Cette fois-ci, on va être un peu plus positifs, puisqu’on va parler des cas de figure où les candidats peuvent gagner plus d’argent qu’auparavant. Si, si, ça existe !
Mais on verra toutefois que ce n’est pas toujours gratuit… bien sûr.
Les règles bonus
Dans certains cas, les jeux peuvent mettre en place des « bonus », qui peuvent prendre plusieurs formes selon le jeu en question.
Par exemple, dans Motus, la règle du 11ème mot a été introduite début 2002.
Celle-ci permet aux candidats de tenter de remporter 500 € supplémentaires, s’ils ont trouvé les 10 mots requis pour valider la Super Partie, et qu’il leur reste du temps pour trouver un 11ème mot (qui, une fois trouvé, rapporte 500 €).
Dans Fort Boyard, plusieurs saisons ont proposé des systèmes différents afin de faire remporter de l’argent supplémentaire à l’équipe, en plus de celui potentiellement gagné en Salle du Trésor :
- Durant la seconde moitié de la saison 1990, l’un des candidats devait sauter à l’élastique en fin d’émission, afin de tenter d’attraper la Clé en or, qui octroyait 35 000 F supplémentaires en cas de réussite.
- De 1996 à 2001, le mini-jeu de la Presse à Boyards permettait aux candidats de remporter de l’argent supplémentaire, avec un jeu de chance et de stratégie (de 1 à 2 reprises, selon la saison).
- De 2000 à 2001, le personnage de Lumineuse permettait à l’équipe de potentiellement doubler ses gains, si elle parvenait à trouver la couleur du jour, à partir de deux couleurs primaires obtenues en réussissant une épreuve et une aventure données. Toutefois, même si ça peut rapporter très gros, attention, car tenter la couleur du jour implique de se passer d’une épreuve et/ou d’une aventure qui auraient permis de remporter une clé et/ou un indice supplémentaires… donc cet atout-là était plutôt à double tranchant, et pas totalement un bonus.
- De 2007 à 2009, la partie intermédiaire de l’émission permettait de remporter un coffret rempli de Boyards, qu’il était possible d’ouvrir en fin d’émission, à condition de disposer de la petite clé qui permettait de l’ouvrir.
On peut également citer certains jeux de TF1, comme Money Drop et A prendre ou à laisser, dont les gains maximum ont doublé en cours de route. Rien que ça !
En effet, dans Money Drop, l’apparition du lingot d’or en 2015 permettait de doubler les gains potentiels si l’équipe parvenait à le conserver pendant la première moitié de la partie ; et dans APOAL, le montant maximal a pu monter jusqu’à 1 000 000 € dans les dernières saisons.
Dans les deux cas, l’idée était très certainement de relancer des jeux qui étaient un peu en perte de vitesse ; aussi, le fait d’en rehausser les enjeux pouvait être un moyen de relancer leur intérêt.
Cela dit, seule TF1 pouvait se permettre de procéder ainsi, étant donné que ça nécessite évidemment d’avoir plus de budget. Aussi, quand France 2 essaie de faire une version “nouvelle chance” pour un concept en perte de vitesse, on se retrouve plutôt avec des budgets cette fois-ci revus à la baisse… pas vrai, Le quatrième duel ?
Mais bon, ça n’aura pas empêché le service public de trouver une astuce pour faire gagner davantage aux candidats… tout en leur faisant dépenser potentiellement moins d’argent.
Prenez Questions pour un champion, depuis 2021 ; et, plus précisément, depuis que le jeu a fait sauter la limite du nombre de participations consécutives. Ca n’a eu aucun impact sur le système de cagnotte présent depuis les débuts (celle-ci continue à tomber lorsqu’un candidat réussit ses 5 premières émissions d’affilée) ; en revanche, au-delà de la 5ème participation, le champion remporte 500 € par émission remportée supplémentaire.
Ce qui… fait un peu radin sur les bords, parce qu’il passe de plus de 10 000 € à seulement 500 € dès l’émission 6 ; mais ça reste bel et bien un moyen pour le candidat de continuer à gagner de l’argent supplémentaire, par rapport aux règles antérieures à 2021.
En revanche, là où ça fait faire des économies à France 3, c’est que, tant que le champion reste en lice, elle n’aura à dépenser que 500 € par émission ; alors qu’avec un nouveau champion, dès la 3e victoire, elle aurait dû dépenser davantage…
En fait, pour prendre un exemple plus concret, comparons le cas où deux champions à 5 victoires se succèdent, avec celui où on a juste un champion à 10 victoires :
- Dans le cas des 2 champions à 5 victoires, France 3 doit dépenser à deux reprises le montant de la cagnotte. A supposer qu’elle ait démarré à 10 000 € lorsque le premier champion a joué sa première émission, vu que son montant augmente de 300 € par émission, elle doit donc dépenser 11 200 + 11 200 = 22 400 €.
