« Blockbuster ». Traduction, d’après le Larousse :
- Définition 1 : (livre, succès) Best-seller, livre à succès ; (film) Superproduction.
- Définition 2 : Bombe de gros calibre.
Étant donné que Blockbusters ne fait à ma connaissance pas allusion à des bombes (on n’est pas dans Boom ! Gagner ne tient qu’à un fil…), j’imagine que le titre vient plutôt de la première traduction… même si, du coup, ça me donne l’impression d’une dénomination un peu prétentieuse, pour un jeu qui n’est pas si exceptionnel que ça. Mais qui mérite quand même d’être découvert, et c’est bien pour ça que j’en parle ici.
Blockbusters, donc, est un jeu américain créé en 1980, qui a été exporté dans une petite quinzaine de pays étrangers… dont la France ! L’adaptation portait alors le nom Parcours d’enfer, était présentée par Pierre Bellemare, et était diffusée sur TF1 en 1987. Mais si je ne la traite pas, c’est parce que cette émission semble devenue complètement introuvable et tombée dans l’oubli. A tel point d’ailleurs que si vous faites des recherches dessus, vous aurez plus de chances de trouver des résultats au sujet du jeu de société dérivé du même nom que du jeu TV lui-même… bref, vous m’excuserez, mais étant dans l’impossibilité totale de traiter la version française, je me tournerai plutôt vers la version originale. Qui n’est peut-être pas complètement représentative de la VF, mais qui devrait tout de même en donner une petite idée.
« Sans que l’on comprenne vraiment l’utilité de cette règle » : en effet, quand on ne connaît pas le jeu télévisé, on peut trouver ça étrange. Mais on y reviendra…
Néanmoins, dans son pays d’origine, le jeu n’avait pas beaucoup marqué non plus, avec trois saisons, dont une plus tardive : deux en 1980-1982, et une en 1987, avec des règles un peu différentes que je détaillerai plus loin.
Ca reste tout de même pas mal, mais très loin de certaines versions où ça a duré beaucoup plus longtemps, comme la version allemande (1988-1995), la version israélienne (1985-1996), la version indonésienne (1989-1999) ; et surtout la version britannique, qui a carrément connu quatre salves de diffusion distinctes (1983-1995, 1997, 2000-2001 et… 2019 !) et pas moins de cinq diffuseurs différents ! A l’instar de Catchphrase, certains formats boudés outre-Atlantique font vraiment le régal de l’outre-Manche. Notons également que le Royaume-Uni avait la particularité de faire jouer des candidats jeunes/étudiants à ses débuts, jusqu’en 1995 où ils ont été remplacés par des adultes comme dans le format originel.
Cela dit, la version américaine me suffira pour cette critique, les versions britanniques ne présentant pas de différences majeures avec celle-ci (pour ce que j’en ai découvert du moins) hormis par rapport à ses candidats ou à ses habillages. Pour les autres versions, je ne parle toujours pas allemand, hébreu ou indonésien, donc désolé de ne pas m’être penché dessus ; mais je pense que vous ne m’en voudrez pas trop, d’autant plus si vous ne connaissiez déjà pas ce jeu à la base…
Et si ce jeu justifie que j’en parle dans ce bloc thématique axé sur les jeux de société, c’est parce qu’il adapte un jeu de société, bien qu’il soit moins connu que le Trivial Pursuit ou la Bataille Navale.
Voyons donc plus en détail le jeu de société en question, avant d’enchaîner sur le jeu TV en lui-même…
Le jeu de société Hex
Alors, attention, quand je parle de jeu de société ici, il ne s’agit pas du jeu de société dérivé « Parcours d’enfer » que j’ai mentionné en introduction ; et qui, pour le coup, correspond bel et bien à une adaptation du jeu TV, comme ça a déjà été le cas pour pléthore d’autres jeux (et qui ne s’inscrivent évidemment pas dans la thématique « jeux de société » de ce cycle, sinon on n’en finirait pas !).
Donc ici, je vais parler du jeu de société Hex, qui a très certainement bien dû inspirer ce Blockbusters.
Hex est un jeu créé en 1952, mettant en scène une grille composée d’hexagones réguliers, disposés en losange.
Chaque joueur est associé à deux côtés parallèles de ce losange ; et le but de chacun va être de créer un chemin reliant ses deux côtés, en disposant tour à tour un pion de forme hexagonale de sa couleur sur la grille.
