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La défaite dans les jeux TV

Quand vous jouez à un jeu (peu importe lequel, que ce soit un jeu de société, un jeu vidéo, une activité sportive…), on a très certainement déjà dû vous dire de relativiser l’importance de le gagner. Qu’il faut également savoir perdre avec le sourire car personne n’aime les mauvais perdants, que ça ne reste qu’un jeu et que ça ne vaut pas la peine de s’énerver dessus, etc.
Dans le cas des jeux TV… c’est pareil, même s’il faut tout de même reconnaître qu’avec les enjeux potentiels, il y a de quoi se laisser emporter. Oui, quand vous jouez à QVGDM sur mobile, sur Switch ou en version jeu de société, c’est facile de minimiser les enjeux, puisque vous ne gagnez pas d’argent en faisant ça ; mais sur un plateau TV, avec la possibilité réelle de gagner de l’argent palpable, vous aurez très certainement un plus gros pic d’euphorie si vous arrivez à gagner une grosse somme, ou a contrario une grosse déception/frustration si vous perdez.
Bon, idéalement, ce serait bien que tout le monde puisse gagner… mais avouons quand même que ça n’aurait pas grand intérêt, et que si la logique Bisounours était vraiment payante, ça ferait belle lurette qu’elle serait appliquée quasiment partout (et puis bon, les producteurs et diffuseurs n’ont pas des ressources financières infinies). En tant que spectateur, ça a donc un sens et un intérêt de pouvoir voir des candidats potentiellement perdre, tout simplement car ça fait partie de l’essence de la plupart des jeux.

Toutefois, il y a défaite, et défaite.
Autant dans certains jeux, le spectateur aura tendance à être déçu, voire triste, pour le candidat qui aura perdu ; mais dans d’autres, il trouvera ça surtout énervant, la faute à une mécanique mal calibrée (oui, vous me connaissez, vous savez à quel point j’attache de l’importance à ça dans les jeux) ou à un souhait de la production. Ou les deux ensemble.

On va donc voir à travers cet article l’importance de pouvoir proposer des scenarii de défaite pour les jeux TV ; mais également la façon de proposer des défaites « satisfaisantes », de sorte qu’elles ne suscitent pas de frustration de la part du spectateur.

Qu’est-ce qu’une défaite ?

Mais d’abord, entendons-nous bien sur ce que j’appelle une « défaite », ou le fait pour un candidat d’avoir perdu.
Bon, ça semble évident vu comme ça, puisqu’un candidat qui perd, c’est un candidat qui… n’a pas gagné. Mais là encore, qu’entend-on par « gagner », surtout dans des jeux où les enjeux ne sont pas binaires ?
Dans un jeu comme Questions pour un champion, c’est évident de définir un gagnant et des perdants ; puisqu’à chaque manche, un joueur est éliminé, et que le candidat qui gagne la finale gagne également la partie, sans que ça ne se prolonge après (système de champion à part, mais je ne le prendrai pas en compte dans cet article).
Mais dans un jeu où un candidat peut gagner aussi bien une (toute) petite somme qu’un gros lot, à quel moment peut-on parler de réussite ou d’échec ? … ça dépendra des cas.

Par exemple, est-ce qu’un candidat qui n’obtient que 300 € dans une finale de Slam peut être considéré comme « perdant » parce qu’il n’a pas remporté le maximum de 2 000 € ? Pour moi, la réponse est clairement non, puisqu’il obtient tout de même un gain non négligeable par rapport au maximum ; et que le simple fait d’avoir réussi à atteindre la finale, face à deux autres concurrents, fait de lui un gagnant.
En revanche, s’il gagne zéro euro en finale, là on peut parler d’échec, même si c’est relativisé par le système de champion qui lui permet de revenir le lendemain, et potentiellement retenter sa chance en finale s’il y arrive.

Autre exemple : dans un jeu comme A prendre ou à laisser, on peut se dire qu’il n’y a théoriquement pas moyen de perdre, puisque le candidat repartira forcément avec quelque chose à la fin… mais les sommes ne se valent pas toutes. Après tout, entre gagner un euro et en gagner 250 000, il y a tout de même une différence… donc ici, on peut considérer qu’un candidat a perdu dès lors qu’il a remporté une somme considérée comme trop faible. Et encore, même là, ça reste assez subjectif : pour faire simple, on pourrait considérer que toutes les sommes en bleu correspondent à une défaite, et toutes celles en rouge à une victoire… mais pour ma part, je ne considère pas 5 000 € ni 10 000 € comme un gain déshonorable pour les saisons où ces gains-là étaient associés à du bleu.
En revanche, pour un jeu comme le Millionnaire, il n’y a pas de « perdant » à mon sens (le simple fait d’avoir eu les trois télés sur votre ticket à gratter faisant de vous un gagnant d’office), dans la mesure où même le minimum syndical vaut clairement le déplacement sur le plateau pour tourner la roue. Du moins si vous n’êtes un personnage du sketch Les sous-sous dans la popoche des Inconnus, qui considèrent qu’ils perdent lorsqu’ils n’ont pas le milliard.