- Dans le cas d’un seul champion à 10 victoires, celui-ci a remporté la cagnotte une seule fois (11 200 € donc) ; et vu qu’il a gagné 500 € à chacune de ses victoires suivantes, il a donc remporté un total de 11 200 + 2 500 = 13 500 €.
Vous comprenez mieux à présent pourquoi le champion se fait quand même un peu avoir avec ce genre de système, en dépit du fait que c’est censé être du bonus pour lui ?
Bon, au moins, je concède que, d’un point de vue financier, faire sauter la limite de participations a plutôt été une bonne opération pour France 3. En revanche, pour moi, ça appuie aussi le manque d’intérêt de cette nouveauté, d’un point de vue des performances…
Bref. Je viens de citer plusieurs règles apparues en cours de route, dont le point commun est que les candidats n’ont rien à perdre s’ils n’arrivent pas (ou ne souhaitent pas) saisir l’occasion de remporter de l’argent supplémentaire.
Ce qui est distinct du cas de figure que l’on va voir juste après…
Les jeux plus généreux avec contrepartie
Dans certains cas, le montant en jeu devient plus élevé qu’à une époque, ce qui permet aux candidats de gagner potentiellement plus ; cependant, le gain en question devient plus difficile à atteindre en contrepartie. Ce qui, en fin de compte, en fait un moyen pour le diffuseur de potentiellement mieux contrôler ses dépenses… c’est malin !
Prenons par exemple Joker, qui a eu deux versions distinctes, avec deux enjeux maximaux différents.
Bon, à première vue, la seconde version a l’air moins généreuse que la première ; puisqu’on passe d’un gain maximal de 50 000 € à un gain maximal de 36 000 €. Sauf que comme la première version recourait au stratagème du gain partagé avec le spectateur, en réalité, le candidat est gagnant.
Mais il y a un mais. En effet, le candidat peut potentiellement gagner plus ; en revanche, le montant maximal est plus difficile à atteindre ! En effet, il y a besoin de répondre à deux questions supplémentaires par rapport à la première version pour atteindre la fin de la partie. Sachant que, dans le pire des cas, une mauvaise réponse à une question peut engendrer la perte de trois niveaux dans l’échelle de gains… on voit bien où les décideurs voulaient en venir !
Cela dit, la hausse du montant théorique permet justement de mieux faire passer cet aspect-là.
Un autre cas assez pernicieux est celui de Tout vu, tout lu.
Dans les premières émissions, chaque candidat avait droit à une cagnotte initiale de 100 000 € ; cagnotte qui est montée à 150 000 € par la suite.
A nouveau, vu comme ça, le jeu paraît plus généreux ; mais en réalité, si le candidat a un niveau plutôt moyen, il va y perdre au change. Et ce, à cause du principe de la finale.
Pour rappel, en finale, on éteint les derniers chiffres de la cagnotte du candidat ; et celui-ci dispose du temps imparti pour en rallumer le plus possible. Il ne remporte donc la cagnotte que s’il allume tous les chiffres éteints.
Sauf que, du temps où la cagnotte était de 100 000 €, on n’éteignait que trois chiffres ; tandis que, lors de son passage à 150 000 €, on en a éteint quatre ! Donc, à nouveau, c’est devenu plus difficile de remporter le gain maximal… et plus facile de remporter un gain moindre. Un candidat qui avait 80 000 € avant d’arriver en finale, et qui arrive à allumer deux chiffres durant celle-ci, remportera 8 000 € dans la première version de l’émission ; mais seulement 800 € dans la seconde version…
Le seul cas de figure où le candidat est véritablement gagnant avec le passage à la seconde version, c’est celui où il arrive en finale avec plus de 100 000 €, et où il parvient à allumer quatre chiffres. Ce qui n’a pas dû arriver bien souvent… donc, encore une fois, c’était davantage au profit du diffuseur.
Bref, on voit bien qu’en dépit des promesses, rien n’est gratuit. Les décideurs ont toujours la main, et savent toujours comment contrôler leurs dépenses le mieux possible…
Mais il existe quand même quelques cas de figure où ça ne semble pas être le cas.
Les jeux plus généreux sans contrepartie
Le second cas de figure est, quant à lui, motivé par… la “générosité” des diffuseurs.
Bon, plus spécifiquement, on a des cas plus ponctuels où les gains potentiels peuvent devenir plus élevés, sans qu’il n’y ait de handicap significatif en contrepartie. Ce qui peut s’expliquer par plusieurs raisons.
Reparlons du passage du franc à l’euro en 2002, que j’avais rapidement évoqué dans mon article précédent.