Cependant, le but des joueurs est également de gêner son adversaire, de sorte qu’il ne puisse pas former son chemin ou soit obligé de lui faire faire des détours.
Source image : Wikipédia
Il s’agit d’un jeu de stratégie combinatoire abstrait. N’étant pas un spécialiste de la théorie des jeux combinatoires, je me contenterai de citer Wikipédia pour en citer les caractéristiques, à savoir :
- il oppose deux joueurs ou deux équipes ;
- il fait jouer ses joueurs/équipes à tour de rôle ;
- les deux joueurs/équipes connaissent parfaitement l’état du jeu, c’est-à-dire que le jeu est à information complète ;
- le hasard n’intervient pas pendant le déroulement du jeu.
Et c’est ce dernier point qui va principalement m’intéresser, et rendre intéressante l’idée d’adapter ce jeu pour moi.
En effet, je n’ai pas traité de jeux grandement basés sur la stratégie jusqu’ici, Trivial Pursuit étant un jeu de culture générale pure (avec un peu de hasard agaçant…), Scrabble pouvant l’être un chouïa (mais ça n’en est pas l’intérêt principal, et ça resterait tiré par les cheveux de le définir comme tel) et la Bataille Navale ayant certes un côté stratégique, mais clairement pas au point de me faire grimper aux rideaux non plus.
Donc, dans l’idée, j’aime bien le fait de se focaliser sur ce genre de matériau de base pour en faire un jeu TV, en espérant qu’il en conserve toute la quintessence.
Bon, spoiler : ce ne sera pas vraiment le cas ici, comme on le verra plus loin… mais au moins, ce jeu-là a quand même essayé de maintenir une certaine dimension stratégique, contrairement à Case K.O. qui l’a complètement jetée à la poubelle.
Partie 1 : La confrontation
Version 1980-1982
Revenons-en au jeu TV.
Celui-ci va se décomposer en deux parties : la première va faire s’affronter deux équipes sur le modèle précédemment décrit ; tandis que la seconde fera office de « finale » « individuelle ». Oui, les deux termes méritent des guillemets, j’y reviendrai.
Parlons plus en détail de la première partie.
Celle-ci va donc se faire s’affronter deux équipes sur le principe décrit plus haut ; mais avec deux différences notables.
La première : il n’est pas question ici de mécanique au tour par tour.
En effet, pour décider qui va poser son pion sur une case, on fera appel à la culture générale et à la rapidité. Bref, on posera une question au buzzer, quoi.
En fin de compte, c’est assez courant de faire ça pour les jeux TV adaptés de jeux de société de ce genre. Case K.O. et Mokshû Patamû faisaient de même, en remplaçant l’aspect « tour par tour » par des questions de rapidité au buzzer. Je reconnais que c’est un moyen simple, mais efficace, de justifier l’adaptation du format de base en jeu TV, pour le rendre moins linéaire dans son déroulement.
Même si, dans ce cas précis (ça plus la grille plus petite, j’y reviendrai), ça a tendance à diminuer la dimension stratégique de Hex dont je parlais plus haut.
En début de partie, une case de la grille est désignée au hasard.
L’animateur pose une question, le candidat qui pense avoir la réponse buzze ; si sa réponse est correcte, la case est marquée de sa couleur ; si elle est fausse, l’adversaire peut tenter une réponse de son côté et marquer la case de sa couleur si elle est correcte. Sinon, l’animateur pose une nouvelle question. Le candidat qui vient de répondre correctement peut choisir la case qui sera en jeu lors de la prochaine question.
Pour désigner une case, c’est simple : on donne la lettre qui est écrite dessus. Les lettres ne sont pas disposées au hasard : en fait, il s’agira de la première lettre de la réponse à la question qui sera posée. Les questions seront d’ailleurs toujours formulées pour mettre en avant l’initiale de la réponse : l’animateur demandera, par exemple, « What ‘B’ is the favourite monkey’s fruit ? », ce qui se traduira en français par : « Quel ‘B’ (sous-entendu : quel mot commençant par ‘B’) est le fruit favori du singe ? ». Un peu comme la manche 1 de TLMASMAD ou les Définitions de La Cible.
C’est un bon principe. Certes, la culture générale ressort davantage ici que l’aspect stratégique ; mais la façon dont on la met en scène en la couplant au concept de Hex est plutôt créative, et permet de rebattre un peu les cartes de temps en temps, en faisant prendre aux joueurs des décisions en temps réel (si par exemple leur chemin se retrouve bloqué par l’adversaire, ils devront chercher à le contourner).