Ce sketch me fera toujours marrer.

On peut aussi parler d’un cas plus complexe comme QVGDM (et un bon nombre de jeux reposant sur ce principe, comme NOPLP v1), où, à moins de ne pas avoir réussi à passer le premier palier (bon, il faut quand même le vouloir, vu la simplicité d’accès de celui-ci…), le candidat repart forcément avec un minimum de 1 500 € (je m’en tiens à la version Foucault, flemme de prendre en compte la version Combal), voire 48 000 € s’il arrive à passer le second palier.
Ici, je considèrerai comme une défaite le simple fait d’avoir perdu une question, quand bien même le candidat repart avec un gain minimal honorable dans (quasiment) tous les cas. En revanche, si le candidat décide de lui-même s’arrêter pour repartir avec ses gains en cours, je considèrerai ça comme une victoire de sa part. Un peu par défaut, certes, puisque le candidat ne fait qu’éviter une défaite dans ce cas de figure, en optant pour un troisième scénario possible (i.e. ni mauvaise réponse, ni bonne réponse, juste l’absence de réponse)… mais sinon, le seul moyen de gagner serait de répondre correctement à la question à un million, ce qui me semblerait quand même particulièrement ardu (même si certaines variantes comme Hot Seat ont essayé de le faire… on en reparlera…).

Bref, personnellement, je considèrerai une défaite comme un scénario où le candidat sort du jeu, de façon irrévocable, sans avoir pu remporter quelque chose, ou en étant parti avec un lot en-deçà de ce qu’on aurait pu espérer pour lui dans de meilleures circonstances.
Ca reste une définition très subjective, je suis d’accord, mais elle me suffira pour étayer mes propos.

Le processus émotionnel derrière la notion de victoire ou d’échec

La plupart des jeux TV aiment jouer sur les émotions des candidats et des spectateurs pour susciter de l’intérêt. Ca n’a rien de honteux dans l’idée : après tout, quand vous regardez un film ou une série, celui-ci ou celle-ci sera d’autant plus apte à vous captiver qu’il/elle saura jouer sur vos émotions.
Toutefois… ne perdons pas de vue qu’un jeu TV n’est pas non plus un film ou une série, dans la mesure où ce n’est pas de la fiction ; et qu’ici, on joue avec des candidats réels, dans des contextes où leur participation peut avoir un impact sur leur vie. Non seulement en termes de gains potentiels, mais aussi d’image, puisqu’en acceptant de jouer à un jeu TV, ils autorisent les producteurs et diffuseurs à exploiter leur image le temps de leur participation.
C’est d’ailleurs pour ça que la télé-réalité est autant décriée, d’autant plus quand on a pu voir l’impact que certaines émissions ont eu sur leurs candidats dans la vraie vie. Sans parler de programmes comme L’île de la tentation, où ça devient carrément de l’abjection pure et simple ne serait-ce que conceptuellement parlant. Et même en dehors de la télé-réalité, certaines émissions ne sont pas en reste, comme Y a que la vérité qui compte où la manipulation émotionnelle devient carrément une façon grossière d’étaler la vie d’inconnus sur le petit écran.

Mais bon, les jeux de plateau ne vont heureusement pas aussi loin que certaines télé-réalités, même s’ils peuvent également être aptes à avoir un impact significatif sur la vie des candidats (surtout depuis quelques années, où les candidats tendent à devenir les vedettes des jeux, notamment via les systèmes de champion illimités). Aussi, la manipulation émotionnelle reste tout de même bien plus soft la plupart du temps, et on ne cherchera généralement pas à mettre les candidats dans des situations de détresse émotionnelle trop forte.
Enfin… du moins pour les jeux que j’ai l’habitude de traiter, parce que les bouses type N’oubliez pas votre brosse à dents ou Chante si tu peux, malheureusement ça existe (et, non, je tiens trop à ma santé mentale pour les traiter un jour, même si on pouvait encore en trouver des épisodes à l’heure actuelle). Et j’exclus volontairement les jeux d’aventure, qui sont un cas à part (certains comme Koh-Lanta étant même juridiquement définis comme de la télé-réalité), et pour lesquels l’incidence sur la vie réelle va souvent un peu au-delà de l’émission elle-même. Avouez que vous avez déjà eu une très mauvaise opinion de certains candidats de Pékin Express obnubilés par la compétition au détriment de leur capital sympathie, ou de people de Fort Boyard qui ont ouvertement montré qu’ils n’avaient pas envie d’y être… (même si pour certaines saisons, je peux les comprendre, moi non plus je n’aimerais pas venir pour que Rovelli ou Gossbo me balancent des trucs sur la tronche parce que c’est censé être drôle)

Mais ce qui m’intéresse ici, c’est surtout l’impact émotionnel que peut avoir un candidat qui perd sur le spectateur.
A ce niveau-là, distinguons tout de même deux types de jeux :

  • Les jeux reposant sur une confrontation entre plusieurs candidats ;
  • Les jeux ne reposant que sur un seul candidat, un binôme de candidats, ou une équipe de candidats.

