garsim critique les jeux TV

C'est quoi le problème des systèmes de champion dans les jeux TV ?

C'est quoi le problème avec les systèmes de champion dans les jeux TV ?

Bon, j'en conviens, ce titre est un peu provocateur, mais j'avoue que c'est un sujet dont j'ai souvent tendance à parler, et qui à quelques reprises a tendance à quelque peu m'agacer dans certains jeux TV.
Donc autant faire une petite analyse...

Je précise que je définis un "champion" comme un candidat (ou un binôme selon le jeu) qui a gagné une émission, et qui a la possibilité de revenir dans la suivante.

D'où vient cette tendance de mettre des champions dans les jeux ?


La tendance de faire revenir des candidats ayant gagné une émission dans l'émission du lendemain ou de la semaine prochaine n'a rien de nouveau. On peut trouver ça dans beaucoup de jeux des années 80 ou 90, par exemple, à commencer par le célèbre Questions pour un champion, dont c'est un élément assez iconique.
En fait, c'est même quelque chose que l'on peut faire dans la majorité des jeux TV ; du moment que leur principe consiste à faire se confronter plusieurs candidats, il est tout à fait possible qu'après une victoire, le(s) candidat(s) victorieux remette(nt) son (leur) titre en jeu. Les seuls jeux pour lesquels ce n'est pas possible étant ceux qui se centrent sur le parcours d'un seul candidat (ou d'un binôme de candidats), comme Qui veut gagner des millions, Money Drop, A prendre ou à laisser, Carbone 14, etc. et les formats basés sur un panel de candidats comme 1 contre 100 ou Chacun son tour.
Cela étant, à ma connaissance, même si ça arrivait fréquemment de revoir les candidats de la veille le lendemain, ce n'était pas non plus (de mon point de vue) un gage de popularité, ni quelque chose de spécialement fait pour attirer les foules. D'ailleurs, la plupart des jeux qui mettaient ce système en place faisaient en sorte que le nombre de participations maximal pour un même candidat soit limité, comme Questions pour un champion où un maximum de 5 victoires consécutives était appliqué (avant que la production n'ait décidé en 2021 de supprimer cette limite de participations...).

Mais en 2006, un jeu qui allait révolutionner le PAF à ce niveau est apparu (pour mon plus grand malheur...) : Tout le monde veut prendre sa place.
A mon sens, c'est le premier jeu à avoir voulu véritablement jouer sur le statut de champion, en accordant au candidat titre plusieurs privilèges : ne commencer à jouer que tardivement dans le jeu, interagir sur le reste de la partie plus indirectement, choisir le thème de son adversaire, pouvoir remporter la partie en cas d'égalité, etc. Et, surtout : pouvoir garder sa place de façon potentiellement illimitée, sans règle pour pousser le champion dehors au bout d'un nombre d'émissions spécifique.
Bon, vous savez ce que je pense de ce jeu depuis le temps (c'est-à-dire surtout du négatif...), mais toujours est-il que c'est l'un des tout premiers à avoir mis en place un système aussi élaboré autour du principe de champion ; à tel point que ça a beaucoup joué sur sa popularité (ça plus le fait que beaucoup de gens ont probablement dû adorer voir Nagui faire son one-man-show tous les midis, mais dans les deux cas, ça avait plutôt tendance à m'irriter fortement...) et que c'est l'un des premiers jeux à avoir fait émerger des candidats dont le prénom est resté connu pour être resté pendant (très) longtemps dans un jeu TV.
A tel point d'ailleurs que ce jeu a contribué à faire sauter la concurrence de TF1 à l'époque, qui a dû proposer un autre format, Les 12 coups de midi... qui a lui aussi fait beaucoup parler en raison de ses champions et de leur longévité potentielle. Parce que TF1 avait compris que pour refaire de l'audience facilement, elle allait devoir copier cet aspect-là du jeu de la chaîne d'en face... certes, pas de façon aussi élaborée, mais l'idée de faire revenir le champion de façon illimitée suffisait amplement.

Et depuis... mis à part pour les formats précédemment mentionnés où ce n'était pas possible, et quelques rares exceptions près, les jeux TV ont tendance à inclure un système de champion dans leur cahier des charges. Certes, ils n'ont pas tous succombé à la tentation de le faire participer de façon illimitée, et un certain nombre s'est contenté de garder un nombre de participations maximal ; mais cela a quand même suffi pour populariser le concept.

Mieux que ça (ou pire, selon le point de vue), certains jeux ont connu des variantes mettant l'accent sur les champions, que ce soit Questions pour un super champion, Le Grand Slam ou les tournois/masters/ligues/concerts de N'oubliez pas les paroles (oui, celui-là en abuse joyeusement) ; et il y a même eu des formats qui faisaient la part belle à ces candidats haut-de-gamme, comme Le Quiz des champions, ou quelques émissions spéciales par-ci par-là.

Quels sont les avantages ?