Une case est désignée au hasard en début de partie (ici celle en noir, qui clignote), et est donc en jeu. L’équipe qui va buzzer et répondre correctement à la question prendra possession de la case.
Au bout de quelques passes, on distingue les cases remportées par chaque équipe, qui prennent leur couleur respective.
L’autre différence notable avec Hex est la taille de la grille, et surtout sa disposition.
Alors, théoriquement, Hex peut se jouer avec une grille aussi grande qu’on le souhaite, bien que la version la plus courante se joue avec une grille en losange de 11×11 cases. Mais celle-ci reste toujours en losange, de sorte qu’aucun joueur ne soit lésé dans la difficulté à composer son chemin.
Blockbusters, en revanche, va proposer une grille bien plus petite ; et, surtout, avec une forme très différente. Exit le losange, on a un rectangle, de 5×4 cases. Bon, vous l’aviez certainement déjà remarqué, au vu de mes captures d’écran.
Donc là, on se dit qu’il y a quelque chose qui ne va clairement pas, étant donné que ce sera beaucoup plus facile pour celui qui va jouer à la verticale ! Et même d’autant plus facile qu’outre le fait de nécessiter moins de pions pour former un chemin à la verticale, le joueur a également davantage de possibilités que celui qui joue à l’horizontale pour ce faire, comme le montre le schéma suivant :
Si je pars à la verticale, depuis la case verte : j’ai trois options pour continuer mon chemin en descendant. Si l’adversaire me bloque l’une des trois, j’en ai toujours deux autres à portée, sans pour autant avoir besoin de faire un chemin plus long.
En revanche, si je pars à l’horizontale, depuis la case violette, je n’ai que deux options pour continuer mon chemin en progressant vers la droite. Si l’adversaire m’en bloque une, il ne m’en restera plus qu’une autre ; et s’il me bloque les deux, il faudra que je procède à un contournement, qui me nécessitera un pion supplémentaire.
Mais c’est totalement recherché par Blockbusters, puisque le joueur qui va jouer à la verticale sera tout seul, et s’opposera à des joueurs en binôme. Oui, ça aussi, j’imagine que vous l’aviez déjà observé sur mes captures (et de toute façon, quand j’ai vaguement parlé du jeu de société dérivé de l’émission, ça y faisait aussi allusion).
Donc, finalement, l’émission assume totalement la dissymétrie qu’elle met en œuvre : d’une part, on a un candidat qui est seul, mais dont la formation du chemin sera plus simple à effectuer ; d’autre part, on a deux candidats qui jouent en équipe et qui ont deux cerveaux à disposition, mais qui en contrepartie ont un chemin plus difficile à boucler.
Sur le papier, l’idée est donc intéressante.
En pratique… mouais. Bon, c’est tout à fait personnel, et je suppose que ça ne devait pas poser tant de problèmes que ça vu que le jeu a tout de même duré longtemps (quoique, TLMVPSP se coltine bien le même déséquilibre de mécanique mal calibré depuis plus de 15 ans sans que ses producteurs ne le remettent jamais en question…). Mais je trouve quand même qu’avoir deux cerveaux plutôt qu’un seul est un avantage un peu plus… avantageux (oui, je sais, d’habitude j’essaie de varier un peu plus mon vocabulaire, mais que voulez-vous, parfois l’inspiration n’y est pas).
Alors, encore une fois, c’est personnel. Et je reconnais qu’au moins, ce jeu essaie de proposer un équilibre entre les deux parties, quitte à ne pas leur faire utiliser les mêmes armes, ce qui est un effort louable que d’autres jeux ne font pas (en particulier celui auquel je viens de faire une pique dans la ligne ci-dessus).
Donc je ne saurais pas trop dire si cet équilibre fonctionnait réellement. Sans doute ai-je été biaisé par les épisodes de la version britannique sur lesquels je suis tombé en premier, où c’était très souvent le binôme qui gagnait.
Cela étant, il y a d’autres raisons pour lesquelles je ne suis pas très fan de ce système, que je détaillerai plus loin.
Version 1987
La version 1987 se distinguera de la précédente par le fait qu’on ne cherchera cette fois-ci pas à opposer un binôme à un candidat en solo, mais tout simplement deux candidats en solo.