Dans le premier cas de figure, le fait de perdre pour un candidat est celui de sortir de la partie et de ne pas pouvoir concourir pendant le reste du jeu ; donc le fait de pouvoir perdre est totalement anodin, et ne suscite pas particulièrement d’impact émotionnel fort, à moins d’assister à un match particulièrement serré entre les candidats (comme on assisterait à un match sportif avec un niveau très élevé entre les adversaires). Bon, ça ne rend évidemment pas ces jeux-là inintéressants, dans la mesure où on les regarde aussi (et surtout) pour savoir qui va gagner, et qu’on ne cherche pas forcément à avoir un ascenseur émotionnel en les visionnant. Notons d’ailleurs que pour certains jeux comme Le maillon faible ou Qui est le bluffeur ?, où les candidats s’éliminent entre eux, on peut avoir le sentiment qu’une exclusion n’est pas méritée, et réagir en ce sens.
Toutefois, le phénomène des grands champions a eu tendance à changer la donne, dans la mesure où le public va guetter avec attention LE moment où le grand champion va faillir, et rendre sa défaite d’autant plus marquante, mettant un terme à son hégémonie. La manipulation émotionnelle fonctionne pour deux raisons : d’une part, on a appris à connaître le champion, à force de le voir perdurer sur un grand nombre d’émissions, donc ça fait quelque chose de le voir s’arrêter ; d’autre part, plus le champion s’accroche, plus le spectateur est curieux de savoir jusqu’où il peut aller, enclenchant un côté addictif.
Pour ma part, je suis plutôt insensible à ce genre de manipulation émotionnelle (étant donné que, comme vous le savez, l’intérêt que j’ai pour les systèmes de champion illimités pourrait se résumer à… mêh.) ; néanmoins, je comprends pourquoi ce genre de formule a autant de succès auprès du grand public.


Mouais, je suis sûr que j’aurais dû être ému par la dernière émission de Laurens, qu’il soit devenu le deuxième meilleur grand maestro de NOPLP, et ait fait un parcours aussi exceptionnel… mais honnêtement, j’ai surtout ressenti énormément de lassitude en regardant les émissions de cette période-là, tant leurs scenarii étaient prévisibles. Ce n’est clairement pas contre lui, c’est surtout par rapport à l’émission et à son système de champion que je dis ça.

Ce qui va surtout m’intéresser concernant l’impact émotionnel, c’est le second cas de figure, concernant les jeux qui ne reposent pas sur une confrontation.
Dans cette catégorie, on trouve évidemment tous les jeux à la QVGDM, Fort Boyard et les jeux avec une formule similaire (Un pour tous30 000 euros chronoHold-up…), ou encore des exemples plus singuliers comme APOAL, The WallMoney Drop ou certains jeux Française des jeux (mais je n’en parlerai pas trop ici).
Ici, comme il n’y a pas moyen de focaliser l’attention du spectateur sur une quelconque compétition, tout l’intérêt des jeux de ce genre repose sur le fait de savoir si, et surtout combien, le candidat va gagner. Donc il y a une certaine importance à mettre en place une mécanique où les candidats peuvent être amenés à perdre ou à remporter des gains plus faiblards.
D’ailleurs, la plupart de ces jeux aiment accentuer leur dramaturgie, ainsi que les moments de suspense, pour appuyer ce côté-là. On a même parfois droit à un portrait du candidat qui va jouer avant de démarrer la partie, pour renforcer l’attache qu’on peut avoir envers lui, et faire un peu de pathos à son sujet pour rendre sa potentielle victoire d’autant plus réjouissante ou sa potentielle défaite d’autant plus triste… ce qui peut alors devenir de la manipulation émotionnelle assez grossière (pas vrai, Spin the wheel ?).

