Après avoir traité Ces années-là, qui était un jeu pour lequel j’étais trop jeune pour l’avoir connu en direct, on va traiter un jeu dont j’ai des souvenirs plus nets, puisque j’avais eu l’occasion de le regarder en 2006 (nonobstant sa très courte durée de vie) : Carbone 14.
Le point commun entre ces deux jeux ? Le fait de jouer exclusivement sur les dates auxquels les événements donnés se sont produits. Mais si Ces années-là joue là-dessus avec un principe qui sent bon les années 90, Carbone 14 adopte, pour sa part, une mécanique plus typique des années 2000. Et selon cette logique, heureusement qu’on n’a pas eu de nouveau concept avec des événements à dater dans les années 2010, je n’aurais pas été impatient de découvrir la version avec un système de champion starifié et mal fichu comme cette décennie a adoré le faire…
Mais bon, force est de constater que ce principe de dater des événements ne semble finalement pas assez solide pour perdurer à l’antenne, puisque Carbone 14 connaîtra une diffusion express lui aussi, avec seulement un mois d’émissions. 2006 était de toute façon une année plutôt maudite en la matière pour France 2, puisque ce n’était pas le seul échec de programmation que la chaîne avait pu connaître à ce moment-là. Et ça me tue toujours autant que, parmi tous les jeux qu’ils ont pu tester à cette époque, ce soit TLMVPSP qui ait connu du succès, alors que c’était très facilement celui qui le méritait le moins pour moi… y a des fois où ce n’est vraiment pas facile d’avoir des goûts qui diffèrent de la masse, je vous jure.
Parce que sans aller jusqu’à dire que Carbone 14 est une pépite injustement oubliée, cette émission a tout de même ses quelques mérites, dont je vais parler plus en détail…
Ah, et avant de commencer, parlons de quelque chose qui m’a un peu embêté pour illustrer ma critique : à l’heure actuelle, l’émission semble malheureusement devenue totalement introuvable sur le net (le générique et quelques images ça et là sont les seuls vestiges que j’ai pu retrouver). En outre, elle n’a pas eu la chance, comme Le coffre, d’avoir existé en version étrangère.
Par conséquent, même si j’avais de quoi illustrer quelques paragraphes, ça ne me suffisait pas ; et pour pallier les images manquantes, le mieux que je puisse vous proposer, ce sont des schémas approximatifs, faits de mes blanches mains, afin que vous puissiez concrétiser le principe avec un support visuel. Donc gardez bien à l’esprit que la plupart des illustrations qui vont suivre ne reflètent pas vraiment l’habillage que l’émission a pu réellement proposer, ce sont juste des reconstitutions.
Qui veut gagner des millions… avec des dates
Bon, je ne vais pas vous refaire le coup de la fausse fin de critique parce que cette phrase résume tout, je l’ai déjà fait avec la version solo de NOPLP, et je me suis déjà abstenu de le faire pour EVPFQEDDA. Et puis, tout comme pour ce jeu, on n’applique pas non plus la formule QVGDM en mode brut de décoffrage, il y a des nuances.
Mais comme pour tout clone de QVGDM qui se respecte, on retrouve des éléments communs à cette émission, à commencer par le format « pyramide de gains », les erreurs qui sont directement éliminatoires, la présence de jokers pour aider le candidat, et le format feuilletonnant qui implique que le parcours des candidats n’est pas formaté sur une émission en particulier et que son parcours peut continuer le lendemain. Bref, je n’ai plus besoin de m’appesantir sur ces choses-là, depuis le temps.
En fait, je devrais même plutôt comparer Carbone 14 à la version solo de NOPLP, car elle a un peu plus de points communs avec cette émission-là qu’avec QVGDM. D’une part : le choix des thèmes laissé au candidat, sur lequel je reviendrai un peu plus loin. D’autre part : le fait que cette émission se spécialise sur un domaine de la culture générale en particulier, qui est en l’occurrence l’Histoire et les dates. Enfin, surtout les dates, car ce jeu ne va pas parler que d’événements historiques non plus (difficile de considérer la sortie d’un manga ou le mariage de John Lennon comme des événements historiques, par exemple…).
Et à ce sujet, je tiens d’ailleurs à féliciter l’équipe marketing pour le nom du jeu, car ça permet de faire assez subtilement une petite référence scientifique bien sentie au passage, avec une allusion au carbone 14, qui constitue une méthode de datation.
