mise sur le hasard à la fin, et que la mécanique semble avoir été pensée de sorte que le final reste jouable même en ayant complètement raté la partie « culture générale ». La partie « culture générale » ne sert qu’à donner plus d’opportunités au candidat, mais elle n’est pas déterminante dans sa réussite. Autrement dit, je ne ressens pas de côté intrusif lié au hasard ici, au contraire.
Pour des jeux comme Motus ou Dingbats, en revanche… je vais sans doute me faire détester en disant ça, mais je trouve que les tirages de boules ou de levier n’ont pas d’intérêt par rapport au concept, et qu’on pourrait très bien les supprimer et les remplacer par un moyen plus juste de passer la main entre les candidats.
Parce que ce qui m’intéresse avant tout dans Motus, c’est le côté Mastermind verbal, et pour Dingbats, ce sont… ben, les dingbats. Les tirages viennent certes ponctuer et rythmer ces formats… mais ils ne sont pas indispensables au bon fonctionnement de la mécanique non plus.
Enfin, ils le sont, mais c’est dans la mesure où les règles n’ont pas été correctement pensées dès le départ. En effet, étant donné qu’un binôme garde la main tant qu’il ne commet aucune erreur, l’autre binôme peut alors ne potentiellement jamais jouer ; et le fait d’introduire une boule noire ou un diablotin permet de faire passer la main… mais d’une façon un peu forcée.
De fait, l’élément générateur de hasard apparaît ici plutôt comme une sorte de pansement pour pallier un problème de fond, sans non plus véritablement le corriger. Ce qui n’en fait pas spécialement un usage à bon escient selon moi ; même si pris indépendamment, ça a un côté fun de voir un tirage de boules pour tenter de remplir une grille.
Quelque part, je pourrais vaguement en dire de même pour La roue de la fortune, qui a un peu le même problème avec sa façon de passer la main… mais ça passe quand même un peu mieux dans ce contexte-là, dans la mesure où la diversité des montants présents sur la roue a un intérêt stratégique (par exemple, si on tombe sur une grosse case, on tentera plutôt de proposer une lettre dont on pense qu’elle est présente en plusieurs exemplaires dans l’énigme), et qu’il ne s’agit donc pas ici d’un pansement pour pallier un défaut de mécanique ni d’un élément générateur de hasard rajouté au forceps pour rythmer la partie.
Cela étant, je me plains du côté hasardeux de Motus avec ses tirages de boules, mais le format initial de la Super Partie avait encore davantage ce problème, et ce n’est pas plus mal qu’il ait été résolu par l’introduction d’un format de finale qui ne faisait pas appel à la chance.
En revanche, dans le genre « L’introduction de hasard n’apporte rien », je pourrais citer Still standing.
Je pense que j’aurais pu être un petit peu plus coulant avec ce jeu s’il s’était contenté d’avoir une pyramide de gains classique, plutôt que des gains attribués aléatoirement à chaque candidat à éliminer. Parce que cette façon de faire n’a qu’un intérêt : montrer au dernier moment si le champion a eu le nez creux en prenant un candidat à 5000 euros ; ou s’il l’a dans l’os en ayant choisi un candidat à un euro. C’est plutôt naze comme façon de générer du suspense. Et ce n’est pas du tout arrangé par les « portes de sortie » qui ne lui permettent de garder qu’un pourcentage des gains accumulés… gains qui s’en retrouveraient alors ridicules si le champion n’a pas eu de pot.
J’imagine la satisfaction d’éliminer un adversaire pour finalement se rendre compte qu’il ne valait qu’un euro… dont le champion ne gardera que 25% ou 50% s’il ne va pas jusqu’au bout de la partie et cherche à s’arrêter avant.
A contrario, dans The Wheel, l’intérêt du jeu est un peu trop basé sur le hasard… mais à un point où il donne surtout l’impression d’un jeu plus chaotique qu’autre chose.
Oui, au bout d’un moment, trop de hasard tue le hasard. Hasard dans la sélection du candidat qui va jouer, hasard dans la personnalité qui va l’aider, hasard dans le fait que la question rapportera deux fois plus d’argent, hasard dans la possibilité de se faire éliminer à cause de la roue, hasard dans le choix du thème de la finale…
Bon, à nouveau, c’est purement personnel, mais j’ai vraiment eu beaucoup de mal à être pris par cette mécanique, où la part de chance pour gagner quelque chose me paraît trop élevée et pas spécialement juste. Parce qu’on n’est pas dans un jeu entièrement basé là-dessus non plus, et que la culture générale est supposée être mise à l’honneur elle aussi… mais avec une mécanique pareille, elle me donne beaucoup trop l’impression de passer au second plan.
Bref, c’est un peu un comble pour un jeu basé en grande partie sur du hasard, mais ce que je reproche à The wheel, au final, c’est le fait d’être trop… hasardeux.
Cela étant, pour ce dernier cas, je reconnais aussi que le relativement peu de questions posées n’aide pas beaucoup à me faire accrocher.
D’autant plus que, mine de rien, cet aspect-là aussi est impacté par le hasard…
Le hasard… est partout !
Car même si on a jusqu’à présent parlé de jeux où le hasard est palpable… finalement, on le retrouve dans tous les jeux, d’une certaine manière.
Après tout, le Larousse donne deux définitions pour le hasard, dont celle-ci : « Circonstance de caractère imprévu ou imprévisible dont les effets peuvent être favorables ou défavorables pour quelqu’un ».