Après, on ne souhaite évidemment pas que les candidats perdent trop souvent non plus. Mais il faut juste montrer qu’une défaite reste possible de temps à autre (tout comme il faut montrer qu’une réussite à 100% reste également dans l’ordre du possible).
Prenez par exemple le cas de Fort Boyard (saisons 1990 et 2010 exclues, leurs règles étant trop spécifiques) : personnellement, les émissions les plus mémorables à mon sens, étaient majoritairement celles qui se sont soldées par un échec pour l’équipe ; justement parce que ce cas de figure n’est pas le plus fréquent, mais est susceptible d’arriver. Et l’impact émotionnel est clairement présent quand ça arrive, puisqu’on est également triste pour l’équipe que tous leurs efforts n’aient finalement pas abouti. En outre, ça montre également qu’on a affaire à un vrai jeu, dans lequel la victoire n’est pas toujours garantie, et qu’il ne faut donc pas prendre à la légère. En outre, la défaite n’est pas sanctionnée de la façon la plus sévère non plus, un gain minimal étant garanti pour avoir participé (… même s’il aura fallu attendre 2003 pour que tous les cas de figure soient pris en compte correctement. Les 700 euros de gains de l’équipe de Tex en 2002 étaient un peu trop ridicules…).
A contrario, depuis quelques années, on a des mots-codes qui ont tendance à se simplifier un peu trop, et des défaites qui tendent à se raréfier par la même occasion. Une bonne chose, puisque les équipes sont garanties d’avoir des gains assez honorables ? … non. Au contraire, ça tend à rendre les visionnages davantage lassants, à force d’avoir des scenarii similaires, et de vouloir être trop gentils avec les candidats. Tout ce que ça fait, c’est priver le jeu de son point d’orgue, en transformant la Salle du Trésor en simple formalité, là où la chute des Boyards était censée être le climax de l’émission. A quoi bon vouloir réfléchir à des règles et à toute une mécanique de jeu, si c’est pour qu’au final on ait des résultats qui soient trop interchangeables ?


Non mais rien qu’avec ce premier indice, les possibilités sont considérablement réduites… ce qui tue complètement l’intérêt de la séquence.

Un exemple inverse pourrait être celui de APOAL… version Hanouna.
Pour les versions Arthur et Courbet, pas de problème, on a eu des scenarii variés, et au moins une émission où le gain maximal a été remporté, prouvant que ce n’était pas juste une chimère pour faire rêver le public gratuitement.
Mais dès que Cyril Hanouna a repris le flambeau… c’est devenu la fin des haricots. En toute une saison, le gain maximal (anormalement alléchant pour un jeu de C8, et avec l’idée saugrenue de le faire fructifier tant qu’il n’était pas remporté) n’est jamais tombé… et même pire que ça, le jeu semblait mettre un point d’honneur à ce qu’il ne puisse jamais être gagné, en prenant soin par exemple à ne proposer d’échanges de boîtes qu’une fois celui-ci éliminé de la partie.
Le problème était que, techniquement, la chaîne et la production n’avaient pas les moyens d’assumer ce genre de gain « à la TF1 », ce qui les arrangeait donc bien qu’elle ne tombe jamais. Sauf que le spectateur n’est pas censé le savoir, ça. Là, ça devient du « Demain, on rase gratis » histoire de faire rêver sans assumer, jusqu’à ce que le spectateur comprenne qu’on le prend pour un imbécile.
Bref, tout ça pour dire que montrer des défaites, c’est bien ; mais que ça reste tout aussi important de pouvoir montrer également des scenarii de réussite totale.


Vous voyez ce montant « 250 000 € » en bas à droite, qui paraît anormalement élevé par rapport aux autres mis en jeu ? Oubliez-le…

Et de façon plus générale, s’il est nécessaire de montrer qu’on peut perdre, il faut aussi s’assurer que le sentiment de déception envers le candidat malheureux ne devienne pas un sentiment de colère envers un travers de jeu.

Soyez juste envers les candidats

Oui, on y vient : les cas de figure où un échec a de quoi susciter de l’énervement.

A mon sens, quelqu’un qui est réellement un mauvais perdant, c’est quelqu’un qui n’accepte pas sa défaite dans un jeu qui est (à peu près) équitable et bien calibré. En revanche, si le jeu est de base mal conçu, là, on peut comprendre qu’il ait des raisons de râler.
Prenez par exemple les jeux de casino : étant donné que leur objectif, c’est d’être rentables pour les casinos, leur but sera bien évidemment de faire en sorte de plumer un maximum les joueurs… du moins, sans que ce ne soit trop flagrant. Par exemple, pour la Roulette, vous pouvez vous dire que remporter 36 fois sa mise si on a misé sur le bon numéro (de 0 à 36) est tentant… mais comme vous n’avez qu’une probabilité de 1/37 de gagner, l’avantage reste du côté du casino. Et ne cherchez pas, même avec des méthodes mathématiquement éprouvées pour battre la roulette, les casinos trouvent systématiquement une parade pour que vous ne puissiez pas les appliquer en pratique. Donc… statistiquement, vous risquez d’être beaucoup plus souvent perdant à la Roulette, à cause de règles délibérément en faveur des casinos, pour lesquelles un joueur non averti risque de se faire avoir.