Premièrement : fidéliser le public.
Les périodes les plus fastes pour les jeux TV à champion sont celles où un champion se construit sa longévité ; et plus il reste, plus il va susciter l'attention, parce que le public veut voir jusqu'où il peut aller, et comment il va être détrôné un jour.
Ne cherchez pas, les plateaux d'audience les plus élevés des 12 coups de midi et de N'oubliez pas les paroles correspondent quasi-systématiquement aux périodes de présence d'un grand Maître de midi ou d'un grand maestro, et ont tendance à retomber un peu suite à leur défaite, voire à stagner lorsqu'aucun champion notable ne se dégage.
D'ailleurs, ça fait souvent parler dans les magazines TV et les sites médias, à tel point qu'ils adorent écrire des articles de "rumeurs" comme quoi un grand champion serait détrôné prochainement (merci pour le spoiler au passage...). Du clic, du clic, du clic.

Deuxièmement : financièrement, c'est plutôt un bon plan pour les boîtes de production pour faire gagner de gros grains, surtout depuis plusieurs années où les diffuseurs se serrent la ceinture.
Dans un jeu sans champion, si on veut faire miroiter des gains mirobolants, il faut mettre des gains mirobolants qu'un candidat peut gagner en une seule participation. Remporter ces gains en pratique est une autre histoire, et heureusement pour les chaînes (imaginez si tous les candidats gagnaient un million d'euros à Qui veut gagner des millions...), même si certaines ont des subterfuges pour promettre monts et merveilles alors qu'en pratique elles s'arrangent pour que ça n'arrive jamais (comme A prendre ou à laisser version Hanouna, en ne proposant pas d'échange avant que la boîte à 250 000+ ne tombe par exemple... ou encore dans Super Million Question, où à moins de tenter une réponse avant même que la question ne soit posée, le million n'est pas possible).
Mais dans un jeu avec champion, un candidat peut "facilement" remporter une grosse somme en cumulant ses victoires, surtout quand il n'y a pas de limite de participation ! Et d'un point de vue production, c'est quand même plus rentable de faire gagner (par exemple) 50 000 euros à un candidat en deux semaines d'émissions qu'en un seul numéro !
Prenez par exemple TLMVPSP : beaucoup de champions ont dépassé facilement la barre des 10000 euros, alors que pourtant, le grand maximum qu'un champion peut gagner en une seule émission, c'est seulement 3000 euros (et encore, c'est vraiment le grand maximum, en général on tourne plutôt auour des 1000 euros, voire moins si le champion se complaît à donner systématiquement le thème pourri au challenger pour garder plus facilement sa place). C'est plutôt une bonne opération financière pour France 2, non ?
D'ailleurs, quand on observe TF1 dans le courant des années 2010, on a pu constater qu'elle proposait de moins en moins de jeux de plateau avec des anonymes (jeux qui étaient très généreux dans les gains potentiels, au passage), à tel point qu'elle a fini par ne quasiment plus en proposer... à une exception notable qui perdure encore et toujours : Les 12 coups de midi, qui était d'ailleurs l'un des rares jeux à champion que la chaîne proposait.

Troisièmement : tirer sur la corde des concepts qui marchent.
Parce que comme les diffuseurs et la parcimonie, ça fait deux, c'est fréquent que dès qu'une émission cartonne, on va en bouffer de plus en plus. Ce n'est certes pas une exclusivité relative aux jeux à champion (après tout, Affaire conclue qui n'est pas un jeu TV a bien bénéficié d'une double diffusion quotidienne, de spin-offs et de primes occasionnels alors qu'au départ cette émission ne servait qu'à meubler une heure d'antenne), mais ça offre un bon prétexte aux chaînes et aux boîtes de production pour proposer des variations ou des spéciales du concept de base...
Ca permet aussi de démarquer un peu certaines émissions par rapport à leur diffusion habituelle. Pour les jeux de fin d'après-midi de France 3, ça permet de proposer des éditions un peu différentes de Questions pour un champion et de Slam le week-end, par rapport à la semaine, en proposant des variantes spéciales super champions (même si personnellement, je ne trouve quasiment aucun intérêt à ces versions-là, qui se contentent juste de dupliquer une manche pré-existante quasiment à l'identique pour ne pas faire intervenir le super champion dès le départ, rallongeant artificiellement le jeu au passage...).
Après, je ne suis pas contre des spéciales anciens champions dans les jeux TV non plus, au même titre que des spéciales enfants (c'est devenu beaucoup moins fréquent d'ailleurs, alors qu'à une époque il y en avait davantage), des spéciales régions, des spéciales grandes écoles, etc. car compte tenu de la popularité de certains champions, ça peut faire plaisir de les revoir. Mais parfois, on se dit qu'il y a un peu de l'abus.
Prenons N'oubliez pas les paroles, qui a, en plus des masters et des tournois, inauguré début 2022 un nouveau format mettant en avant ses plus grands maestros, sans parler d'une tournée de concerts. Au bout d'un moment, on n'en ferait pas un peu trop, non ?

Qu'est-ce qui ne va pas avec ça, finalement ?