Cela étant, le but des candidats ne sera pas de précisément dater un événement, mais plutôt de pouvoir le situer sur une frise chronologique, avec d’autres événements de référence.
Le déroulement d’une session de jeu
Dans un premier temps, on va sélectionner le candidat qui va jouer sur le plateau, auprès du public. Celui-ci doit répondre à une question de rapidité, dans laquelle on donne quatre événements, ainsi qu’une date : le but étant de trouver l’événement qui s’est déroulé durant la date donnée.
Une fois le candidat sélectionné, celui-ci prend place sur le plateau, en face de l’animatrice.
Pour la première question, le candidat devra donner sa date de naissance ; puis l’animatrice citera un événement. Le candidat devra alors dire si celui-ci datait d’avant ou d’après sa naissance.
J’avoue, c’est original de faire des « questions » sur mesure comme celle-ci, avec un paramètre de la question qui dépend du candidat.
En revanche, l’événement en question, ce n’est pas du ressort du candidat ; donc si ça ne l’inspire pas, c’est du « une chance sur deux » pour lui… et si la pièce ne tombe pas du bon côté, c’est l’élimination directe. Potentiellement très expéditif, ce jeu !
Alors, certes, dans QVGDM aussi, tant que le candidat n’atteint pas le premier palier, la moindre erreur est éliminatoire… mais bon, il a quand même des jokers dès le début, au cas où (et avouons-le, le niveau des 5 premières questions est plutôt risible…). Pas dans Carbone 14, où les jokers n’arrivent qu’au fur et à mesure. Après, je reconnais que mettre un joker pour une question avec seulement deux possibilités de réponse…
(image reconstituée)
L’avantage, c’est que le candidat connaît sa propre date de naissance, donc c’est plus facile de situer un événement par rapport à celle-ci que par rapport à un autre événement dont il ne connaît pas la date.
Alors, Jeopardy!, lancé en France avant ou après la naissance de notre « candidat » ?
Heureusement, par la suite, le candidat aura un peu plus de pouvoirs de décision.
Car à l’instar de NOPLP version solo, cinq thèmes lui seront proposés, qu’il pourra traiter dans l’ordre qu’il souhaite. En outre, il pourra bénéficier d’un joker pour geler ses gains à partir de la deuxième question (j’y reviendrai), puis d’un joker C14 qui lui permettra d’avoir la date précise d’un événement demandé à partir de la troisième question.
Comme pour NOPLP, l’idée de ne pas avoir d’ordre précis est très bonne, dans la mesure où il y a un côté davantage stratégique.
(image reconstituée)
Dans quel ordre souhaiteriez-vous traiter ces (hypothétiques) thèmes ?
Pour les questions suivantes (hormis la dernière, j’y reviendrai), le candidat bénéficiera d’événements « repère », comme pour la première question ; mais ceux-ci ne seront pas datés (à moins d’utiliser le C14, à usage unique).
Ces événements repère seront placés sur une frise chronologique, puis on dévoile au candidat l’événement à classer dans cette frise. Les événements repère sont déjà classés par ordre chronologique, le candidat devra donc juste dire entre quels événements il place celui à classer.
La difficulté augmentera bien sûr au fur et à mesure des questions. Pour la deuxième question, il n’aura qu’un seul repère chronologique, et devra, à l’instar de la première, dire si l’événement a lieu avant ou après. Pour la troisième question, il y aura cette fois-ci deux repères sur la frise, et l’événement sera donc à placer soit avant le premier repère, soit après le second repère, soit entre les deux. Donc trois possibilités de réponse cette fois-ci. Et on augmente d’un repère pour chaque question qui suit.
Là encore, j’appuie le parallèle avec NOPLP solo, où on augmentait progressivement la difficulté des « questions » selon un critère objectif (ici le nombre de repères chronologiques), ce qui est un bon point.
(image reconstituée)
Cette fois-ci, les événements repère ne sont pas datés.
Alors, je trouvais l’idée de jouer avec les dates et de classer des événements par ordre chronologique plutôt originale dans mes souvenirs… sauf qu’à l’exception de la dernière question, les événements sont déjà placés sur la frise.
Ce qui fait qu’en fin de compte… le concept du jeu revient à faire du QCM déguisé. Présenté de façon originale, certes, mais du QCM quand même.