Et au niveau des jeux TV, il y en a clairement quelques-uns pour lesquels j’éprouve un vrai sentiment de frustration en voyant les candidats perdre, à cause d’une mécanique mal fichue.

Commençons déjà par les jeux pour lesquels certains candidats, même à leur meilleur niveau, peuvent ne tout simplement pas gagner.
Ca peut être à cause d’un système de champion mal fichu à la TLMVPSP/NOPLP v2/Trouvez l’intrus (vous pouviez être sûr que j’allais y faire allusion…) ; mais ça peut être aussi à cause d’un système qui fait en sorte que des candidats peuvent théoriquement ne jamais avoir la main, comme Motus ou The Wheel ; ou encore dans un jeu comme The Wall, lors de lancers de boules qui font perdre de l’argent sans être corrélés aux performances des candidats.
Dans tous ces cas de figure, pouvoir gagner la partie revient parfois voire souvent à une question de chance ; que ce soit la chance de ne pas tomber sur un champion qui va faire un sans-faute tout en étant protégé par des règles qui lui seront favorables, ou la chance que ses adversaires se plantent ou fassent un tirage au sort malheureux pour que la main passe.
Or, je ne suis pas en train de regarder un jeu type Tac-O-Tac Gagnant à vie, qui fait s’affronter des candidats en laissant totalement la part belle au hasard ; mais des jeux qui requièrent des compétences précises, et qui ne devraient pas être parasités par des règles hors sujet prenant le dessus.
Parce que voir un challenger de NOPLP avec un excellent niveau se faire recaler parce qu’il tombe sur un grand maestro qui fait un sans-faute, ou un joueur de Motus qui n’aura quasiment jamais pu proposer un mot parce qu’on ne lui aura jamais passé la main… ce n’est clairement pas la même chose que de voir un épisode de NOPLP ou de Motus avec des candidats médiocres. Dans le premier cas, la défaite paraîtra tout simplement injuste ; dans le second cas, elle sera en revanche davantage légitime.


Comme le champion a fait un sans-faute (sur seulement trois questions de type QCM…), la challenger est éliminée d’office ; puisque si elle parvenait à égaliser, elle perdrait quand même par défaut. La seule émotion que je ressens en regardant Trouvez l’intrus en dehors de l’ennui lié à sa mécanique insipide, c’est la consternation liée au fait d’avoir un système de champion aussi pourri, qui rend toute défaite de challenger énervante.

Citons ensuite les jeux qui souffrent du syndrome « Tout ou rien », où la victoire ne dépendra que d’une seule question, et où le résultat sera totalement binaire, avec soit une défaite, soit une réussite.
Dans cette catégorie-là, je peux bien évidemment citer Money Drop et sa dernière question où il faut tout miser sur une seule réponse ; je peux également citer The Wheel (encore lui…) où tout se joue sur une dernière question sur laquelle le candidat n’a aucun pouvoir de décision réellement significatif (le fait de choisir son people pour l’aider ? Bullshit, le système pour déterminer son niveau est bien trop bâclé pour que ce soit intéressant !) ; ou encore la déclinaison Hot Seat de QVGDM, où les candidats n’ont jamais la possibilité de s’arrêter en cours de route et sont forcés d’aller jusqu’au bout s’ils espèrent pouvoir gagner quelque chose.
Tous ces cas de figure ont ce côté frustrant de faire se dire, en fin d’émission : « Quoi, tout ça pour ça ?! », en donnant l’impression qu’on a complètement bâclé le final, et que les 90% de l’émission auxquels on a assisté ne serviront potentiellement à rien. Le sentiment de perte de temps est accru, et on est d’autant plus dégoûtés pour les candidats qui perdent, car ils subissent vraiment la mécanique mal foutue du jeu de plein fouet.


Je le redis, mais imaginez que vous ayez réussi à conserver 100 000 euros dans Money Drop, pour tomber sur une dernière question où on vous demande si les bulots ont un QI supérieur à celui des huîtres… être contraint de jouer autant d’argent sur une question potentiellement trop pointue et sur laquelle on n’a aucun pouvoir de décision, c’est du foutage de gueule.

D’ailleurs, pour le cas de figure précédent, on peut aussi citer Carbone 14 ou 30 000 euros chrono, qui souffrent quelque peu de ce problème, le premier n’autorisant pas de s’arrêter à n’importe quel moment durant la partie, et le second faisant jouer le gain maximal sur une seule question à 6 propositions de réponse, sans que le candidat n’ait son mot à dire sur la question.
Mais ce sont des cas de figure moins frustrants ; et, bien qu’ils eussent pu être largement mieux gérés, leur résultat n’est pas catastrophique non plus. Dans Carbone 14, on a le joker du gel des gains qui permet de garantir un minimum au candidat lorsqu’il le souhaite ; et dans 30 000 euros chrono, si on ne remporte pas le gain maximal, on remporte tout de même quelques centaines d’euros.