Déjà, attaquons tout de suite le cas de figure qui fâche (enfin, pour moi surtout) : les jeux dans lesquels le champion a un avantage en termes de règles de par son statut.
Ca ne concerne heureusement qu'une petite partie des jeux à champion et ce n'est pas fréquent (dans la majorité d'entre eux, le champion reste juste un candidat qui démarre la partie avec sa cagnotte personnelle), mais parmi ceux-ci, il y en a quand même qui sont (ou ont été) à très populaires, à commencer par TLMVPSP qui en a fait son fonds de commerce.
En soi, faire en sorte que le champion ait quelques avantages par rapport aux autres candidats... pourquoi pas. Mais du moment que ça ne déséquilibre pas trop la partie, sinon ça peut tuer l'intérêt de regarder quand c'est mal effectué. Et à ce niveau, seul Harry (dans sa 2e version) s'en sort à peu près correctement, en se contentant de faire sauter les deux premières manches au champion, mais en le faisant concourir normalement avec son challenger sur une manche qui se joue sur un critère ne dépendant pas de son statut.
Pour les autres jeux qui me viennent en tête, en revanche, ça se complique. Ils sont au nombre de trois : N'oubliez pas les paroles, Trouvez l'intrus, et (bien évidemment) TLMVPSP. Pour le détail de la mise en application des systèmes à leur échelle, je vous invite à lire les 50/50 des jeux concernés.
Ces trois jeux ont pour point commun de mettre en place un système où, lorsque le champion réalise le score maximal, il devient immédiatement impossible à rattraper par le challenger, à cause de règles qui ne permettent pas de régler ce genre de cas proprement, et parce qu'il faut forcément un champion pour l'émission suivante, rendant les égalités inenvisageables. Pour moi, ce n'est absolument pas normal qu'un jeu puisse permettre ce favoritisme dans ses règles, et c'est le genre de critère qui peut vraiment me faire détester un jeu, car ça me donne l'impression de le regarder pour rien, en sachant ce qui va probablement se passer à cause des règles.
D'ailleurs, même sans aller jusque là, le simple fait de laisser au champion le choix du thème du challenger dans TLMVPSP lui donne quand même un avantage beaucoup trop grand, car dans ces conditions il est facile de se réserver son thème de prédilection et de refiler le thème le moins inspirant, générant donc pour 90% des finales au bas mot un scénario sans saveur avec une victoire prévisible. C'est bien beau que ce jeu détienne le record mondial du nombre de participations à un jeu TV pour sa championne Marie-Christine, mais en même temps, avec des règles pareilles qui rendent aussi relativement facile le fait de rester, il n'y a vraiment pas de quoi pavoiser...
On pourra rétorquer que ça rendra d'autant plus méritée la victoire du challenger et l'accès aux avantages que le statut de champion va lui conférer... mais à un certain stade, ça devient davantage une question de chance que de mérite. La chance de tomber soit sur un champion peu performant, soit sur un champion performant mais qui a exceptionnellement fait un mauvais pas et (pour une fois) laissé une fenêtre au challenger. Un duel au sommet entre deux élites devient tout de suite beaucoup moins intéressant si l'un des concurrents est avantagé par rapport aux règles du duel en question...

Ensuite, ça a tendance à un peu trop favoriser certains candidats au détriment des autres.
D'ailleurs, la conséquence de l'aspect précédent est que ça crée une sorte de "starification" de ces champions.
D'un point de vue personnel, je trouve ça dommage, car ça enlève un peu le côté "proche" des jeux avec anonymes, l'impression que tout le monde peut avoir son quart d'heure de gloire, à force de se focaliser sur les champions et de se dire qu'on en fait (intentionnellement ou non) des stars.
Je pourrais presque comparer ça aux candidats de télé-réalité, qui n'étaient qu'au départ des participants à de nouveaux concepts d'émissions TV, mais qui ont fini par devenir des célébrités à leur échelle, et à faire de candidat de télé-réalité un métier à part entière, enlevant le côté naturel que l'on pouvait avoir aux débuts de ce genre d'émissions.
Bon, certes, pour les jeux TV, c'est beaucoup moins malsain, vu que la plupart d'entre eux valorisent les compétences des candidats (là où la télé-réalité met plutôt en avant leur bagoût, leurs caractères et leur aptitude à faire des clashes et des buzz futiles).
Néanmoins, c'est devenu un peu gênant pour TF1 et Les 12 coups de midi de devoir assumer l'image de leur ex-maître de midi le plus performant, suite à ses déboires judiciaires... il leur aura fallu en trouver d'autres encore plus performants pour tenter de le faire oublier.

Et enfin... ce système de champion est devenu tellement courant qu'il en est juste devenu lassant pour moi. Voir quasiment tous les jeux y faire appel et mettre au placard d'autres concepts plus "classiques" comme les jeux que TF1 pouvait proposer en access... c'est dommage. Ca a tendance à réduire la diversité des mécaniques de jeu.

Publié le 10/03/2022

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