Et cette circonstance de caractère imprévu ou imprévisible peut prendre pas mal de formes, si l’on y réfléchit bien : tomber sur une question dont on est sûr de la réponse, sans que l’on ne s’y attende spécialement, ou à l’inverse tomber sur une question à laquelle on ne s’attendait pas à ce qu’elle nous pose une colle ; candidats que l’on affronte dans une partie, qui peuvent avoir un meilleur niveau que nous ou un moins bon ; fait de participer à une émission où les gains en jeu seront exceptionnellement plus élevés ou avec un élément particulier mis en place, comme les cases « Vendredi 13 » de LRDLF…
Pour en revenir à The wheel, c’est aussi le fait qu’on donne autant d’importance à une seule et unique question en finale qui me fait vraiment tiquer.
Parce que là encore, c’est une question de chance plus qu’autre chose, puisque si le thème n’inspire pas le candidat (ni le people supposé l’aider), il l’a dans l’os.
Là où d’autres jeux font davantage d’efforts pour proposer un peu plus d’alternatives et minimiser ce côté hasardeux. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai tendance à penser qu’un bon jeu de culture générale est avant tout un jeu qui pose des questions variées : car plus on brosse de thèmes, plus le candidat sera susceptible d’en connaître au moins un.
Donc, oui, quelque part, il y aura toujours une part de chance quand on participe à un jeu TV, même quand celui-ci n’est a priori pas basé dessus ; tout comme quand vous jouez au Trivial Pursuit, vous ne décidez pas des questions qu’on va vous poser durant la partie. Ce qui ne va pas gâcher votre plaisir de jeu pour autant, car vous avez quand même un peu de pouvoir de décision en choisissant la case sur laquelle vous tombez.
En fait, l’important est surtout de donner assez de pouvoir de décision au joueur, de sorte qu’il puisse composer avec ce qu’on lui donne en temps voulu. Ce qui permet de minimiser la part de chance ; et même mieux, que le joueur puisse prouver qu’il arrive à faire feu de tout bois et à parvenir à gagner, même dans une configuration qui ne lui est pas favorable.
Par exemple, dans QPUC, lors de la phase de jeu du 4 à la suite, les thèmes proposés relèvent plutôt de la chance pour les candidats ; toutefois, le fait de quand même disposer de choix relève de la stratégie (i.e. choisir le thème qui nous inspire le plus), et également de la performance réalisée lors de la manche précédente (plus on est rapidement qualifié, plus on a de choix).
En outre, le jeu s’assure également la plupart du temps de poser une ou deux questions plus simples dans le lot, pour pouvoir marquer au moins un point.
Et cette part de chance reste donc acceptable la plupart du temps, parce que les bons jeux savent généralement faire en sorte que le candidat ait des options pour pouvoir s’en sortir par lui-même.
Toutefois, il vaut mieux ne pas non plus se réfugier derrière pour justifier les lacunes de son programme…
Attention : je vous préviens, je vais encore râler au sujet des systèmes de champion pourris ; donc si vous en avez marre que je parle de ça, sautez directement à la conclusion.
Par exemple : vous le savez, j’aime bien NOPLP, ce qui reste un sacré exploit en dépit de son problème ultra-grossier numéro 1. Problème ultra-grossier qui se manifeste le plus souvent quand on a un grand maestro abonné aux sans-faute, irrattrapable pour le challenger, quand bien même il aurait un niveau tout aussi bon voire plus.
Mais ça, je n’en aurais pas parlé dans cet article, si Nagui n’ajoutait pas, dans les cas de figure où ça arrive, que devenir maestro, c’est une part de travail, mais aussi une part de chance. Ce qui est effectivement vrai, puisqu’il faut que le challenger ait la chance de tomber sur un maestro qui ne fera pas de sans-faute… mais quelque part, n’est-ce pas aussi une façon de se dédouaner des défauts de sa mécanique ?
Car, finalement, on retombe dans le même cas de figure qu’un Motus et autres jeux où la chance prend un peu trop le pas sur les qualités mises en avant : c’est frustrant d’avoir un bon niveau, pour qu’il soit au final autant éclipsé par des paramètres sur lesquels on n’a aucun pouvoir.
Et c’est aussi pour ça que je me demande si ça vaut vraiment la peine de réviser autant de chansons avant de participer, si c’est pour qu’au final ce soit surtout une question de chance de ne pas tomber sur un grand maestro. J’imagine le dépit qu’on doit avoir quand ça arrive…
Et c’est valable aussi avec ce jeu fait par-dessus l’épaule. En encore pire.
Conclusion
A l’instar de pas mal d’autres éléments, la gestion du hasard est un point à ne pas négliger dans la conception d’un jeu TV… même si on n’a pas spécialement prévu d’y faire appel.
Si on base entièrement son jeu là-dessus : il faut s’assurer que le jeu en question puisse rester équitable, et que le candidat ait quand même un peu de pouvoir de décision dans ce qu’il fait pour donner de l’intérêt au visionnage ; à moins d’assumer d’avoir un jeu “loterie” qui ne va vraiment pas plus loin et dans lequel il est impossible de “perdre”.
Si on base partiellement son jeu là-dessus : il vaut mieux que le hasard se mette au service de la mécanique, et qu’il ne cherche pas à l’éclipser, que ce soit volontairement ou non ; autrement, ça peut frustrer que les qualités requises ne soient pas valorisées à cause d’un hasard trop prépondérant.
Si on ne base pas son jeu là-dessus : a priori, on est moins concerné ; toutefois il vaut mieux maîtriser ses règles de fond en comble pour qu’il ne puisse pas surgir de façon inopportune là où il ne devrait pas, et s’assurer que le joueur dispose tout de même d’assez d’outils pour pouvoir tourner la situation à son avantage.