Notons par ailleurs que d’autres jeux se terminent sur une finale « Tout ou rien », potentiellement difficile, mais sans pour autant paraître injustes pour les candidats.
Ainsi, dans le Pyramide des années 90, il faut trouver les 6 expressions de la Grande Pyramide pour gagner (sauf dans les toutes premières émissions où c’était plus modulaire) ; dans La Cible, il faut passer les 6 niveaux du cœur de cible pour gagner (sauf dans les dernières émissions où c’était plus modulaire) ; dans La gym des neurones, il faut résoudre les 6 énigmes de la finale pour faire exploser le cube (décidément, ces finales adorent le chiffre 6…) ; dans Les z’amours, il faut donner 7 bonnes réponses (ah. Au temps pour le chiffre 6.) pour gagner le gros lot ; ou encore dans Motus, il faut trouver 10 mots pour valider la Super Partie, etc.
Néanmoins, en dépit de leur difficulté (et même si je leur aurais préféré un système plus modulaire), toutes ces finales ne sont pas injustes pour les candidats. Ne serait-ce déjà que parce qu’ils ont quand même droit à un lot de consolation qui vaut un peu le coup la plupart du temps ; mais aussi car ces jeux ne mettent pas d’emphase sur les parcours individuels des candidats. Avant que ces finales ne soient jouées, on a pu suivre une compétition entre adversaires ; donc, d’une certaine manière, le spectateur est déjà satisfait de savoir qui a gagné. Et le fait que ces finales soient difficiles rendent d’autant plus exaltantes les fois où elles sont gagnées. Un peu comme dans QVGDM : les candidats ayant remporté le gain maximal ont été certes très peu nombreux, mais ça rendait d’autant plus événementielles les fois où c’est arrivé.
Le fait de savoir si le candidat va remporter la finale ou non n’est donc plus ou moins qu’un gros bonus qui vient clôturer l’émission ; à la différence d’un Money Drop, où l’intérêt dépend totalement du gain des candidats, et où le côté « tout ou rien » de la question finale n’a rien d’un bonus, puisque c’est celle-ci qui va valider tout le reste.


C’était d’ailleurs une petite régression pour Pyramide, les premières émissions ayant un gain plus modulaire. Mais ça reste prenant.

Dans la famille des jeux dont les règles sont mal calibrées à un point où les éliminations de candidats peuvent devenir particulièrement énervantes, je pourrais citer Pékin Express.
Oh là là, celui-là, je pourrais m’étendre dessus pendant des heures, tellement il regorge de règles mal fichues que la production met un point d’honneur à ne jamais corriger… mais pour ne pas rallonger cet article qui promet déjà d’être assez long comme ça, je vous redirige vers mon top 10 des pires règles de ce jeu.
Néanmoins, outre le fait que ce jeu a beaucoup de règles mal branlées qui rendent certaines éliminations injustes (ou même plus simplement certaines défaites lors d’épreuves d’immunité frustrantes), il est intéressant de constater qu’elles ne jouent pas toutes sur le même terrain.
Ainsi, le Time is money est une règle qui manque cruellement de régulation et qui, à l’instar d’une question finale de Money Drop, peut avoir de quoi ruiner tout ce qui a été instauré avant ; les enveloppes noires aléatoires de la demi-finale, qui transforment l’élimination d’un binôme en une bête loterie dans le pire scénario où chaque binôme en a une…
Mais le plus intéressant et le plus spécifique à ce jeu, ce sont surtout les règles liées à la stratégie et aux affinités entre binômes. Selon le binôme qui en profite, le résultat peut être calamiteux, pour peu qu’il ait un binôme de concurrents dans le collimateur. Car certaines règles comme le drapeau rouge ou les Intouchables manquent là encore cruellement de régulation, au point même où le binôme qui détient l’avantage peut carrément avoir un droit de vie ou de mort sur les autres. Et ça, ce n’est absolument pas normal.


Je te hais tellement, drapeau rouge de mes deux…

Enfin, ce n’est pas lié à la mécanique, mais ça reste tout aussi important : messieurs dames les producteurs, veillez à ce que les questions posées aux candidats ne soient pas injustement difficiles, ou qu’au contraire leurs adversaires ne bénéficient pas de questions injustement simples en comparaison.
Alors, bien sûr, j’entends par là que le niveau de difficulté doit rester proportionné à l’intention recherchée au moment voulu. Par exemple, pour QVGDM, c’est normal de poser une question difficile quand on passe le second palier ; mais ça ne l’est pas quand on n’a même pas encore passé le premier (ce qui n’est à ma connaissance jamais arrivé, mais c’est un exemple théorique).