Bon, après, ça reste du chipotage de ma part, car ça n’enlève pas l’originalité de la façon de le présenter, ni du processus de réflexion pour le candidat. Et je reconnais que l’idée d’avoir un nombre de possibilités de réponse croissant au fur et à mesure que le jeu n’avance, c’est tout simple, mais assez peu vu globalement.
En outre, la dernière question promettra d’être davantage délicate à traiter, puisque celle-ci ne pourra pas se résumer à du QCM (enfin… techniquement si, mais comme c’est une chance sur 120, autant dire que le candidat est plus ou moins livré à lui-même sur ce coup-là).
En effet, cette fois-ci, le candidat aura 5 événements à classer… mais aucun d’entre eux ne sera placé par défaut sur la frise chronologique, ce sera à lui de dire où il classe les événements annoncés par rapport aux autres.
Bon, bien que techniquement, le jeu ne se donne pas trop les moyens de mettre cette question en forme de façon avancée (on aurait pu imaginer un écran tactile où le candidat fait glisser les événements sur la frise… mais non, il dit juste oralement « Cet événement-ci a lieu avant cet événement-là » jusqu’à tout classer, et la post-prod se charge du reste. Un peu léger…), ça reste un très bon principe pour conclure le parcours d’un candidat, en exploitant pleinement l’idée de base du jeu et en proposant un challenge un peu plus conséquent pour le candidat.
Un jeu un peu trop gratuitement difficile ?
Du coup, si vous avez bien suivi jusqu’ici, vous en avez déduit qu’au total, le candidat devra répondre correctement à six questions (sept, si on compte la question de sélection) pour arriver au bout. Ce qui est finalement assez peu pour ce genre de jeu, où, habituellement, on pose au moins une dizaine de questions pour décrocher le gros lot (10 pour NOPLP, 11 pour EVPFQEDDA, de 12 à 15 pour QVGDM).
Est-ce qu’il faudrait considérer ça comme un défaut ou comme une qualité ? … plutôt comme une qualité, pour moi.
En effet, le problème de la formule à la QVGDM, de façon générale, c’est le démarrage assez poussif des parcours des candidats, avec des questions un peu trop simples en début de parcours pour que ça ne suscite du suspense pour le spectateur. On s’ennuie toujours un peu au début, parce qu’à moins d’une surprise, les premières questions ne seront qu’une formalité pour le candidat, et il faudra attendre un peu avant de le voir commencer à douter et à opter pour des choix stratégiques.
Par conséquent, le fait que Carbone 14 aille plus directement dans le vif du sujet, en démarrant d’emblée par des questions de difficulté « normale » (certes simplifiées en comparaison du reste du parcours, mais qui ne sont pas là pour amuser la galerie comme dans QVGDM), permet de se mettre directement dans le bain. Au risque de rendre certes le parcours du candidat inhabituellement expéditif et frustrant pour lui, mais au bénéfice du gain de rythme que ça peut procurer.
Et au-delà de cette considération sur l’aspect « formalités » qui passe à la trappe, ce nombre de questions relativement faible s’explique par deux éléments.
D’une part, les gains en jeu ne sont pas mirobolants, avec un maximum de 5 000 euros potentiels (ça reste un jeu de fin d’après-midi pour France 2, il ne fallait pas s’attendre à mieux…).
D’autre part… il y a également une différence notable dans la façon de quitter le parcours, et pas en la faveur du candidat.
En effet, ce jeu a la particularité de ne pas permettre aux candidats de ne pas répondre à une question lorsqu’ils ne la sentent pas, et ils ne peuvent donc pas repartir avec les gains accumulés jusque là lorsqu’ils le souhaitent.
En outre, ce jeu ne dispose également d’aucun palier intermédiaire garantissant que le candidat repartira forcément avec un gain minimal une fois celui-ci dépassé. Le candidat ne disposera que de son premier joker acquis avant la question 2, le « gel des gains », qui lui garantira de repartir avec les gains accumulés avant son utilisation. Il pourra l’activer lorsqu’il le souhaite ; et heureusement, il pourra l’activer pendant une question, ce qui permet de légèrement compenser l’absence de possibilité de repartir lorsqu’il le veut. Mais une fois ce joker utilisé, le candidat n’aura pas d’autre choix que d’aller jusqu’au bout pour espérer des gains plus élevés.
Je suis particulièrement mitigé quant à cette difficulté dans la gestion du parcours.