Ce qui va avoir un impact notamment sur le déroulement de la première partie, car il ne sera plus question d’un déroulement dissymétrique pour celle-ci. Non pas que le jeu n’aurait pas pu le conserver, en mettant à profit son système de champion (j’y reviendrai) pour lui donner l’avantage, comme l’ont grossièrement fait TLMVPSP et ses héritiers… mais Dieu merci, il ne l’a pas fait.
A la place, on aura une partie 1 qui se déroulera en deux manches gagnantes, avec la première manche où le champion jouera en horizontal et le challenger en vertical, puis une seconde manche où ce sera l’inverse ; et, en cas d’égalité, c’est le champion qui l’emporte (excusez-moi, il faut vraiment que j’arrive à faire sortir TLMVPSP de ma tête…) une manche supplémentaire est jouée, avec une grille de dimensions 4×4 cette fois-ci.
Je suis personnellement nettement plus séduit par cette version-là.
On perd certes l’originalité d’avoir une confrontation dissymétrique, qui essayait de compenser ; mais vu les inconvénients qu’elle pouvait induire, je trouve personnellement que ce n’est pas une mauvaise chose.
A la place, on a un système plus classique, mais plus équitable.
Vu comme ça, pas de grosse différence avec la première version, si ce n’est le nombre de candidats réduit. Et pourtant…
Cela étant… il y a quand même un léger détail qui va me poser problème.
En effet, si la manche supplémentaire a besoin d’être jouée, on sort une grille de 4×4, ce qui est censé faire disparaître la dissymétrie de la grille de 4×5. Sauf qu’étant donné qu’on reste toujours sur une disposition en rectangle au lieu d’une disposition en losange comme dans Hex, la dissymétrie ne disparaît pas, et c’est bel et bien plus avantageux pour le candidat qui joue en vertical.
Car, comme je le disais plus haut, quand vous formez votre chemin à la verticale de haut en bas, vous avez à chaque fois trois options (deux si vous êtes au bord de la grille) ; mais quand vous le formez à l’horizontale, vous n’en avez que deux (ou une seule en bord de grille). Donc le candidat qui joue à l’horizontale est plutôt lésé dans ces conditions, car il aura moins de possibilités pour finaliser son chemin que son adversaire… autrement dit, cette manche censée départager les candidats de façon plus neutre n’est pas si neutre qu’elle n’en a l’air. Le mieux aurait été de remettre une disposition en parallélogramme, comme dans le jeu d’origine.
Dans cette manche de tie break, la candidate en blanc est désavantagée, du coup…
Après, j’avoue que ça me dérange assez peu, dans la mesure où, d’une part, cette manche n’est pas systématiquement jouée ; et où, d’autre part c’est le champion qui joue à l’horizontale, donc qui part avec un léger handicap. Et pour une fois qu’on a un jeu qui donne légèrement plus de fil à retordre à son champion en titre, alors que TLMVPSP et consorts adorent faire l’inverse, je ne m’en plaindrai clairement pas…
Partie 2 : Gold Run
Le candidat qui a remporté la partie précédente va disputer cette ruée vers l’or. S’il s’agit du binôme, il devra désigner le candidat qui la disputera (oui, là, ce serait un peu de l’abus de jouer cette « finale » en binôme).
L’idée est de former un chemin à l’horizontale en répondant correctement aux questions posées, de la même façon que dans la manche précédente, si ce n’est que cette fois-ci il n’est plus du tout question de stratégie ni d’adversaire qui va tenter de bloquer le joueur. Juste d’un chronomètre de 60 secondes pour tenter d’y arriver.
Cette fois-ci, chaque case ne contient plus une lettre, mais un ensemble de lettres, qui désigneront les initiales de la réponse (par exemple, « NY » pour « Quelle ville américaine est surnommée ‘la grosse pomme’ ? » et la réponse « New York »), ce qui permet de varier un peu le principe de la partie précédente.
Le principe est très semblable à la finale de Catchphrase version 2, si ce n’est qu’on a ici une grille avec des hexagones au lieu des carrés (et des questions de culture générale au lieu des saynètes aussi…), ce qui laisse plus de souplesse dans la façon de former son chemin.
Par ailleurs, il n’y a pas de « tout ou rien », puisqu’en cas de défaite, le(s) candidat(s) remporte(nt) tout de même 100$ par bonne réponse donnée. Une bonne chose.