Après, je sais que doser le niveau de questions de culture générale pure n’est pas toujours chose aisée, la culture générale étant un domaine finalement assez subjectif comme j’ai eu l’occasion d’en parler ailleurs. Donc quand on doit écrire des questions pour des candidats différents, c’est finalement normal que leur niveau de difficulté ne soit pas à 100% équilibré. Mais tout de même, il y a vraiment des fois où certains jeux semblent le faire exprès, au point qu’on a vraiment l’impression que les producteurs souhaitent favoriser un candidat ou léser l’autre, tellement la subtilité tend à faire défaut dans certains cas…
Non pas sans raison, évidemment. Les producteurs n’ont aucun intérêt à truquer un jeu gratuitement. Le plus souvent, ce sera donc soit pour des raisons de dramaturgie ou de tentative de manipulation émotionnelle ; soit pour des raisons de budget, parce que la boîte de production ou le diffuseur ne peuvent pas assumer de trop fortes dépenses ; soit pour favoriser un champion (comme Les 12 coups de midi adore le faire) ou l’éjecter quand on en a marre, mais ça rentre plus ou moins dans la première catégorie finalement.


Non non, ce n’est pas une question issue d’une spéciale junior de LDCDM, mais plutôt une question qui ne semble être là que pour faire fructifier la cagnotte d’un grand champion.

Peut-on faire un jeu dans lequel il n’y a pas de perdant ?

Bien sûr !

… bon, on va nuancer un peu cet aspect-là, tout de même.
Selon la définition de « défaite » que j’ai donnée en début d’article, on peut trouver des jeux pour lesquels il n’y a pas de perdant, même dans un sens qui ne soit pas purement technique.
Quand je dis « purement technique », c’est dans le fait de potentiellement repartir les mains vides. Comme je le disais, APOAL est un jeu où on gagne forcément quelque chose (donc où il est techniquement impossible de perdre), mais comme certains gains ne sont que des blagues, je les considère comme une façon de perdre.

Le Millionnaire en est d’ailleurs un bon exemple, puisque même le gain minimal reste très bon ; certes un peu déceptif par rapport au gain maximal, mais pas non plus comparable au centime d’euro de APOAL.
Mais par conséquent, comment susciter l’intérêt du public sur ce genre de mécanique, si le candidat ne peut pas perdre ? Eh bien… en faisant jouer la manipulation émotionnelle sur un autre terrain.
Bon, déjà, les candidats du Millionnaire ne sont pas n’importe qui ; et, dans un sens, ils ont déjà gagné, dans la mesure où il leur a fallu avoir trois TV sur leur ticket à gratter pour avoir le privilège de tourner cette roue. Donc… si on compte le fait de devoir acheter un ticket et de ne potentiellement rien gagner avec dans le processus global, on peut se dire qu’il est techniquement possible de perdre au Millionnaire. Mais ce serait quand même tordu, avouons-le.
En revanche, on peut se dire que le simple fait de tourner une roue est suffisamment addictif pour capter l’intérêt du spectateur, en particulier quand la balle est à deux doigts de s’immobiliser dans la case du million. Ici, c’est clairement l’importance du gain maximal qui rend le visionnage captivant, même avec d’autres gains relativement moins bons (mais fort corrects dans l’absolu) présents sur la roue en comparaison.

Dans l’Euro Millionnaire, ces segments jaunes permettent d’accéder à une roue avec des gains encore plus avantageux. Ce qui permet d’ailleurs d’avoir trois roues pour le prix d’une, et donc potentiellement encore plus de suspense.