Comme je le disais, il n’y a à ma connaissance que deux jeux qui ont profité du passage à l’euro pour entourlouper les candidats ; mais la plupart du temps, lorsque les producteurs/diffuseurs en ont profité pour mettre à jour les gains en jeu, ceux-ci ont été légèrement arrondis au-dessus des sommes converties du franc à l’euro (afin de garder des chiffres ronds).
Ainsi (hors inflation), dans Pyramide, tant qu’elle ne tombait pas, la cagnotte s’enrichissait à chaque émission de 800 € par jour (~5 247 F) à la place de 5000 F. Bon, ce n’est pas fifou ; mais ça reste techniquement supérieur. Idem pour Motus, avec d’ailleurs exactement les mêmes gains jusqu’en 2009.
Pour QPUC, c’est un peu plus variable ; mais dans la plupart des cas, le candidat est resté gagnant lors du passage à l’euro. Pour preuve, ce mini-tableau comparatif, où j’ai mis en gras les gains correspondant à la version la plus “généreuse” :
Montant en franc (avant 2002) | Montant en euro (après 2002) | Conversion euro/franc | |
1 victoire | 3 000 | 500 | 3 279,785 |
2 victoires | 7 000 | 1 000 | 6 559,57 |
3 victoires | 12 000 | 2 000 | 13 119,14 |
4 victoires | 18 000 | 3 000 | 19 678,71 |
5 victoires (jusqu’en 2014) | 25 000 | 4 000 | 26 238,28 |
Montant initial cagnotte | 50 000 | 10 000 | 65 595,7 |
Montant rajouté à la cagnotte par émission | 2 000 | 300 | 1 967,871 |
Et certains jeux ont même été encore plus généreux.
Ainsi, pour Fort Boyard, la somme minimale pour les équipes perdantes (… si on ne compte pas la règle foireuse de l’époque où ça n’incluait pas les réussites en Salle du Trésor, et où une équipe a établi le triste record à la baisse de 700 €) est passée de 10 000 F à 3 000 €, soit près de 20 000 F (soit quasiment le double d’avant le passage à l’euro).
Mais le recordman toutes catégories est bien évidemment QVGDM, où le gain maximal passe de 4 millions de francs à 1 million d’euros ; soit l’équivalent d’environ 6 559 570 F. Ce qui fait 2 millions de francs et demi en plus, quand même ! De quoi faire pardonner le fait que le titre français de l’émission n’avait plus aucun sens, puisqu’on ne gagnait plus des millions, mais un million…
Bon, on notera cependant que le million d’euros n’aura été remporté qu’une seule fois, alors que les 4 millions de francs l’ont été un peu plus, en pourtant beaucoup moins d’années d’existence (la version en francs n’ayant pas duré plus de 2 ou 3 ans). J’ai eu l’impression qu’en contrepartie de ce million d’euros plus généreux, la production en a profité pour augmenter la difficulté des questions en douce… et, oui, en revoyant certaines émissions du temps du franc, j’ai parfois été un peu choqué par la simplicité de certaines questions à 1 000 000 F par rapport à celles posées pour 150 000 €.
Mais bon, si on fait fi de la difficulté des questions, en termes de règles pures, ça reste quand même majoritairement une opportunité pour les candidats.
Notons d’ailleurs que, lors du passage à l’euro, on avait eu droit brièvement à la correspondance en francs affichée clairement (ce ne sont pas tous les jeux qui auraient été aussi transparents à ce niveau-là) ; l’occasion de comparer avec l’ancienne pyramide des gains, pour ceux qui l’avaient encore fraîchement dans leur mémoire.
On notera toutefois que les questions 11 et 12 auront le plus pâti du passage à l’euro, avec environ respectivement 28 000 F et 44 000 F de différence avec l’ancienne version. Mais bon, à côté des 2 600 000 F de bénéfice pour la dernière question, c’est un peu une cacahuète…
Maintenant qu’on a fini de parler du passage à l’euro, voyons maintenant les autres cas de figure, plus diffus, et pour lesquels les raisons de la hausse des gains sont plus obscures.
Parlons par exemple de Slam, qui a vu son gain maximal par épisode évoluer.
Lorsqu’il n’était qu’un humble jeu de fin de matinée, son gain maximal n’était alors que de 1 000 €, qui pouvaient être décrochés si le candidat arrivait à trouver les 6 mots de la finale en 45 secondes maximum.