En outre, il y a eu quelques petites différences selon les versions (notamment sur les gains potentiels en cas de victoire), mais elles n’ont aucune incidence sur la mécanique globale de cette partie, donc je ne m’étendrai pas davantage dessus.
Notez toutefois que si vous ne pouvez pas former un chemin car vous avez passé trop de cases, vous pouvez quand même continuer à tenter des questions. Certes, vous avez déjà dû faire une croix sur le gros lot, toutefois comme chaque bonne réponse vous donne quand même un peu plus d’argent, autant le faire…
Le petit problème du format feuilletonnant
Pour finir, je ne savais pas trop où en parler, car ça ne concerne pas spécifiquement ce jeu-là… mais comme c’est l’un des premiers que je traite dans ce genre-là, j’en parle ici.
Bon, il y avait aussi le Scrabble américain des années 80 qui avait ce problème, mais le jeu était déjà assez tarabiscoté et l’article assez long comme ça.
A l’instar d’un QVGDM, une partie de Blockbusters peut très bien ne pas remplir la durée du créneau horaire imparti à l’émission ; ainsi, une émission peut montrer la fin d’une partie commencée précédemment, une nouvelle partie montrée en entier, puis le début d’une troisième partie qui sera terminée le lendemain.
Mais la justification de cette façon de procéder n’est pas vraiment la même que pour un QVGDM ; en effet, dans QVGDM (et consorts), le parcours d’un candidat peut avoir une durée réellement variable, et c’est indispensable dans ce contexte de ne pas caler la durée d’une partie sur un créneau horaire entier, pour ne pas fausser le déroulement (sinon, on a des Still Standing truqués au possible et des Money Drop remontés au forceps qui perdent grandement en intérêt).
Ici, en revanche, c’est plutôt justifié par le fait qu’une partie en elle-même est trop courte pour meubler une émission entière. Bon, les manches d’affrontement n’ont également pas de durée fixe, et certaines peuvent être expédiées par des candidats très performants, mais ça reste mineur.
Cependant, ce qui m’ennuie vraiment avec ça, c’est que les enjeux d’un Blockbusters ne sont pas aussi forts que ceux d’un QVGDM, dans la mesure où l’intérêt n’est pas vraiment de voir jusqu’où un candidat peut aller, mais plutôt quel concurrent va gagner. C’est un enjeu moins fort à mon sens.
Bon, techniquement, quand je dis « l’intérêt n’est pas vraiment de voir jusqu’où un candidat peut aller », en fait si, c’est quand même le cas, puisqu’il y a un système de champion. Et même sans être illimité, le fait d’atteindre un objectif particulier a quand même de quoi susciter l’attention et le respect pour ceux qui y parviennent.
Néanmoins, je trouve tout de même cet enjeu moins fort, dans la mesure où il s’étale.
Dans un QVGDM, le fait d’avoir un enjeu modulaire fait que chaque partie en soi se savoure et a de quoi générer du suspense ; ce qui fait qu’on peut enchaîner des épisodes sans être dérangé par le côté répétitif de la mécanique (même si le démarrage d’une partie est toujours un peu poussif… et qu’en 10 ans, ça devient lassant quand même, certes).
Dans un Blockbusters, en revanche, nonobstant l’intérêt de la mécanique en soi, enchaîner directement des parties donne un sentiment de répétitivité accru, dans la mesure où l’enjeu principal reste binaire (i.e. savoir laquelle des deux « équipes » a gagné), malgré l’ajout d’une manche « bonus » à chaque fin de partie. On a certes l’intérêt de voir des candidats jouer dans la durée pour voir jusqu’où ils vont aller… mais ça arrive moins vite, il faut attendre qu’une équipe ait enchaîné au moins trois ou quatre victoires pour commencer à être happé.
Notons toutefois que, comme je le disais plus haut, Blockbusters n’est pas le seul jeu à avoir ce petit problème, même si je l’ai surtout vu dans des formats anglo-saxons (bon, il était peut-être également présent dans la version française Parcours d’enfer, mais étant dans l’impossibilité de le vérifier…).
En France, le seul autre jeu qui me vient à l’esprit et qui soit concerné est Le quatrième duel. Je pense que j’en reparlerai lorsque je le traiterai, d’ailleurs.
Au fait, si vous vouliez un aperçu d’une version plus récente du jeu, voici ce à quoi ressemblait le retour du programme outre-Manche en 2012.