Autre exemple : Fort Boyard… durant la saison 1990.
Durant cette saison-là, pas besoin d’avoir 7 clés pour pouvoir entrer dans la Salle du Trésor, pas besoin de trouver un mot-code pour déclencher la chute des Boyards : il suffit juste d’ouvrir des coffres à l’aide des clés gagnées durant les épreuves. Epreuves pour lesquelles l’équipe est quoi qu’il arrive assurée de remporter au moins quelques clés, puisque si elle perd deux épreuves à la suite, elle envoie l’un de ses membres chez le Père Fouras ; et s’il ne répond pas correctement à son énigme, il lance la clé au filet, qu’un autre membre ira récupérer sans contrainte de temps ni rien. Donc même en étant particulièrement mauvaise, l’équipe n’arrivera quoi qu’il arrive pas les mains vides en Salle du Trésor.
Alors, je force peut-être un peu le trait en parlant de cette saison-là, car il est techniquement possible de la perdre… mais, vraiment, il faudrait y mettre une mauvaise volonté pathologique pour y parvenir. En ne cherchant pas à rentrer dans la Salle du Trésor, en mettant beaucoup trop longtemps à y pénétrer, en refusant d’ouvrir les coffres, en faisant tomber tous les Boyards avant de sortir, en ayant l’intégralité des membres de l’équipe qui reste enfermée à la fin du chrono… franchement, il faudrait clairement le vouloir pour ne rien remporter.
Mais quoi qu’il en soit, le principe en lui-même n’est pas mal trouvé. J’irais même jusqu’à dire que les producteurs ont pensé à faire une mécanique globale équilibrée, se prémunissant même contre certains cas de figure extrêmes (ce que Fort Boyard ne saura plus faire quelques saisons plus tard, obligeant à recourir à quelques trucages ça et là occasionnellement…), en s’assurant que les équipes puissent avoir des clés quoi qu’il arrive, tout en pénalisant suffisamment leurs mauvaises performances. Le programme avait beau balbutier durant sa première saison, je trouve que la formule qu’il avait inaugurée restait tout de même à peu près solide.
Cela étant… peut-être est-ce l’habitude des saisons suivantes, mais ce format de Salle du Trésor n’est sans doute pas aussi efficace émotionnellement parlant. On n’a effectivement pas de climax lié au suspense « Est-ce que le trésor va tomber ou non ? », ni de climax tout court, à part peut-être la révélation du gain final si l’équipe a vraiment été excellente. J’imagine que si ce format n’a duré que cette saison-là et n’a pas été conservé par la suite, c’est parce qu’il aurait probablement fini par lasser plus rapidement, en partie à cause de l’absence de situation d’échec.


Ah oui, ça change de ce qu’on connaît depuis.

Et enfin, citons un exemple bien plus récent, et qui est peut-être le plus « bisounours » du lot selon moi : Chacun son tour.
C’est bien simple : ce jeu refuse tout simplement qu’un candidat ne puisse repartir les mains vides ; aussi, il ne peut quitter définitivement le jeu qu’après avoir remporté une finale. S’il perd une finale, il reste candidat, et aura alors l’occasion de pouvoir continuer à jouer lorsqu’il sera tiré au sort. De fait, perdre des duels ou rater des lancers de balle au billard japonais n’a rien de dramatique, puisque le candidat aura toujours l’occasion de se refaire par la suite.
Et… c’est une façon de faire que je trouve très discutable. Bon, si on se fie aux audiences du programme et à son socle de fans, ça semble être une stratégie payante ; en revanche, si on est comme moi, on se dit que c’est assez stupide d’avoir un jeu où on ne peut jamais perdre, car ça rend la notion d’enjeu trop insignifiante pour susciter de l’intérêt. Pire : ça paraît même finalement plus rentable de gagner une finale le plus tard possible, afin de pouvoir disputer d’autres duels et de pouvoir gagner d’autres cadeaux ou de l’argent supplémentaire avant de partir.
En fait, le jeu est surtout calibré pour susciter de la manipulation émotionnelle via l’effet de bande et l’attachement qu’on peut avoir pour les candidats, ce qui fait que le pic émotionnel est atteint lorsqu’un candidat qu’on a appris à connaître pendant toutes les émissions passées a fini par remporter sa finale.
Donc… selon la façon dont vous voyez le jeu, ça peut marcher ou non. Pour ma part, ça me fait clairement l’effet d’un bol de soupe et me fait considérer CST comme un jeu sans grand intérêt, car je ne suis pas pris par l’effet de bande ni l’attachement pour les candidats, et j’en ai un peu rien à faire de les voir gagner plein de trucs à longueurs d’émissions ; mais si vous arrivez à être pris dedans, vous pouvez considérer que CST est un cas de jeu avec défaite impossible prenant.


… mouais, personnellement, on a beau nous montrer tout ce qui a été remporté par la candidate en 357 émissions, je retiens surtout le fait que ce jeu a une mécanique vraiment très bizarre.

Conclusion

Si le fait de montrer des candidats perdre est un outil quasiment indispensable pour qu’un jeu TV puisse être non seulement crédible mais également efficace dans la gestion des émotions, c’est un outil qui nécessite tout de même d’être manipulé intelligemment pour ne pas qu’il soit finalement contreproductif. Question crédibilité, si un jeu dans lequel on cherche à éviter la défaite n’est pas très convaincant, un jeu qui propose des défaites injustes à ses candidats ne le sera pas non plus.
Et finalement, s’il n’y avait qu’une seule chose à retenir, et sur laquelle j’insisterai toujours, ce serait : soyez juste envers les joueurs. Perdre à cause de règles mal calibrées ou d’une volonté de la production, ça n’a rien d’amusant ou d’émotionnellement prenant, c’est juste frustrant, et ça donne l’impression d’être pris pour le dindon de la farce.

garsiminium

Enchanté, moi c'est garsim. Bienvenue sur mon blog, où je parle de différents sujets, légers comme moins légers.

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