Bon, déjà, je ne suis pas particulièrement fan de l’idée d’empêcher le candidat de repartir lorsqu’il le souhaite, et de le « forcer » à continuer jusqu’au bout. Je m’étais déjà exprimé à ce sujet dans Au pied du mur (TF1) avec les membres du mur « porte de sortie » qui pouvaient tenir bon pendant un peu trop longtemps et forcer le candidat à jouer pendant une durée indéterminée de façon pas très loyale ; ici, j’en pense à peu près la même chose, même si ça reste un peu mieux pensé avec le fait que le candidat est décisionnaire de sa porte de sortie.
Ce qui est assez frustrant par ailleurs, c’est lorsqu’un candidat a utilisé son gel des gains tôt dans son parcours, mais parvient quand même à aller jusqu’à la dernière question, et se voit forcé d’y répondre correctement pour ne pas retomber à 500 euros, alors que cette dernière question est autrement plus difficile… donc à moins d’une bonne surprise, on se dit que c’est un peu dommage d’avoir perdu son temps en voyant le candidat répondre à des questions dont on sait qu’elles n’auront finalement plus d’impact sur le gain qu’il va remporter au final.
Mais bon, disons que la balance avantages/inconvénients de ce système arrive à s’équilibrer… de justesse, pour moi.
Il a certes un côté restreignant pour le candidat qui en devient frustrant, mais la relativement courte durée du parcours, le joker du gel des gains et la possibilité de choisir ses thèmes dans l’ordre souhaité parviennent à rendre ce système un minimum viable, et heureusement.
(image reconstituée)
Comme de coutume pour ce genre de jeu, voici la pyramide des gains. L’astérique indique le palier que le candidat a souhaité geler, et le gain qui lui est donc garanti.
En revanche, j’ai un peu de mal à comprendre la logique dans la répartition des gains de cette pyramide. Pourquoi démarrer à 125€ et passer de 250€ à directement 1000€, plutôt que de démarrer à 250€, puis proposer un palier de 500 € ? Et pourquoi une progression « linéaire » par paliers de 500€ entre les questions 3 et 5 ? On aurait pu mettre la question 5 à 2500€, tant qu’à faire… bref.
Ah, et sinon, avant de conclure, je ne savais pas où placer ça dans ma critique ; mais la façon d’éclairer le plateau est très… particulière. Pendant tout le parcours du candidat, y compris lorsqu’il réfléchit aux questions, on va voir des sortes de flashes lumineux toutes les 5 à 10 secondes. Et quand on le remarque, ça devient très vite… obsédant, et même désagréable à regarder.
Je ne sais pas quel est le réalisateur qui a eu cette idée, mais je ne comprends pas comment il a pu penser que ça passerait bien à l’image… et même sur le plateau d’ailleurs, ça ne devait pas être très agréable à supporter, j’imagine.
Total : 12/20
Carbone 14 rentre dans cette catégorie de jeux à la fois plutôt injustement tombés dans l’oubli, mais pas non plus suffisamment marquants et peaufinés pour rester dans le plus grand nombre de mémoires possible.
Encore une fois, c’est un jeu que j’ai pris du plaisir à découvrir, de par l’originalité de son concept ; ou plutôt de la façon de remanier un concept pré-existant, tout en lui conférant sa patte de sorte à le démarquer des autres jeux. On a vu avec Ces années-là que le concept de jouer avec des événements à dater n’était certes pas nouveau à l’époque de Carbone 14 ; mais cette façon de jouer avec avait tout de même un côté plutôt rafraîchissant, en dépit des quelques défauts liés à la gestion des gains qu’on pouvait y trouver.
Cela dit, même si ça reste dommage que ce jeu n’ait pas fait long feu, je ne pense pas qu’il aurait eu le potentiel de tenir dans la durée très longtemps, car c’est un concept un peu lassant à la longue, en plus d’avoir un défaut un peu trop prépondérant dans la façon de geler les gains du candidat. Mais une fois n’est pas coutume, j’ai beaucoup apprécié la tentative.
Et c’est ainsi que se termine ce bloc thématique portant sur les jeux parlant d’événements et d’actualités. Dans le lot, nous avons pu voir des façons variées de jouer là-dessus, légèrement inégales, mais toutes relativement méritantes à un certain niveau, et qui ont toutes été des découvertes intéressantes pour ma part.
On ne va cependant pas trop varier la mécanique de jeu pour la prochaine fois, puisqu’on va rester sur une formule à la QVGDM.
Non, mieux que ça : on va même en traiter deux pour le prix d’une… et plus si affinités.