Pour finir, revenons un peu plus en détail sur le système de champion dont je parlais un peu plus haut, ainsi que sur la structure globale du jeu.
En fait, à ce niveau-là, ce jeu va être plus proche d’une émission comme Le quatrième duel, dans la mesure où on va enchaîner les deux parties du jeu avec une nouvelle partie juste après, quitte à ce qu’elle soit interrompue en fin d’émission et reprise à ce moment-là au début de la suivante. Et qu’on a un système de champion semblable, avec un nombre de participations (heureusement) limité, si ce n’est qu’il a l’originalité ici de pouvoir désigner aussi bien un candidat en solo qu’un binôme.
Néanmoins, la version américaine va largement revoir à la hausse au fil du temps le nombre de participations maximum pour un candidat/un binôme : au départ, il était de 8 participations, pour ensuite monter à 10, puis à 20… je suis sûr que si le jeu avait encore existé aujourd’hui, ils l’auraient fait passer en illimité (et je suis sûr que si la France réadaptait ce concept aujourd’hui, on serait en illimité direct vu notre fétichisme des grands champions…). Assez cocasse alors que, pendant ce temps-là, les Britanniques diminuaient au contraire le nombre de participations maximum, en passant de 5 à 3 !
Mais au final, ce système de champion n’apportait rien de vraiment particulier. Comme pour QPUC où, nonobstant la présence du mot « champion » dans le titre, la mécanique globale ne changerait pas d’un iota si on le retirait, étant donné que la seule chose qui donne un statut particulier au champion ici, c’est le fait d’avoir une cagnotte personnelle.
Et pour rebondir sur ce rythme de parties qui s’enchaînent indépendamment de la contrainte de case horaire, je n’en suis pas très fan ; même si je reconnais qu’ils ont dû faire ça en raison de la durée indéterminée des parties (en particulier dans les versions plus tardives, où la partie 1 se joue en deux manches gagnantes).
En fait, si ça fonctionne dans le Quatrième duel, ou même dans des formats à la QVGDM, c’est car il y a une certaine montée en puissance derrière. Dans QVGDM, c’est la progression dans la pyramide des gains ; dans Le quatrième duel, c’est parce que plus le champion gagne de duels, plus l’enjeu pour lui devient élevé (avec même plus de risques lorsqu’il tente le quatrième duel).
Mais dans Blockbusters, l’enjeu ne devient pas plus élevé au fil des ruées vers l’or (à part peut-être pour certaines émissions où le gain est deux fois plus élevé lors de la deuxième victoire, mais bon…), et il n’y a pas de choix stratégiques à effectuer de la part des candidats sur la remise en jeu de leur titre. Bon, dans la version britannique, si les candidats arrivent au nombre maximum de participations, ils remportent un prix spécial, mais comme c’est de base une version axée étudiants, ce n’est pas fabuleux non plus, et c’est surtout pour le « prestige ». Ce qui fait que l’enchaînement de parties, sans être ponctué par de vrais débuts/fins d’émissions, devient un peu monotone pour ma part. Même si, assez paradoxalement, il passe un peu mieux dans les versions en deux manches gagnantes, car ça casse un peu la stricte alternance Hex/Ruée vers l’or.
Total : 13/20
Le concept de Blockbusters en soi est plutôt bon et intéressant. Même si la dimension stratégique du jeu de base dont il est inspiré est atténuée au profit de la culture générale, le mélange passe toutefois plutôt bien et permet de lui donner un petit cachet, avec une finale qui complète bien ce principe de base.
Il m’a laissé légèrement plus sceptique sur certaines de ses tentatives, comme le fait de faire une confrontation dissymétrique ; mais je reconnais qu’il y avait une certaine originalité derrière cette idée, et qu’elle restait exploitée d’une façon acceptable (bien que j’aie préféré la confrontation plus classique de la version de 1987).
Au final, le seul « reproche » que je pourrais faire à ce jeu, c’est son côté assez répétitif, pour lequel je n’aurais pas été contre qu’on trouve quelque chose pour casser un peu sa monotonie potentielle. Ce n’est sans doute pas un jeu que j’aurais assidûment suivi pour cette raison-là si j’en avais eu l’occasion, mais ça reste un visionnage agréable que j’ai été content de découvrir.
On terminera notre tour des adaptations de jeux de société la prochaine fois, en revenant à un jeu plus classique, mais adapté d’une façon plus atypique…