Lors de son passage à France 3 à la rentrée 2009, le format de la finale a été un peu ajusté, avec cette fois-ci 7 mots à trouver en 60 secondes, toujours pour un maximum de 1 000 €. Bon, vu comme ça, ça semble être un ajustement de règles pour faire dépenser moins d’argent, puisque ça rend potentiellement la finale plus difficile pour un gain similaire… néanmoins, ça dépend comment on voit les choses. En effet, même sans compléter la grille, le candidat gagne toujours 100 € par mot trouvé, donc ça permet de remporter 600 € au lieu de 500 € en cas de quasi-sans faute ; en outre, avec le temps imparti qui augmente en contrepartie, on passe d’un temps de réflexion moyen de 7,5 secondes/mot à 8,6 secondes/mot. Techniquement, le candidat est quand même un peu gagnant, vu comme ça…
Bon, là où le candidat a véritablement été gagnant, c’est dans le fait qu’un système de champion est apparu par la même occasion, avec la possibilité d’enchaîner 5 émissions au maximum.
Cela dit, vous devez vous demander pourquoi je parle de Slam dans cette catégorie. Eh bien, parce qu’il manque un cas de figure dans tout ça (sans parler du Grand Slam, dont les gains ont été dopés aux stéroïdes).
Ainsi, en 2014, le gain maximal est passé de 1 000 € à 2 000 € ; mais sans que le format de la finale ne change entre temps, ni que le jeu ne passe à un autre horaire (son dernier changement d’horaire datant de 2012, pour qu’il soit diffusé juste avant QPUC).
De fait… j’imagine que la seule explication vient tout simplement du gain en popularité du jeu, et d’un moyen de le remercier pour avoir été autant suivi depuis ses débuts.
Je peux également citer Motus, dont le montant ajouté à la cagnotte avait augmenté dès 2009. En effet, alors que celui-ci était originellement de 5 000 F, puis de 800 €, il a été arrondi à 1 000 €.
Pour le coup, difficile d’avancer la même hypothèse que pour Slam, puisque Motus existait déjà depuis belle lurette, et n’a pas soudainement gagné significativement en popularité fin des années 2000.
J’imagine que les décideurs souhaitaient juste avoir un gain plus rond… allez savoir.
Enfin, il y a également un dernier exemple, que je ne savais pas trop où caser : TLMVPSP.
Initialement, le format de la finale était basé sur 5 questions par candidat. Mais, assez rapidement, une sixième question a été rajoutée. Étant donné que le montant en jeu est calculé selon le score du challenger, avec 100 € par point remporté, l’ajout de cette sixième question permettait donc de faire passer le gain maximum par émission de 2 500 € à 3 000 €.
Le fait est que je ne sais pas vraiment ce qui a motivé l’ajout de cette sixième question. L’hypothèse du gain en popularité comme pour Slam semble très probable, puisque TLMVPSP a connu un succès fulgurant assez vite (hélas…) ; mais, personnellement, je me suis également demandé si ce n’était pas pour rendre le concept un peu plus consistant, parce que 5 questions en finale, ça faisait un peu trop léger, compte tenu de l’enjeu double de celle-ci (qui est à la fois de déterminer le gain en jeu, mais aussi de savoir si le challenger va détrôner le champion). Étant donné que les deux premières manches se sont elles aussi enrichies de questions supplémentaires, sans que ça ne fasse dépenser plus d’argent à France 2, c’est pourquoi cette seconde hypothèse m’a semblé viable.
Sauf que, sous la version Jarry (vous le sentiez venir hein ?), la sixième question par candidat de la finale a été supprimée en catimini ! (de même que les questions supplémentaires en manche 2.) Et le gain maximal par émission repasse alors à 2 500 €… là, l’hypothèse du gain en popularité ne tient plus du tout, puisque l’émission a justement gagné en audience avec les “ “ “nouveautés” ” ” impulsées par Jarry. Donc, au contraire, on serait plutôt dans le moyen insidieux de faire faire des économies au diffuseur, en mode ni vu, ni connu ; en espérant justement que toutes les folâtreries impulsées en contrepartie pourront faire diversion. Chassez le naturel, il revient au galop…
Cependant, comme la version Féraud s’est dotée du retour à une 6e question pour la finale (avec donc un retour à un gain maximal de 3 000 €)… je ne sais vraiment plus quoi en penser. Faut-il croire que c’était juste Jarry qui trouvait qu’il y avait trop de questions, et Cyril Féraud pas assez ? Mais toujours est-il que cette gestion du gain maximal par émission ne semblait finalement pas être motivée par des raisons budgétaires… enfin bref.
Conclusion
Vu que la série d’articles était assez longue, je vais la faire courte : la gestion des gains dans les jeux TV est un processus assez complexe, que les décideurs doivent savamment calculer, en fonction des différents enjeux, que ce soit ceux inhérents à la mécanique du jeu ou ceux de la case horaire destinée à l’accueillir.
Il faut juste veiller à gérer cet aspect-là subtilement, de sorte de ne pas donner l’impression que les candidats se font pigeonner. Tous les concepts de jeux n’ont pas forcément à promettre des mille et des cents ; en revanche, il ne faut pas non plus que leur radinerie ne saute à la figure des spectateurs.